GHM. Le parquet requiert le renvoi de Bensaid en correctionnelle, Avec liquidé
Par Manuel Pavard
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La justice prononce la liquidation judiciaire du groupe Avec [Mise à jour 08/10/2025]
Le tribunal de commerce de Bobigny a rendu son délibéré ce mercredi 8 octobre, prononçant la liquidation judiciaire de la holding Avec SA. Le groupe fondé par Bernard Bensaid avait repris en 2020 le Groupe hospitalier mutualiste (GHM) de Grenoble, l’une de ses multiples entités (dans des domaines allant de la santé au médico-social, en passant par l’aide à domicile ou les résidences pour seniors).
Évoquant « un château de cartes qui s’effondre », le président de la Métropole de Grenoble Christophe Ferrari s’est félicité, dans un communiqué, d’une décision qui « sonne la fin de la partie pour le ‘système Bensaid’, un système prédateur qui a mis en difficulté notamment financière de nombreuses organisations ».
Quid des conséquences maintenant, notamment pour la clinique mutualiste ? Si les collectivités comme les syndicats restent attentifs, l’avenir du GHM, placé sous la tutelle de deux administrateurs provisoires depuis mai 2023, n’est a priori pas remis en cause.
« Comme nous l’avons fait ces dernières années, nous échangerons de manière proactive et constructive avec l’ensemble des parties prenantes impliquées dans ce dossier, pour préparer la suite et garantir le maintien d’une offre de soins à but non lucratif », assure également Christophe Ferrari. Et de promettre : « Nous n’hésiterons pas à interpeller de nouveau l’ARS et le ministère de la Santé sur ce dossier épineux, ainsi que les parlementaires. »
[Encadré ajouté mercredi 8 octobre, à 18h50]
Nouvel épisode dans l’interminable saga judiciaire du Groupe hospitalier mutualiste (GHM) et du groupe Avec, repreneur de la clinique mutualiste grenobloise en 2020 — alors sous le nom de Doctegestio. Il s’agit cette fois des suites de l’information judiciaire ouverte en 2023 et ayant conduit à la mise en examen de l’ex-PDG Bernard Bensaid et de sa société. L’une des multiples procédures visant actuellement le sulfureux industriel.
Le procureur de la République de Grenoble Étienne Manteaux l’a annoncé ce jeudi 2 octobre, lors d’une conférence de presse : « Mardi, le parquet a remis au juge d’instruction un réquisitoire définitif aux fins de renvoi de M. Bensaid et de la société Avec devant le tribunal correctionnel. » Le tout sous deux qualifications différentes : le « détournement de fonds publics et privés » et la « prise illégale d’intérêts ».

Le parquet de Grenoble a également proposé une date d’audience, à savoir le 8 septembre 2026. Bernard Bensaid est en effet « déjà poursuivi dans le cadre d’une convocation en justice à cette audience », précise le magistrat. Et ce, pour des faits d’abus de bien social concernant la clinique de Chartreuse, à Voiron. Pour le reste, la balle est désormais dans le camp du juge d’instruction, « qui décidera des suites à donner à ce dossier à la lumière de notre réquisitoire définitif », indique Étienne Manteaux.
« Des fonds étaient prélevés dans des structures apparaissant plutôt en bonne santé financière, comme le GHM, pour renflouer les comptes de sociétés en difficulté. »
Étienne Manteaux, procureur de la République de Grenoble
Le parquet a en tout cas considéré que les infractions étaient « largement constituées ». Pour le détournement de fonds, le procureur pointe ainsi une « confusion des patrimoines » de la part de Bernard Bensaid, auquel il est reproché d’avoir, dans le cadre de la gestion du GHM, transférer 8 millions d’euros à Doctocare. Une société sans salariés, qualifiée par la Métropole de Grenoble de « mutuelle de façade », qui avait « pour but de refinancer différentes cliniques également détenues par M. Bensaid » (dans l’Aube, dans la Manche, en Seine-et-Marne), explique Étienne Manteaux.
Autrement dit, traduit ce dernier, « des fonds étaient prélevés dans des structures apparaissant plutôt en bonne santé financière, comme le GHM, pour renflouer les comptes de sociétés en difficulté ». Des établissements qui se sont d’ailleurs tous retrouvés en redressement judiciaire, voire en liquidation pour certains.
« Très peu d’espoir que ces fonds soient reversés au GHM »
Sur ces 8 millions d’euros, environ 1,6 millions ont pu être reversés, à la demande de la justice, au profit de la Mut’. Mais « il reste un trou estimé de 6,4 millions d’euros qui, compte tenu de la situation financière des sociétés (…), laisse très peu d’espoir que ces fonds soient reversés au GHM », affirme le procureur de la République.

Quant à la prise illégale d’intérêts, celle-ci est liée au contrat conclu par la clinique mutualiste avec Doctegestio (devenu depuis Avec) pour la fourniture de service support. Soit vingt-deux factures réglées par le GHM pour un montant total de 4,2 millions d’euros. Ciblée dès l’origine par le collectif des salariés et usagers, cette convention a été annulée par la cour d’appel de Grenoble en 2022, pour avoir été « conclue de manière tout à fait irrégulière », souligne le magistrat.
Bernard Bensaid a en outre fait l’objet de « saisies patrimoniales », poursuit-il. À savoir 700 000 euros prélevés sur ses comptes personnels, ainsi qu’un cautionnement de 500 000 euros dans le cadre de son contrôle judiciaire.
Quelles peines risque-t-il ? Bernard Bensaid encourt dix ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende pour le détournement de fonds, cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende pour la prise illégale d’intérêts. Pour le groupe Avec, les amendes encourues en tant que personne morale sont respectivement de 5 millions et 2,5 millions d’euros. L’ancien PDG a par ailleurs écopé d’une interdiction de gestion pour six ans, prononcée le 27 mai dernier par le tribunal correctionnel de Bobigny.