Le ministre de l’Industrie Marc Ferracci à Pont-de-Claix, une visite pour rien ?

Par Manuel Pavard

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Marc Ferracci sur la plateforme chimique de Pont-de-Claix (aux côtés de la députée Camille Galliard-Minier et de la préfète Claire Séguin) après sa rencontre avec des dirigeants et salariés de BorsodChem.
Le ministre de l'Industrie était en Isère ce jeudi 26 juin, pour une visite consacrée à l'avenir de la plateforme chimique de Pont-de-Claix. Marc Ferracci s'est enfin rendu, pour la première fois, sur le site, deux mois et demi après la reprise partielle de Vencorex par BorsodChem, filiale hongroise du groupe chinois Wanhua. Un déplacement qui n'a toutefois débouché sur aucune annonce d'envergure, au grand dam des salariés, représentants syndicaux et élus qui portent toujours un projet de reprise en coopérative sur l'autre partie de la plateforme.

Fer­rac­ci ? « Sert à tchi » ! Le sobri­quet dont le ministre de l’In­dus­trie a été affu­blé par les sala­riés de Ven­co­rex dit beau­coup de sa popu­la­ri­té chez ces der­niers. Et pas sûr que celle-ci remonte en flèche après sa visite, ce jeu­di 26 juin. De fait, l’a­dage « mieux vaut tard que jamais » ne sied guère à Marc Fer­rac­ci. « On n’en attend abso­lu­ment rien car on a atten­du le ministre pen­dant des mois », a rap­pe­lé Sébas­tien, ex-tech­ni­cien sur la fabri­ca­tion du sel, licen­cié avec vingt ans d’an­cien­ne­té. « On a deman­dé acti­ve­ment, for­te­ment sa venue et il n’a jamais dai­gné témoi­gner le moindre inté­rêt, à part nous accom­pa­gner vers la sor­tie. »

Mal­gré les nom­breuses perches ten­dues à cet effet par les délé­gués syn­di­caux de Ven­co­rex comme par leurs cama­rades d’Ar­ke­ma, mais aus­si par dif­fé­rents élus, le ministre de l’In­dus­trie n’a­vait pas mis les pieds dans l’ag­glo­mé­ra­tion gre­no­bloise depuis l’an­nonce du redres­se­ment judi­ciaire, en sep­tembre der­nier. Ni pen­dant les deux mois de grève à Pont-de-Claix, fin 2024, ni au moment des audiences devant le tri­bu­nal de com­merce de Lyon. Lequel a fina­le­ment sta­tué, le 10 avril, en faveur d’une reprise par­tielle de Ven­co­rex par Bor­sod­Chem, filiale du groupe chi­nois Wan­hua, au détri­ment du pro­jet de reprise en SCIC por­té par des sala­riés, col­lec­ti­vi­tés et indus­triels.

Le ministre de l’In­dus­trie s’est ren­du à Pont-de-Claix après un comi­té de pilo­tage en pré­fec­ture le matin.

C’est donc « après la bataille » que Marc Fer­rac­ci a annon­cé, mer­cre­di 25 juin, son dépla­ce­ment en Isère le len­de­main. Avec pour objet l’a­ve­nir de la pla­te­forme chi­mique. Au menu, un comi­té de pilo­tage le matin en pré­fec­ture, aux côtés de la pré­fète Cathe­rine Séguin et de plu­sieurs élus locaux, comme le pré­sident de la Métro­pole et maire de Pont-de-Claix Chris­tophe Fer­ra­ri ou les dépu­tées Marie-Noëlle Bat­tis­tel (PS) et Cyrielle Cha­te­lain (Les Éco­lo­gistes). Puis, un pas­sage sur le site de Pont-de-Claix où le ministre de l’In­dus­trie a notam­ment ren­con­tré les repré­sen­tants de Bor­sod­Chem.

« Accompagner le reclassement des salariés »

Mal­heu­reu­se­ment — et sans grande sur­prise — pas d’an­nonce forte de sa part, au sor­tir de ces entre­tiens. Pour Marc Fer­rac­ci, le pre­mier enjeu était « d’a­bord d’ac­com­pa­gner le reclas­se­ment des sala­riés qui n’ont pas encore trou­vé d’op­por­tu­ni­té pro­fes­sion­nelle. C’est de faire en sorte que ces reclas­se­ments puissent inter­ve­nir dans des délais brefs et dans des condi­tions satis­fai­santes, notam­ment en termes de loca­li­sa­tion, parce que c’est tou­jours extrê­me­ment dif­fi­cile quand on a vécu des mois et des mois dans l’an­goisse et dans l’an­xié­té », a‑t-il sou­li­gné.

Marc Fer­rac­ci s’ex­prime devant la presse, après plu­sieurs réunions sur le site.

L’ob­jec­tif, selon lui, c’est que les sala­riés licen­ciés puissent « retrou­ver un emploi sur le bas­sin de vie à proxi­mi­té. Et c’est ce que les ser­vices de l’É­tat essayent de faire en lien avec toutes les par­ties pre­nantes de l’ac­com­pa­gne­ment et du reclas­se­ment », a affir­mé le ministre.

Pour­tant, la réus­site n’est pas vrai­ment au ren­dez-vous, d’a­près Sébas­tien : « On se rend compte que les ser­vices qui devaient nous prendre en charge, comme France Tra­vail, ne sont pas prêts du tout. Ça fait trop de monde en même temps et ils ont fait appel à des cabi­nets exté­rieurs qui ne sont pas prêts non plus. Je com­mu­nique encore avec nombre de mes col­lègues qui n’ont tou­jours pas eu d’en­tre­tien », a‑t-il déplo­ré. Avant de glis­ser, iro­nique : « En termes d’ac­com­pa­gne­ment dans l’emploi, on repas­se­ra ! »

Autre enjeu évo­qué par Marc Fer­rac­ci, l’a­ve­nir de la pla­te­forme chi­mique de Pont-de-Claix, sa « capa­ci­té à conso­li­der ses acti­vi­tés » et la néces­si­té de « pré­ser­ver les com­pé­tences ». Il faut en effet « qu’on se donne les moyens de trou­ver des acti­vi­tés indus­trielles demain pour ce site », a mar­te­lé le ministre de l’In­dus­trie, avant d’a­bor­der rapi­de­ment l’é­pi­neux sujet de la dépol­lu­tion, là encore sans rien pro­mettre.

Exalia, nouveau projet de reprise sur le reste du site

Néan­moins c’é­tait sur­tout sur un autre dos­sier que les sala­riés, col­lec­ti­vi­tés locales et indus­triels aux manettes du pro­jet de coopé­ra­tive atten­daient de pied ferme Marc Fer­rac­ci. Concer­nant le manque de sou­tien de l’É­tat à une reprise en SCIC, celui-ci a bot­té en touche. « Le tri­bu­nal a pris sa déci­sion. Il m’ap­par­tient pas de la com­men­ter parce que je suis aus­si atta­ché à la sépa­ra­tion des pou­voirs », a‑t-il décla­ré. Mais les por­teurs du pro­jet, à com­men­cer par le trio Séve­rine Dejoux (CGT) — Chris­tophe Fer­ra­ri — Oli­vier Six (CIC Orio), n’ont pas aban­don­né et défendent désor­mais une autre pers­pec­tive de reprise, sur le reste de la pla­te­forme (hors Bor­sod­Chem). Son nom ? Exa­lia.

Marc Fer­rac­ci à son arri­vée sur la pla­te­forme chi­mique de Pont-de-Claix.

Si les détails seront com­mu­ni­qués pro­chai­ne­ment par les inté­res­sés, ces der­niers en ont natu­rel­le­ment réser­vé la pri­meur au ministre. Qui a énu­mé­ré cer­taines condi­tions pour que l’É­tat puisse inter­ve­nir : « La pre­mière des condi­tions, c’est la via­bi­li­té éco­no­mique du pro­jet. (…) La deuxième condi­tion, c’est qu’il y ait un débou­ché éco­no­mique ou un modèle éco­no­mique pérenne, c’est-à-dire qu’il y ait des clients. »

Et Marc Fer­rac­ci de pour­suivre : « Il faut évi­dem­ment être très sou­cieux de cette condi­tion-là, parce qu’on l’a bien vu pen­dant des mois et des mois, des inves­tis­seurs se sont inté­res­sés à Ven­co­rex et n’ont pas sou­hai­té fran­chir le pas. Pour­quoi ? Parce que le modèle éco­no­mique de la filière chi­mie est évi­dem­ment très dif­fi­cile, avec une concur­rence inter­na­tio­nale par­fois déloyale et des enjeux de com­pé­ti­ti­vi­té dif­fi­ciles à résoudre. »

« Qu’est-ce qu’il vient faire avec son opération de com ? »

Bref, beau­coup de bla­bla pour peu d’en­ga­ge­ments ou annonces concrètes. Pré­sent aux côtés de quelques anciens col­lègues devant le por­tail, à Pont-de-Claix, Sébas­tien ne cachait pas son amer­tume ni son incom­pré­hen­sion : « Aujourd’­hui, qu’est-ce qu’il vient faire avec son opé­ra­tion de com’ ? Nous, clai­re­ment, on ne com­prend pas trop. Mais je serais très curieux de savoir et d’ap­prendre de sa bouche pour­quoi il est là ! »

Sébas­tien, ex-sala­rié de Ven­co­rex, amer mais lucide.

L’ex-sala­rié, qui était impli­qué dans le pro­jet ini­tial de coopé­ra­tive, aurait sur­tout sou­hai­té que le ministre « agisse dans le bon sens pour sau­ver l’emploi et par­ti­ci­per à la réin­dus­tria­li­sa­tion, comme ils aiment le dire ». Mais au contraire, Marc Fer­rac­ci et l’en­semble des der­niers ministres et gou­ver­ne­ments de droite « accom­pagnent la dés­in­dus­tria­li­sa­tion de la France depuis des décen­nies », accuse Sébas­tien.

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