Vencorex : les salariés en grève, la plateforme chimique de Pont-de-Claix bloquée

Par Manuel Pavard

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Le blocage de la plateforme chimique de Pont-de-Claix a débuté dès 13h, devant l'entrée nord. © Martine Briot
Une seule offre de reprise a été déposée pour Vencorex et ce, pour une activité unique, l'atelier de tolonates. L'entreprise hongroise BorsodChem ne garderait ainsi que 25 emplois sur un total de 465. Réunis en assemblée générale ce mercredi 23 octobre, les salariés ont donc voté une grève illimitée et commencé à bloquer, le jour même, la plateforme chimique de Pont-de-Claix.

La nou­velle a fait l’effet d’un séisme à Ven­co­rex, sur la pla­te­forme chi­mique de Pont-de-Claix, mais aus­si, plus glo­ba­le­ment, pour l’ensemble de l’industrie de la chi­mie du sud gre­no­blois. Si l’inquiétude pré­do­mi­nait en effet chez les sala­riés depuis le pla­ce­ment en redres­se­ment judi­ciaire, le 10 sep­tembre, beau­coup conser­vaient néan­moins une lueur d’espoir. Mal­heu­reu­se­ment, c’est plu­tôt un scé­na­rio catas­trophe qui se pro­file, au len­de­main de la clô­ture des offres de reprise, fixée au 21 octobre.

Le cou­pe­ret est tom­bé en CSE extra­or­di­naire : un seul repre­neur poten­tiel a fait acte de can­di­da­ture pour prendre la relève du groupe thaï­lan­dais PTT Glo­bal Che­mi­cal. Il s’agit en l’occurrence de l’entreprise hon­groise Bor­sod­Chem, filiale du groupe chi­nois Wan­hua. Ceci avec une offre basée sur une acti­vi­té très par­tielle, à savoir uni­que­ment l’atelier de tolo­nates (com­po­sants pour ver­nis et pein­tures), dont seuls 25 des 46 sala­riés seraient repris — sur les 466 employés, au total, de Ven­co­rex France.

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Les sala­riés ont voté la grève à l’u­na­ni­mi­té, ce mer­cre­di matin, au foyer muni­ci­pal de Pont-de-Claix. © Manuel Pavard

« Ils ne sont inté­res­sés que par les tolo­nates et tout ce qui va avec : les bre­vets, nos filiales aux États-Unis et en Thaï­lande, et puis notre por­te­feuille clients », déplore Denis Car­ré, délé­gué CGT de la pla­te­forme chi­mique de Pont-de-Claix. « Le prin­cipe, c’est de prendre cette par­tie tolo­nates entière mais qui n’est pas viable de cette façon aujourd’hui. Elle ne peut pas fonc­tion­ner à elle toute seule, avec 25 sala­riés seule­ment. Tout le sup­port à côté n’existe plus dans leur pro­po­si­tion. »

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Ban­de­role visant l’ac­tion­naire thaï­lan­dais sur les grilles de la pla­te­forme chi­mique, blo­quée ce mer­cre­di après-midi. © Mar­tine Briot

Pour les sala­riés de Ven­co­rex et des deux sites isé­rois, c’est la douche froide et une vraie – mau­vaise – sur­prise. « À Pont-de-Claix comme à Jar­rie, je pense qu’on avait tous la cer­ti­tude d’avoir une reprise de sel, puisque c’est un enjeu majeur pour l’État… Fina­le­ment, il n’en est rien », constate Denis Car­ré.

« Plus rien ne rentre, plus rien ne sort »

Le repré­sen­tant syn­di­cal s’étonne de la stra­té­gie des socié­tés pré­ten­du­ment inté­res­sées par la pro­duc­tion de sel : « Arke­ma et d’autres se disent prêts à dis­cu­ter, mais il y a des règles. Je ne sais pas à quoi jouent ces patrons et action­naires. À quoi ça sert de venir après une date limite d’offre ? » Ces repre­neurs « jouent avec nos vies », accuse-t-il, évo­quant l’angoisse qui s’étend chez les sala­riés.

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L’in­ter­syn­di­cale (CGT, CFE-CGC, CFDT) avait convo­qué une AG à la suite de l’an­nonce faite en CSE extra­or­di­naire. © Manuel Pavard

Illus­tra­tion de cette inquié­tude géné­rale, ces der­niers ont répon­du mas­si­ve­ment à l’appel de l’intersyndicale (CGT, CFDT, CFE-CGC) qui avait convo­qué une assem­blée géné­rale en urgence, ce mer­cre­di 23 octobre au matin, au foyer muni­ci­pal de Pont-de-Claix. À l’ordre du jour, la nature de la mobi­li­sa­tion et de la riposte à ce coup de semonce.

Sans sur­prise, les sala­riés de Ven­co­rex, très remon­tés, ont ain­si voté à l’unanimité pour une grève illi­mi­tée ain­si que pour un blo­cage immé­diat de la pla­te­forme chi­mique. « Plus rien ne rentre, plus rien ne sort », annoncent les syn­di­cats à la tri­bune, sous des applau­dis­se­ments nour­ris.

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Le blo­cage s’or­ga­nise pour durer à l’en­trée nord du site. © Mar­tine Briot

Ren­dez-vous était donc don­né dès 13h à l’entrée nord de la pla­te­forme, où quelque 150 per­sonnes étaient pré­sentes. Et effec­ti­ve­ment, aucune livrai­son n’a pu péné­trer sur le site. Si tout s’est dérou­lé dans le calme, les sala­riés, par­ti­cu­liè­re­ment déter­mi­nés, sont éga­le­ment « à vif et ne savent plus com­ment faire », observe Jérôme, de la CGT Ven­co­rex.

« Nous n’avons plus rien à perdre »

« La moyenne d’âge est de 46 ans. Nous avons une famille et l’âge des enfants néces­site encore plus que nous ayons un tra­vail », sou­ligne-t-il. Pour lui, « s’il n’y a pas de reprise c’est la fin de Pont-de-Claix et de Jar­rie ». Avec des consé­quences très larges, craint le sala­rié : « Nous ne sommes pas les seuls à être impac­tés. Il y a aus­si les com­mer­çants, la popu­la­tion qui béné­fi­cie des infra­struc­tures dues aux richesses pro­duites dans ce bas­sin d’emploi. »

« Il n’est pas ques­tion de se lais­ser mener par les déci­sions thaï­lan­daises », ajoute Jérôme. Le groupe PTT GC doit ain­si « prendre en consi­dé­ra­tion les dégâts qu’il pro­voque », abonde Mary­line, employée à la sécu­ri­té indus­trielle. « Nous nous bat­tons pour faire reve­nir les gens autour d’une table pour des offres. Car nous vou­lons obte­nir au mini­mum ce que pro­posent les conven­tions col­lec­tives », pour­suit-elle.

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Près de 700 per­sonnes avaient défi­lé le 1er octobre, à Pont-de-Claix, pour sou­te­nir Ven­co­rex. © Manuel Pavard

Le blo­cage de la pla­te­forme est pré­vu à ce stade jusqu’au mar­di 29 octobre, jour de la pro­chaine AG. « D’ici là, deux ren­dez-vous en visio ont lieu avec deux minis­tères, dont celui de l’Industrie », indique Jérôme. « Le blo­cage vise à empê­cher Ven­co­rex de pro­duire et sur­tout d’organiser un stock pour six mois de pro­duc­tion. »

Les sala­riés de la pla­te­forme chi­mique de Jar­rie « doivent [les] rejoindre d’ici lun­di », pré­cise le mili­tant CGT. De son côté, Mary­line parle au nom des cent femmes tra­vaillant sur des postes de sécu­ri­té indus­trielle, logis­tique, ser­vice achats ou au labo : « Nous sommes prêtes à aller jusqu’au bout, nous n’avons plus rien à perdre. »

Les gré­vistes, qui saluent le sou­tien de la ville de Pont-de-Claix et son aide logis­tique – via le prêt de tables et chaises notam­ment -, ont com­men­cé à orga­ni­ser le plan­ning d’occupation en conti­nu. Ils invitent tous les habi­tants qui le sou­haitent à les rejoindre sur le site pour les sou­te­nir.

Avec Mar­tine Briot

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Denis Car­ré, délé­gué syn­di­cal CGT, au micro, lors de l’AG ce mer­cre­di 23 octobre. © Manuel Pavard

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