Arkema Jarrie. La grève se durcit, arrêt total de l’usine

Par Martine BRIOT

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Le piquet de grève d'Arkema, devant la plateforme chimique de Jarrie, mardi 14 janvier.
Les salariés d'Arkema Jarrie ont voté l'arrêt total de l'usine à partir de ce lundi 13 janvier. La grève débutée le 5 décembre dans la partie sud de la plateforme chimique - que la direction prévoit de fermer - s'étend ainsi à la partie nord. En cause, selon l'intersyndicale (CGT, CFDT, CFE-CGC), l'absence de garanties sur la pérennité du site. Mais aussi la crainte d'un "effet domino" déclenché par les difficultés de Vencorex et touchant l'ensemble du secteur de la chimie.

Depuis lun­di 13 jan­vier, à 8 heures, c’est tout le site d’Ar­ke­ma qui tourne au ralen­ti, sur la pla­te­forme chi­mique de Jar­rie. La par­tie sud, déjà en grève depuis le 5 décembre der­nier, a en effet été rejointe par la par­tie nord. Réunis en assem­blée géné­rale ven­dre­di 10 jan­vier, les sala­riés ont voté l’ar­rêt total de l’u­sine à par­tir du lun­di matin. Un blo­cage qui se pour­sui­vra a mini­ma jus­qu’à la pro­chaine AG, pré­vue ce ven­dre­di 17 jan­vier.

L’u­sine d’Ar­ke­ma Jar­rie est à l’ar­rêt depuis le 13 jan­vier.

Pour­quoi ce dur­cis­se­ment du mou­ve­ment ? Mar­di 8 jan­vier, un CSE avait été convo­qué pour pré­sen­ter aux sala­riés une mesure de chô­mage par­tiel. Le siège d’Ar­ke­ma venait alors d’an­non­cer 160 licen­cie­ments bruts, dans le cadre du Plan de sau­ve­garde de l’emploi (PSE), et une reprise de 30 sala­riés par Fra­ma­tome (NDLR : pour le dépo­tage du chlore, voir Le Tra­vailleur alpin n°350 de jan­vier 2025), le voi­sin de Jar­rie. C’est cette déci­sion bru­tale qui a conduit l’in­ter­syn­di­cale (CGT, CFDT, CFE-CGC) à pro­gram­mer une assem­blée géné­rale le 10 jan­vier.

La direction pointée du doigt par les salariés

Les quelque 150 sala­riés pré­sents ce jour-là — sur envi­ron 340 au total — ne s’y sont pas trom­pés, votant una­ni­me­ment la grève géné­rale. Seules les entre­prises exté­rieures peuvent ren­trer, ain­si que les camions trans­por­tant du maté­riel. Le per­son­nel assure éga­le­ment la sécu­ri­té de l’en­tre­prise. Les sala­riés ren­con­trés sur le piquet de grève, tous favo­rables à la mobi­li­sa­tion, ren­voient clai­re­ment la res­pon­sa­bi­li­té de la situa­tion actuelle à la direc­tion d’Ar­ke­ma. Laquelle a, selon un mili­tant CFDT, pro­po­sé aux gré­vistes de « les payer tout en res­tant à la mai­son ». Ceci afin que ces der­niers aient moins d’oc­ca­sions de se ren­con­trer. « Une autre façon de cas­ser la lutte », dénonce le syn­di­ca­liste.

Les sala­riés visent ouver­te­ment la direc­tion d’Ar­ke­ma, dont le PDG Thier­ry Le Hénaff.

Depuis plu­sieurs semaines déjà, les plans des diri­geants et des action­naires se heurtent à la volon­té des syn­di­cats. Ain­si, le mou­ve­ment lan­cé le 5 décembre par les sala­riés du Sud répon­dait à l’an­nonce, la veille, de la direc­tion envi­sa­geant la fer­me­ture de cette par­tie de l’u­sine. Par­mi les motifs invo­qués par Arke­ma, la rup­ture d’ap­pro­vi­sion­ne­ment en sel de la part de son prin­ci­pal four­nis­seur, Ven­co­rex, sur la pla­te­forme de Pont-de-Claix. Ce qui a mis à l’ar­rêt l’élec­tro­lyse de Jar­rie, stop­pant de fait la fabri­ca­tion d’hy­dro­gène.

Pourquoi Arkema ne reprend pas le sel de Vencorex ?

Pour­tant, la pro­duc­tion de sel a repris à Ven­co­rex, à la suite de la fin de la grève, sui­vie du redé­mar­rage des ins­tal­la­tions, fin décembre. Aujourd’­hui, « 1 500 tonnes de sel sont prêtes à être uti­li­sées, ain­si que de la sau­mure », confie Hubert Fran­chi, délé­gué syn­di­cal CGT d’Ar­ke­ma Jar­rie, qui affiche son incom­pré­hen­sion. Et craint des dif­fi­cul­tés à venir pour pour les autres sites d’Ar­ke­ma éga­le­ment. Mais com­ment expli­quer la posi­tion du groupe ? Arke­ma refu­se­rait de reprendre le sel de Ven­co­rex, « trop cher à leurs yeux », estime la CGT. A contra­rio, « ce sel serait moins cher, venu de Pologne ou d’Al­le­magne ».

La ques­tion du sel est pri­mor­diale pour Arke­ma comme pour Ven­co­rex.

Sur le sel comme « la sécu­ri­sa­tion du Nord », Sté­phane Vigne, secré­taire du CSE, pointe l’at­ti­tude de la direc­tion. Il l’a d’ailleurs rap­pe­lé aux sala­riés en AG. « Nous posons des ques­tions qui res­tent sans réponse, depuis des semaines », s’in­surge-t-il. Il fal­lait donc agir sur le champ, affirme l’é­lu CGT, notam­ment afin de pou­voir négo­cier en posi­tion de force un PSE accep­table pour l’en­semble du per­son­nel.

« Absence de garanties » et « effet domino »

Plus glo­ba­le­ment, l’in­ter­syn­di­cale déplore l’ab­sence de « garan­ties » four­nies par Arke­ma quant à la « péren­ni­té du site », dans ce scé­na­rio d’un recen­trage sur les seules acti­vi­tés du Nord. L’en­jeu est lourd pour l’in­dus­trie fran­çaise. Avec un atout dans la manche des gré­vistes : l’im­pact poten­tiel du mou­ve­ment sur les clients de l’en­tre­prise. Le per­chlo­rate pro­duit par Arke­ma est ain­si indis­pen­sable au car­bu­rant de la fusée Ariane et à la pro­pul­sion de mis­siles. Sans comp­ter les besoins en chlore de Fra­ma­tome, spé­cia­liste du nucléaire civil. Le fameux « effet domi­no » contre lequel met en garde la CGT depuis de longs mois.

Les sala­riés du Sud avaient déjà voté la grève le 5 décembre 2024.

Dans un tel contexte, tous les sala­riés des deux pla­te­formes chi­miques sud-isé­roises doivent-ils et vont-ils faire alliance ? Le calen­drier se res­serre : la pro­chaine AG Arke­ma a donc lieu ce ven­dre­di, en vue de recon­duire la grève jusqu’au CSE convo­qué par l’entreprise le 21 jan­vier tan­dis que les Ven­co­rex montent à Paris le 22 jan­vier. Le col­lec­tif CGT de la pla­te­forme pré­voit quant à lui de se réunir d’ici le 29 jan­vier.

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