Arkema Jarrie. La grève se durcit, arrêt total de l’usine
Par Martine BRIOT
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Depuis lundi 13 janvier, à 8 heures, c’est tout le site d’Arkema qui tourne au ralenti, sur la plateforme chimique de Jarrie. La partie sud, déjà en grève depuis le 5 décembre dernier, a en effet été rejointe par la partie nord. Réunis en assemblée générale vendredi 10 janvier, les salariés ont voté l’arrêt total de l’usine à partir du lundi matin. Un blocage qui se poursuivra a minima jusqu’à la prochaine AG, prévue ce vendredi 17 janvier.

Pourquoi ce durcissement du mouvement ? Mardi 8 janvier, un CSE avait été convoqué pour présenter aux salariés une mesure de chômage partiel. Le siège d’Arkema venait alors d’annoncer 160 licenciements bruts, dans le cadre du Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), et une reprise de 30 salariés par Framatome (NDLR : pour le dépotage du chlore, voir Le Travailleur alpin n°350 de janvier 2025), le voisin de Jarrie. C’est cette décision brutale qui a conduit l’intersyndicale (CGT, CFDT, CFE-CGC) à programmer une assemblée générale le 10 janvier.
La direction pointée du doigt par les salariés
Les quelque 150 salariés présents ce jour-là — sur environ 340 au total — ne s’y sont pas trompés, votant unanimement la grève générale. Seules les entreprises extérieures peuvent rentrer, ainsi que les camions transportant du matériel. Le personnel assure également la sécurité de l’entreprise. Les salariés rencontrés sur le piquet de grève, tous favorables à la mobilisation, renvoient clairement la responsabilité de la situation actuelle à la direction d’Arkema. Laquelle a, selon un militant CFDT, proposé aux grévistes de « les payer tout en restant à la maison ». Ceci afin que ces derniers aient moins d’occasions de se rencontrer. « Une autre façon de casser la lutte », dénonce le syndicaliste.

Depuis plusieurs semaines déjà, les plans des dirigeants et des actionnaires se heurtent à la volonté des syndicats. Ainsi, le mouvement lancé le 5 décembre par les salariés du Sud répondait à l’annonce, la veille, de la direction envisageant la fermeture de cette partie de l’usine. Parmi les motifs invoqués par Arkema, la rupture d’approvisionnement en sel de la part de son principal fournisseur, Vencorex, sur la plateforme de Pont-de-Claix. Ce qui a mis à l’arrêt l’électrolyse de Jarrie, stoppant de fait la fabrication d’hydrogène.
Pourquoi Arkema ne reprend pas le sel de Vencorex ?
Pourtant, la production de sel a repris à Vencorex, à la suite de la fin de la grève, suivie du redémarrage des installations, fin décembre. Aujourd’hui, « 1 500 tonnes de sel sont prêtes à être utilisées, ainsi que de la saumure », confie Hubert Franchi, délégué syndical CGT d’Arkema Jarrie, qui affiche son incompréhension. Et craint des difficultés à venir pour pour les autres sites d’Arkema également. Mais comment expliquer la position du groupe ? Arkema refuserait de reprendre le sel de Vencorex, « trop cher à leurs yeux », estime la CGT. A contrario, « ce sel serait moins cher, venu de Pologne ou d’Allemagne ».

Sur le sel comme « la sécurisation du Nord », Stéphane Vigne, secrétaire du CSE, pointe l’attitude de la direction. Il l’a d’ailleurs rappelé aux salariés en AG. « Nous posons des questions qui restent sans réponse, depuis des semaines », s’insurge-t-il. Il fallait donc agir sur le champ, affirme l’élu CGT, notamment afin de pouvoir négocier en position de force un PSE acceptable pour l’ensemble du personnel.
« Absence de garanties » et « effet domino »
Plus globalement, l’intersyndicale déplore l’absence de « garanties » fournies par Arkema quant à la « pérennité du site », dans ce scénario d’un recentrage sur les seules activités du Nord. L’enjeu est lourd pour l’industrie française. Avec un atout dans la manche des grévistes : l’impact potentiel du mouvement sur les clients de l’entreprise. Le perchlorate produit par Arkema est ainsi indispensable au carburant de la fusée Ariane et à la propulsion de missiles. Sans compter les besoins en chlore de Framatome, spécialiste du nucléaire civil. Le fameux « effet domino » contre lequel met en garde la CGT depuis de longs mois.

Dans un tel contexte, tous les salariés des deux plateformes chimiques sud-iséroises doivent-ils et vont-ils faire alliance ? Le calendrier se resserre : la prochaine AG Arkema a donc lieu ce vendredi, en vue de reconduire la grève jusqu’au CSE convoqué par l’entreprise le 21 janvier tandis que les Vencorex montent à Paris le 22 janvier. Le collectif CGT de la plateforme prévoit quant à lui de se réunir d’ici le 29 janvier.