Sécurité sociale de l’alimentation. Une proposition concrète et un débat pour envisager sa mise en œuvre

Par Maryvonne Mathéoud

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La maison de quartier Gabriel Péri avait fait le plein pour la circonstance.

Avec Bernard Friot et des représentants du Modef, de la Confédération paysanne et du Réseau salariat, plus de cent dix personnes pour débattre à l’invitation de la Société des lecteurs de l’Huma et du Travailleur alpin.

Salle comble pour le débat « une sécu­ri­té sociale de l’alimentation à la place du modèle capi­ta­liste de l’agro-industrie ». Il y avait plus de cent dix per­sonnes et pas assez de chaises pour tout le monde. C’est un public essen­tiel­le­ment jeune qui s’est dépla­cé ce ven­dre­di 4 novembre à Saint-Martin‑d’Hères pour par­ti­ci­per au débat orga­ni­sé par la Socié­té des lec­trices et des lec­teurs de l’Humanité et le Tra­vailleur alpin. Par­ti­ci­paient à cette ren­contre, Ber­nard, Friot, socio­logue et éco­no­miste, co-ini­tia­teur de cette pro­po­si­tion ; le Modef, le Réseau sala­riat Gre­noble, la Confé­dé­ra­tion pay­sanne. Le débat était ani­mé par Marie-Noëlle Ber­trand, jour­na­liste à l’Humanité.
Bernard-Friot/

Ber­nard Friot.

L’alimentation est une ques­tion vitale qui concerne abso­lu­ment tout le monde, un sujet poli­tique majeur qui touche à la san­té publique, à l’environnement, aux inéga­li­tés sociales, aux inéga­li­tés ter­ri­to­riales… et qui révèle avec acui­té les ravages du sys­tème capi­ta­liste. Ain­si, une grande majo­ri­té d’entre nous avons accès aux ali­ments de l’agro-industrie qui sont le résul­tat de l’exploitation des humains, des ani­maux et des res­sources natu­relles pen­dant qu’une petite part de la popu­la­tion a accès à une ali­men­ta­tion de qua­li­té, nutri­tive et gus­ta­tive pro­duite dans des condi­tions res­pec­tueuses de la bio­di­ver­si­té. Pour la majo­ri­té des familles, l’alimentation est la variable d’ajustement des bud­gets face aux dépenses contraintes qui aug­mentent bien plus vite que nos salaires, nos pen­sions (loyers, fac­tures éner­gé­tiques, frais de trans­ports…). De plus en plus de per­sonnes dépendent de l’aide ali­men­taire, de la dis­tri­bu­tion gra­tuite ou à bas prix des sur­plus de la grande dis­tri­bu­tion et se nour­rissent régu­liè­re­ment d’aliments pol­lués et pol­luants. Ceci n’est pas sans consé­quences sur la san­té d’un nombre éle­vé d’enfants et d’adultes vic­times de cette ali­men­ta­tion de très mau­vaise qua­li­té. En France, 69% des per­sonnes rele­vant de l’aide ali­men­taire sont des femmes. Ce sont prin­ci­pa­le­ment elles qui se chargent de nour­rir, faire les courses, cui­si­ner ou qui donnent à man­ger à des per­sonnes malades ou en perte d’autonomie. Ce sont elles qui sont sur­ex­ploi­tées dans le monde pro­fes­sion­nel, y com­pris dans le sec­teur de l’alimentation. Aus­si ont-elles une place impor­tante à prendre dans le débat sur la ques­tion de l’alimentation.
Tribune/

Une ren­contre ani­mée par Ber­nard Friot aux côtés du Modef et de la Confé­dé­ra­tion pay­sanne.

Com­ment se nour­rir et se nour­rir bien en assu­rant un reve­nu décent aux agri­cul­teurs est la ques­tion cen­trale du pro­jet d’une Sécu­ri­té sociale de l’alimentation. « Nous devons sor­tir de la logique capi­ta­liste en sécu­ri­sant l’alimentation, pour cela nous devons aug­men­ter la mon­naie mar­quée acces­sible par la coti­sa­tion sociale », indi­quait Ber­nard Friot. Le per­son­nel soi­gnant fonc­tion­naire est libé­ré du mar­ché du tra­vail, il per­çoit un salaire à la per­sonne, à la qua­li­fi­ca­tion et non au poste de tra­vail. Les tra­vailleurs indé­pen­dants sont les plus exploi­tés dans le capi­ta­lisme (90 % sont au SMIC et seule­ment 10 % ont des salaires de « nabab »). Dans la san­té les tra­vailleurs indé­pen­dants sont libé­rés du mar­ché car ils sont payés par la sécu­ri­té sociale. « La super­che­rie du capi­ta­lisme est de nous faire croire que la san­té est un coût. La san­té est une pro­duc­tion », sou­li­gnait Ber­nard Friot. La Sécu­ri­té sociale de l’alimentation (SSA) n’est pas que pour les pauvres, elle est pour tous, elle est uni­ver­selle. La SSA va à l’encontre de l’aide ali­men­taire. « Pour créer la SSA nous devons aug­men­ter la mon­naie mar­quée ; l’augmenter de 500€ rap­por­te­rait 300 mil­liards de plus ; de quoi finan­cer la SSA. » Un mil­liard des huit mil­liards d’être humains qui peuplent la pla­nète ne mangent pas à leur faim. Actuel­le­ment nous pou­vons nour­rir 12 mil­liards d’être humains. Nous détrui­sons un tiers des ali­ments pro­duits.
Debat/

Une soi­rée de larges échanges.

« Il faut ouvrir les portes des cri­tères de la SSA, tra­vailler ensemble, prendre en compte toutes les approches. Nous allons décou­vrir des choses. Cette démarche est enthou­sias­mante. Il ne faut pas sub­ven­tion­ner les pro­duc­tions capi­ta­listes, mais sala­rier décem­ment les pro­duc­teurs pour plus d’égalité et d’équité ; c’est une néces­saire alter­na­tive au capi­ta­lisme », notait Simon Lam­ber­sens du Réseau sala­riat. Pour Mary­lène Tar­dy du Modef, les pro­blèmes posés par la SSA sont de rajou­ter une branche à la SS qui est déjà affai­blie (car elle a écla­té en cinq branches) et de savoir qui va déci­der de qui va être sub­ven­tion­né. « Étendre la SS à tous les sec­teurs – ali­men­ta­tion – culture – loge­ment – trans­port – ren­for­ce­rait son effi­ca­ci­té qui est mise à mal par le capi­ta­lisme. Sor­tir la pro­duc­tion du sys­tème capi­ta­liste per­met­trait aux pro­duc­teurs d’échapper aux aléas de la vie tels que la mala­die, le cli­mat… Pour ce qui est des cri­tères pour l’attribution des sub­ven­tions aux pro­duc­teurs cela relève d’une déci­sion démo­cra­tique avec des col­lec­tifs locaux, ter­ri­to­riaux, com­po­sés de pro­duc­teurs, de man­geurs, d’élus. Ce sera notre inven­ti­vi­té démo­cra­tique qui va mettre en place la SSA. Le seul préa­lable c’est de mettre en place des res­sources pour les pro­duc­teurs avec des salaires anti­ci­pés », répon­dait Ber­nard Friot. Laurent Colas, de la Confé­dé­ra­tion pay­sanne, expli­ci­tait : « On a cas­sé le sys­tème de poly­cul­ture ; il faut relo­ca­li­ser la pro­duc­tion et plus de pro­duc­teurs . Des expé­riences locales existent mais il y a plu­sieurs dif­fi­cul­tés. Le pro­blème du fon­cier, de la for­ma­tion, de la valo­ri­sa­tion du tra­vail pay­san, de l’éducation sur l’alimentation, de la prise en compte du cli­mat pour pou­voir diver­si­fier les pro­duc­tions. C’est à par­tir de l’expérience locale bien maî­tri­sée, bien gérée que nous pour­rons créer cette conven­tion citoyenne au niveau natio­nal ».
Livre-Humanité/

L’Hu­ma­ni­té, le Tra­vailleur alpin… deux titres à l’hon­neur, ce 4 novembre.

« Nous devons nous appuyer sur les expé­riences qui existent pour créer la SSA, les sor­tir de la marge. Les ini­tia­tives locales sont essen­tielles. En 1946 la Sécu­ri­té sociale exis­tait, elle était patro­nale. C’est une sub­ver­sion com­mu­niste qui a créé le régime géné­ral de la SS. La SS est une ges­tion com­mu­niste, c’est du com­mu­nisme dans notre socié­té capi­ta­liste et c’est pour cela que le capi­tal s’emploie à décons­truire ce modèle unique dans le monde », expli­quait Ber­nard Friot. De nom­breuses ques­tions sont posées par la salle : com­ment relo­ca­li­ser les pro­duc­tions ? Quels sont les cri­tères pour être sub­ven­tion­né alors que des petits pay­sans n’ont pas de sta­tut ? Com­ment finan­cer la SSA ?… Le débat est ouvert. La soi­rée se ter­mi­nait autour d’un sym­pa­thique buf­fet.
Buffet/

Un buf­fet afin de pour­suivre l’é­change.

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  • Belle réus­site assu­ré­ment ! Encou­ra­geant aus­si de voir une majo­ri­té des jeunes étu­diants répondre à une invi­ta­tion du PCF et de la S2LH, même si la noto­rié­té de B. FRIOT y est for­cé­ment pour quelque chose. A sou­li­gner la vente de 61 livres (Édouard SCHOENE) et de 9 Maga­zines Huma ven­du par Pier­rot BAUDET. Côté adhé­sion, plu­sieurs bul­le­tins ont été dis­tri­bués. Pro­chain rdv le same­di 3 décembre au vil­lage de St Mar­tin d’Hères avec la vente de bou­din au chau­dron.