André Masson au Centre Pompidou-Metz

Par Jean-Claude Lamarche

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Comme nous l’avons écrit précédemment, les Isérois ont la chance de pouvoir découvrir jusqu’au 21 juillet, au Musée de Grenoble, une remarquable et immanquable exposition Miró. S’ils ne savent pas ensuite où partir en vacances, s’ils en ont encore les moyens financiers, je leur recommande un séjour en Lorraine à l’occasion duquel ils pourront, en particulier, visiter la ville de Metz (même s’ils l’ont déjà fait) et voir l’exposition André Masson au Centre Pompidou-Metz, intitulée Il n’y a pas de monde achevé.

Il y a plu­sieurs rai­sons de recom­man­der cette expo­si­tion rétros­pec­tive où sont réunies plus de 300 œuvres, des­sins, pein­tures, gra­vures, litho­gra­phies, sculp­tures… pro­duites entre 1920 et 1987, année de la mort d’André Mas­son, né en 1896. D’abord parce qu’il fut l’un des plus grands artistes du XXe siècle. Ensuite parce que, mal­gré cela, il est mal connu et peu d’expositions lui ont été consa­crées et parce qu’il a eu une influence très grande sur de nom­breux peintres dont les expres­sion­nistes abs­traits états-uniens (Arshile Gor­ky, Jack­son Pol­lock…), ain­si que sur Miró dès 1920, qu’il intro­dui­sit dans le mou­ve­ment sur­réa­liste. Et c’est pour­quoi les deux expo­si­tions de Gre­noble et de Metz semblent consti­tuer les deux volets d’un dip­tyque excep­tion­nel créé à l’occasion du cen­tième anni­ver­saire du Mani­feste du sur­réa­lisme publié par André Bre­ton en octobre 1924. André Bre­ton dont l’attention avait déjà été atti­rée par le tra­vail de Mas­son.

André Mas­son est le peintre qui a fait le cache de la célèbre pein­ture de Cour­bet, L’Origine du monde (aujourd’hui au Musée d’Orsay) pour son der­nier pro­prié­taire, son beau-frère Jacques Lacan. Si ses pre­mières œuvres relèvent du cubisme, c’est à par­tir de 1925 qu’il évo­lue vers le sur­réa­lisme auquel il res­te­ra fidèle jusqu’à la fin, même s’il s’éloignera du groupe entre 1936 et 1939. Il inven­te­ra le des­sin auto­ma­tique, les tableaux de sable, il ne ces­se­ra d’expérimenter sous la dic­tée de l’inconscient afin de faire émer­ger les pul­sions de sexe et de mort, la vio­lence, le maso­chisme, l’abjection… tout le refou­lé de la « nature » humaine ; la pre­mière guerre mon­diale à laquelle il a par­ti­ci­pé dans l’infanterie lui a lais­sé des trau­ma­tismes phy­siques et psy­chiques. Il reprend, dans sa pein­ture, les grands arché­types de la mytho­lo­gie antique, Osi­ris, Pasi­phaé, Mino­taure, Thé­sée et Ariane, Nar­cisse et Echo, Apol­lon et Daph­né…

Le

Le temps de la palabre.

Il a son ate­lier au 45 rue Blo­met à Paris, là où il fait venir Miró, et où se ren­contre régu­liè­re­ment un groupe d’amis par­mi les­quels les écri­vains Michel Lei­ris, Georges Bataille, Anto­nin Artaud, Georges Lim­bour, Armand Sala­crou, André Bre­ton… Louis Ara­gon lui fait décou­vrir le grand poète mys­tique anglais William Blake (1757–1827) éga­le­ment gra­veur, dont cer­tains poèmes expriment sa propre pen­sée. Et lui qui des­sine des bouches en forme de sexe fémi­nin crée­ra des illus­tra­tions pour Jus­tine de Sade, ain­si que pour Le Con d’Irène d’Aragon. Il illus­tre­ra d’ailleurs de nom­breux livres de ses contem­po­rains et d’auteurs plus anciens, des revues… Il était un très grand lec­teur et l’exposition nous offre la res­ti­tu­tion d’une par­tie de sa biblio­thèque per­son­nelle (2080 livres) très éclai­rante sur cet artiste incon­tes­ta­ble­ment « céré­bral ». C’est peut-être ce côté de sa per­son­na­li­té qui explique que son œuvre soit plus dif­fi­cile d’accès que celle d’autres artistes modernes et que peu d’institutions muséales lui aient consa­cré une rétros­pec­tive, une injus­tice que l’exposition de Metz vient cor­ri­ger. Mais il fut accueilli par les plus grandes gale­ries.

Même s’il s’efforça tou­jours de lais­ser toute leur place aux auto­ma­tismes et à l’inconscient, cela ne l’empêcha pas de pro­duire des des­sins sati­riques féroces pour dénon­cer le fas­cisme et le clé­ri­ca­lisme hai­neux et vis­queux qui assas­si­naient la jeune Répu­blique espa­gnole.

André

André Mas­son — Ani­mal laby­rinth (1956)

Peintre du chan­ge­ment qu’il exprime à tra­vers cer­tains élé­ments de ses œuvres, expres­sion du mou­ve­ment, per­ma­nence du thème solaire qua­si obses­sion­nel, pré­sence du corps fémi­nin, sexua­li­té mas­cu­line, sang, vio­lence et mort (les tau­ro­ma­chies), le com­bat per­ma­nent de la vie contre la mort… on trouve tout cela dans les œuvres d’André Mas­son qui vou­lait faire d’un tableau une « expli­ca­tion de l’univers ».

Jusqu’au 2 sep­tembre de 10 à 18 heures du mer­cre­di au lun­di et de 10 à 19 heures ven­dre­di, same­di et dimanche. On peut regret­ter le prix éle­vé du cata­logue (40 €), mais c’est mal­heu­reu­se­ment une habi­tude fran­çaise.

Cour­riel : billetterie@centrepompidou-metz.fr

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