Les Fontainois seront-ils privés de barbecues ?

Par Travailleur Alpin

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Permettre ou pas à ceux qui n’ont pas de jardin de faire des grillades, c’est un choix de politique municipale.

Pour protester contre la perspective de suppression des barbecues évoquée par la municipalité de droite, un barbecue géant est organisé le samedi 11 juin à 11 heures au parc de la Poya. Explications.

Cela aurait pu pas­ser inaper­çu. Les Fon­tai­nois auraient décou­vert le 2 mai que les bar­be­cues publics des parcs La Poya et Jean Mou­lin allaient être démon­tés par la mai­rie, mais en il en a été autre­ment. Au détour d’un échange ano­din sur la taille des grilles des bar­be­cues, l’adjointe au maire Eve­lyne De Caro révé­lait sur le groupe face­book “si tu viens de Fon­taine” que les bar­be­cues allaient être inter­dits et les ins­tal­la­tion démon­tées.

Très vite après cette révé­la­tion, Yas­mi­na, une habi­tante du sec­teur Jean Mou­lin met en ligne une péti­tion deman­dant le main­tien des bar­be­cues et fait signer de nom­breux habi­tants (pas loin de 500 signa­tures entre numé­rique et papier à ce jour). Elle obtient même un échange avec le maire qui affirme, comme il l’a fait plus tard dans la presse, que le sujet était uni­que­ment en réflexion et que la déci­sion serait prise à la suite d’une concer­ta­tion avec la popu­la­tion. 

La concer­ta­tion est lan­cée. Un ques­tion­naire est publié par la ville sur inter­net et dans le jour­nal muni­ci­pal, qui annonce une concer­ta­tion d’ampleur sur les usages actuels et futurs des parcs, avec une réunion publique annon­cée pour le 22/06.

Un obser­va­teur aver­ti de la vie locale ne man­que­rait pas de s’étonner de la séquence. L’intention d’interdire et de démon­ter les bar­be­cues a, à l’évidence, été dis­cu­tée au sein de la majo­ri­té muni­ci­pale, la fuite de Mme De Caro, lan­ceuse d’alerte mal­gré elle, a cer­tai­ne­ment bous­cu­lé la méthode et le calen­drier. D’ailleurs les élé­ments de la concer­ta­tion pro­po­sés par la mai­rie laissent entre­voir des élé­ments de pré­ci­pi­ta­tion : ques­tion­naire mal relu avec de gros­sières fautes de déno­mi­na­tion (Aris­tide Brillant, vous connais­sez ?) et un son­dage en ligne que les son­dés peuvent ren­sei­gner autant de fois qu’ils le sou­haitent !

Faute de débat et d’échange sur l’usage des parcs, et en atten­dant la réunion pro­mise par la mai­rie, la page face­book  Fon­taine C’est Nous et la sec­tion PCF Fon­taine-Rive-Gauche ali­mentent la dis­cus­sion et mènent des échanges sur le ter­rain avec les pre­miers concer­nés : les usa­gers des parcs. Les échanges ont abou­ti à l’organisation d’un grand bar­be­cue soli­daire le 11 juin.

Au-delà de l’anecdote, il convient d’analyser les termes du débat en cela qu’ils sont révé­la­teurs de cer­tains rap­ports à la ville, aux gens et à la mal nom­mée “nature en ville”.

Pour­quoi est-ce un sujet impor­tant ?

Les parcs urbains sont au croi­se­ment de nom­breux enjeux : envi­ron­ne­men­taux, urba­nis­tiques, sociaux, édu­ca­tifs…. Ce sont par excel­lence des équi­pe­ments publics gra­tuits qui pro­posent ou pas un cer­tain nombre d’usages qui vont de la contem­pla­tion à la pra­tique spor­tive en pas­sant par les jeux d’enfants. Ce sont aus­si des espaces publics acces­sibles à tous dans les­quels des usages, bons et mau­vais, s’installent à l’i­ni­tia­tive des usa­gers. 

Quel que soit le modèle, tout parc repose sur un savant équi­libre entre régle­men­ta­tion, offre de ser­vice, régu­la­tion et méthodes d’entretien qu’il s’agit de com­bi­ner au regard des besoins du ter­ri­toire et du pro­jet poli­tique de la col­lec­ti­vi­té qui l’a en charge.

Ain­si, pour la pré­cé­dente majo­ri­té de gauche à Fon­taine, ins­tal­ler des bar­be­cues publics dans les parcs cor­res­pon­dait à plu­sieurs inten­tions. Pour la Poya, il s’agissait d’accentuer la voca­tion fami­liale et de lien social, de manière cohé­rente avec l’accentuation de la voca­tion évé­ne­men­tielle du parc. Pour le parc Jean Mou­lin, il s’agissait de confir­mer une expé­ri­men­ta­tion menée déjà sous le man­dat pré­cé­dent et qui a per­mis de lut­ter contre les bar­be­cues sau­vages. Il s’agissait éga­le­ment pour Jean Mou­lin de don­ner suite à une demande lar­ge­ment par­ta­gée et expri­mée lors des concer­ta­tion liées à la réno­va­tion du sec­teur Alpes-Mail-Cachin.

En lien avec ces déci­sions, la poli­tique d’entretien et de régu­la­tion se devait d’être à la hau­teur de la fré­quen­ta­tion : pro­pre­té des parcs, entre­tien des bar­be­cues, lutte contre les inci­vi­li­tés… sans quoi tout bien public perd sa voca­tion.

Quelle bous­sole pour faire poli­tique publique ?

Tout un cha­cun peut en faire l’expérience : la qua­si tota­li­té des usa­gers des parcs concer­nés sont atta­chés à ces bar­be­cues. Pour de très nom­breuses per­sonnes, c’est la seule solu­tion a proxi­mi­té de pro­fi­ter d’une bonne grillade dans de bonnes condi­tions et sans quit­ter l’agglomération. “je n’ai pas de jar­din, com­ment je vais faire ?” était la remarque la plus fré­quente lors de nos échanges.

Au nom de quoi, dans une agglo­mé­ra­tion où la majo­ri­té de la popu­la­tion vit dans l’habitat col­lec­tif, pri­ver les gens de la pos­si­bi­li­té de faire un bar­be­cue dans une rela­tive proxi­mi­té ? 

Sur les réseaux sociaux, les prin­ci­paux argu­ments sont appa­rus : au nom de l’environnement ? Curieux, quand on sait l’empreinte car­bone du loge­ment col­lec­tif, bien plus faible que le loge­ment indi­vi­duel. Au nom de la lutte contre les més­usages ? Curieux si l’on consi­dère que les pou­voirs de police du maire sont là d’abord pour régu­ler les espaces et les usages pla­cés sous sa res­pon­sa­bi­li­té… à quoi sert la police muni­ci­pale si des bar­be­cues sau­vages coha­bitent avec les bar­be­cues publics et si des usa­gers trop bruyants ne sont pas rap­pe­lés à l’ordre ?  Au nom des coûts de ges­tion ? C’est peut-être l’argument le plus enten­dable mais aus­si le moins cité. C’est en tout cas celui qui révèle le plus pro­fon­dé­ment la nature des choix poli­tiques à l’œuvre.

Car un parc réduit à sa fonc­tion de pou­mon vert, d’aire de jeu et d’activité indi­vi­duelle sera tou­jours moins coû­teux qu’un parc qui accueille des familles autour d’un bar­be­cue. Des élus ont consi­dé­ré que cela (et donc les gens qui en béné­fi­ciaient) en valait le coût, d’autres vont consi­dé­rer que cela (et donc ceux-là!) ne le valait pas. 

Elle est bien là, la bous­sole. A quoi va l’effort finan­cier d’une com­mune et à qui ? Pour le moment, la réac­tion spon­ta­née des Fon­tai­nois a obli­gé la mai­rie de droite à tem­po­ri­ser. Nous ver­rons si leur bous­sole poli­tique poin­te­ra plu­tôt vers le main­tien d’un véri­table ser­vice au public avec le ren­for­ce­ment des moyens d’entretien et de régu­la­tion ou si elle poin­te­ra vers sa sup­pres­sion sous pré­texte, au choix, d’écologie, de main­tien de l’ordre, d’économie ou de “bruit et d’odeur” 

Nizar Bara­ket

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