Fontaine. Les 80 ans de « l’autre 8 mai 1945 », massacre colonial en Algérie

Par Travailleur Alpin

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Le collectif "17 octobre 1961 Isère", soutenu par de nombreuses organisations, appelait à un rassemblement, jeudi 8 mai, pour commémorer le 80e anniversaire des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, en Algérie. Avec la volonté de mettre en lumière "l'autre 8 mai 1945", trop souvent occulté des programmes et récits officiels. Les manifestants ont ainsi de nouveau demandé la reconnaissance des crimes coloniaux par l'État français.

C’est « l’autre 8 mai 1945 », depuis trop long­temps gom­mé de l’his­to­rio­gra­phie offi­cielle, au pro­fit d’une célé­bra­tion sans fausses notes de la vic­toire contre le nazisme. Ce jour-là pour­tant, les Algé­riens mani­fes­tant pour l’é­ga­li­té des droits et pour l’in­dé­pen­dance subissent une féroce répres­sion colo­niale, qui se pour­sui­vra durant plu­sieurs semaines. Le bilan sera très lourd : de 10 000 à 40 000 vic­times selon les his­to­riens et les esti­ma­tions, à Sétif, Guel­ma et Kher­ra­ta.

Par­mi les élus pré­sents, Khei­ra Cap­de­pon, Guillaume Gon­tard, Syl­vette Rochas, Laurent Jadeau, Éli­sa Mar­tin (liste non exhaus­tive)… © Édouard Schoene

C’est pour com­mé­mo­rer le 80e anni­ver­saire de ce mas­sacre qu’une assis­tance nom­breuse s’est ras­sem­blée ce jeu­di 8 mai dans le parc André-Mal­raux, à Fon­taine. Qua­rante-huit orga­ni­sa­tions (asso­cia­tions, par­tis de gauche et syn­di­cats) ont appor­té leur sou­tien à cet hom­mage, dont les huit asso­cia­tions réunies au sein du col­lec­tif « 17 octobre 1961 Isère » : Algé­rie au cœur, Amal, l’Association natio­nale des pieds-noirs pro­gres­sistes et leurs amis (ANPNPA), ASALI, Coup de Soleil en Auvergne Rhône-Alpes, le Col­lec­tif de sou­tien aux réfu­giés algé­riens (CSRA), la Libre Pen­sée, le Mou­ve­ment de la paix.

Une pétition pour demander la reconnaissance des massacres

Maria­no Bona a pris la parole, au nom des orga­ni­sa­teurs, devant la plaque appo­sée en 2017 par l’ex-muni­ci­pa­li­té com­mu­niste « à la mémoire des mil­liers de vic­times du colo­nia­lisme qui mani­fes­taient le 8 mai 1945 à Sétif, Guel­ma, Kher­ra­ta ». Quatre-vingts ans après, c’est l’oc­ca­sion, a‑t-il sou­li­gné, de « mener cam­pagne pour que cette répres­sion san­glante soit recon­nue comme crime contre l’hu­ma­ni­té, au sens du sta­tut de Rome de 1998 ».

Maria­no Bona a réité­ré au micro la demande d’une recon­nais­sance par l’É­tat fran­çais de ces crimes colo­niaux. © Édouard Schoene

Rap­pe­lant les timides pre­miers pas du pré­sident Fran­çois Hol­lande, qui a recon­nu en 2016 l’in­jus­tice du sys­tème colo­nial en Algé­rie, le mili­tant a tou­te­fois rap­pe­lé que la France devait « aller plus loin en disant la véri­té » sur ce crime d’É­tat. ll a éga­le­ment appe­lé le public à signer la « péti­tion pour deman­der la recon­nais­sance des mas­sacres de Sétif, Guel­ma et Kher­ra­ta. C’est une cam­pagne qui est à l’initiative de l’historien Oli­vier Le Cour Grand­mai­son et d’un col­lec­tif qui s’est créé pour cela », a‑t-il pré­ci­sé.

Maria­no Bona a ensuite signa­lé un ren­dez-vous impor­tant, ce mer­cre­di 14 mai, à 18h, à la mai­son des asso­cia­tions de Gre­noble. À savoir « les témoi­gnages de trois per­sonnes qui se sont oppo­sées, cha­cune à sa manière, à la guerre contre le peuple algé­rien ». En effet, a pour­sui­vi l’o­ra­teur, « en ces temps de vio­lence contre les peuples, il est impor­tant de sor­tir de l’oubli ces par­cours ».

Élu-es et responsables associatifs présents en nombre

Les mani­fes­tants n’ont pas man­qué de rendre hom­mage à Marie-Thé­rèse Llo­ret, décé­dée il ya quelques jours, qui fut depuis le début une mili­tante infa­ti­gable de la soli­da­ri­té avec l’Algérie, en par­ti­cu­lier les réfu­giés accueillis à Gre­noble. Un extrait de l’appel des 48 orga­ni­sa­tions a aus­si été lu, sui­vi par la lec­ture d’un texte du poète Kateb Yacine, extrait de Ned­j­ma, sur les évé­ne­ments tra­giques de mai 1945.

Dépôt de gerbe devant la plaque com­mé­mo­ra­tive appo­sée par l’an­cienne mai­rie PCF en 2017. © Édouard Schoene

Des élus sont par ailleurs inter­ve­nus tour à tour, notam­ment Khei­ra Cap­de­pon, adjointe à la ville de Gre­noble, Guillaume Gon­tard, séna­teur, et Éli­sa Mar­tin, dépu­tée. Laquelle a sou­li­gné avec mécon­ten­te­ment le carac­tère des céré­mo­nies du matin où les auto­ri­tés mili­taires auraient don­né le « la » des com­mé­mo­ra­tions. Éli­sa Mar­tin a situé le contexte de cette céré­mo­nie en mémoire aux vic­times du régime colo­nial fran­çais en dres­sant un paral­lèle avec les mas­sacres com­mis par Israël à Gaza et en Cis­jor­da­nie.

De son côté, le séna­teur Guillaume Gon­tard a évo­qué la pré­sence d’une délé­ga­tion de par­le­men­taires de gauche en Algé­rie, ce 8 mai, pour com­mé­mo­rer le mas­sacre. Par­mi l’assistance, figu­raient éga­le­ment de nom­breux res­pon­sables d’associations ain­si que d’autres élus, comme Syl­vette Rochas (conseillère dépar­te­men­tale d’Échirolles), Isa­belle Miro­glio (La Tronche) ou Laurent Jadeau, élu d’opposition de Fon­taine.

La cho­rale Les Bar­ri­cades a inter­pré­té des chants algé­riens en fin de céré­mo­nie. © Édouard Schoene

Plu­sieurs gerbes ont enfin été dépo­sées devant la plaque com­mé­mo­ra­tive, avant une minute de silence. Puis la cho­rale Les Bar­ri­cades a conclu cette com­mé­mo­ra­tion en enton­nant deux chants algé­riens : Min Dji­ba­li­na et La Casa del Mou­ra­dia.

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