Devant la plaque en hommage aux victimes.
A l’appel du Collectif 17 octobre 1961 Isère, cent cinquante personnes ont commémoré les massacres commis dès le 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, par un ordre colonial qui ne voulait pas accepter les aspirations à l’égalité des droits et à l’émancipation des Algériennes et Algériens.
Malgré un très long week end de quatre jours de nombreux militants·es, jeunes et moins jeunes, de nombreux élus avaient tenu à être présents ce mercredi 8 mai, en face de l’hôtel de ville où se situe une plaque en hommage aux victimes .
Mariano Bona, au nom des organisateurs (cinquante associations soutenant l’initiative) a commencé son intervention en précisant qu’une demande forte est adressée à l’État français pour qu’il regarde en face cette page de son Histoire et qu’il en tire les conséquences.
« Nous demandons la reconnaissance par l’État Français des crimes commis lors du 8 mai 1945 et les semaines qui suivirent dans la région de Sétif, Guelma et Kherrata ; l’inscription dans les livres d’Histoire des crimes coloniaux commis contre les peuples (Algérie, Cameroun, Indochine, Madagascar, …) ; une écriture partagée entre la France et l’Algérie de leur histoire commune ouvrant sur de nouvelles coopérations citoyennes. »
Mariano Bona.
Dans son discours il a tout d’abord rappelé les faits. « Alors que l’Algérie est constituée de trois départements français, la célébration de la victoire des Alliés contre le nazisme le 8 mai 1945 est l’occasion pour les Algériennes et les Algériens de faire entendre les revendications d’égalité des droits et d’indépendance. À Sétif, des milliers d’Algériens manifestent et brandissent des pancartes « Libérez Messali » (Messali Hadj, leader nationaliste emprisonné), « Nous voulons être vos égaux », « À bas le colonialisme », « Vive l’Algérie libre et indépendante », et un drapeau qui deviendra le drapeau algérien. La répression contre les Algériens durera des mois et sera féroce : 10 000 à 40 000 victimes selon les historiens, à Sétif, Guelma et Kherrata. »
Sont ensuite explicités les raisons de ce crime colonial, dans le contexte d’après guerre.
De nombreux élus de Grenoble, Saint-Martin-d’Hères, Echirolles et de l’opposition municipale fonatainoise ont assisté à cette commémoration.
Puis Mariano Bona aborde l’actualité : « À Perpignan, en septembre 2022, une place a pu être baptisée du nom de Pierre Sergent, un des fondateurs de l’OAS, sans réaction de la préfecture. Toujours à Perpignan, en mars 2024, le maire RN de Perpignan et le Cercle algérianiste organisent une exposition faisant le parallèle entre l’attaque du Hamas en octobre 2023 et la lutte du FLN pendant la guerre d’Algérie, pour délégitimer la lutte du peuple algérien. À Toul, une statue va être érigée en juin 2024 en hommage du général Marcel Bigeard, symbole de la violence de l’armée en Algérie et un des acteurs de la « bataille d’Alger » pendant laquelle tant de crimes furent commis (disparitions, tortures, exécutions sommaires). Il est grand temps que le sommet de l’État français agisse contre les discours nostalgiques de la colonisation et la présence dans l’espace public de symboles de la violence coloniale. »
Le discours aborde également la situation en Algérie et au Moyen Orient. « L’actualité fait qu’il n’est pas possible d’évoquer l’autre 8 mai 1945 sans parler du crime de guerre qui se commet à Gaza et en Cisjordanie, sans parler de la situation d’oppression coloniale et d’apartheid que vit le peuple palestinien depuis plus de 50 ans. Depuis le 7 octobre 2023 et le massacre de centaines de civils israéliens, plus de 30.000 Palestiniens ont été tués, dont 13.000 enfants. Le 26 mars, devant le Conseil des droits des Nations unies à Genève, Francesca Albanesa, rapporteure spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés a déclaré : ‘’La nature et l’ampleur écrasante de l’assaut israélien sur Gaza et les conditions de vie destructrices qu’il a causées révèlent une intention de détruire physiquement les Palestiniens en tant que groupe’’. A Gaza, on meurt non seulement sous les bombes, mais aussi par manque de soins ou littéralement de faim. »
Des gerbes ont été déposées.
Mariano Bona a également abordé la situation actuelle en Algérie. « Après les militants du Hirak, la répression frappe les organisations défendant les droits et les libertés (dissolution de la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme en janvier 2023), des journalistes (le 18 juin 2023, Ihsane El Kadi, directeur de Radio-M, a été condamné à huit ans de prison dont cinq ferme), des militants (le militant anti-gaz de schiste Mohad Gasmi a été condamné le 29 octobre 2023 à trois ans de prison dont deux fermes, le « poète du Hirak »Mohamed Tadjadit a été arrêté une nouvelle fois le 29 janvier 2024). En août 2023, des dizaines de militant·e·s, journalistes et personnes ayant critiqué les autorités se trouvaient derrière les barreaux en Algérie (Amnesty International, février 2024). Nous demandons la libération de toutes les personnes emprisonnées pour avoir exercé pacifiquement leur droit aux libertés d’expression et de réunion. Nous demandons que cesse la répression contre les organisations démocratiques. »
A l’issue du discours, très applaudi, plusieurs élus ont pris la parole : Kheira Capdepon (adjointe mairie de Grenoble), Jacqueline Madrennes (adjointe mairie d’Echirolles), Laurent Jadeau , élu d’opposition, PCF, à Fontaine, Elisa Martin, députée ; ainsi que Marie Thérèse Lloret pour le collectif de soutien aux réfugiés politiques algériens. Les élus étaient nombreux, présents ou excusés.
La cérémonie s’est conclue par des dépôts de gerbes, une minute de silence, la diffusion de deux chansons algériennes, Min Djibalina et La casa del Mouradia et un pot de l’amitié.
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