Pinar Selek, persécutée par la justice turque depuis 26 ans, invitée à Saint-Martin-d’Hères

Par Manuel Pavard

/

Image principale
Réfugiée en France depuis 2011 mais toujours bête noire d’Ankara, Pinar Selek sera à Saint-Martin-d’Hères le 19 octobre, à l’invitation de l’Aiak.

La sociologue Pinar Selek, militante antimilitariste et éco-féministe turque, participera samedi 19 octobre à la maison de quartier Romain-Rolland, à Saint-Martin-d’Hères, à une rencontre organisée par l’Association iséroise des amis des Kurdes (Aiak). Poursuivie pour « terrorisme » — malgré un dossier monté de toutes pièces — par la justice turque depuis 26 ans, elle a été jugée et acquittée quatre fois. Pourtant, cet acharnement judiciaire continue avec un cinquième procès, prévu initialement le 28 juin 2024 à Istanbul mais renvoyé au 7 février 2025.

Elle est deve­nue un sym­bole de la répres­sion conduite par les gou­ver­ne­ments turcs suc­ces­sifs contre leurs oppo­sants et l’un des visages de la défense des mino­ri­tés oppri­mées, en par­ti­cu­lier des Kurdes. Pinar Selek sera à Saint-Martin‑d’Hères, same­di 19 octobre. La socio­logue, écri­vaine et mili­tante anti­mi­li­ta­riste et éco-fémi­niste turque est l’invitée de l’Aiak pour une ren­contre-débat, à par­tir de 16h30, à la mai­son de quar­tier Romain-Rol­land (5 ave­nue Romain-Rol­land). Pinar Selek vient d’avoir 53 ans, dont 26 pas­sés à être per­sé­cu­tée par la jus­tice turque, qui la pour­suit pour « ter­ro­risme » depuis 1998. Cette année-là, la socio­logue est arrê­tée pour son enquête menée sur les mili­tants kurdes, et notam­ment sur la dia­spo­ra active en Alle­magne et en France. Puis, elle est accu­sée d’être impli­quée dans l’explosion ayant cau­sé sept morts sur le bazar aux épices d’Istanbul, en juillet 1998.
Pinar-Selek©Mujgan-Arpat-2/

Pinar Selek accuse la Tur­quie de s’at­ta­quer à ses acti­vi­tés uni­ver­si­taires. © Muj­gan Arpat

Le dos­sier est pour­tant fal­la­cieux et mon­té de toutes pièces par la police turque, qui fait tout pour légi­ti­mer sa thèse fumeuse d’un atten­tat du PKK. Et ce, mal­gré les conclu­sions de plu­sieurs experts, qui éta­blissent for­mel­le­ment la cause du drame, à savoir l’explosion acci­den­telle d’une bou­teille de gaz. Incar­cé­rée et tor­tu­rée durant deux ans et demi, Pinar Selek sort de pri­son en 2000. Mais la jus­tice turque ne la lâche pas. Elle a ain­si été jugée à quatre reprises, en étant sys­té­ma­ti­que­ment acquit­tée (en 2006, 2008, 2011 et 2014). Entre-temps, Pinar Selek a fui la Tur­quie, s’est réfu­giée en Alle­magne puis, à par­tir de 2011, en France — dont elle a acquis la natio­na­li­té en 2017 -, d’abord à Stras­bourg, et enfin à Nice où elle est aujourd’hui ensei­gnante-cher­cheuse à l’université Côte d’Azur. « Un pro­cès kaf­kaïen » Écri­vaine et socio­logue, Pinar Selek a publié des romans comme des essais. Ses tra­vaux portent notam­ment sur les mou­ve­ments sociaux turcs et les mino­ri­tés, de la cause kurde aux luttes fémi­nistes, en pas­sant par les droits des per­sonnes LGBT ou le géno­cide armé­nien. Elle a éga­le­ment étu­dié, par exemple dans Le chau­dron mili­taire turc (Édi­tions Des femmes — Antoi­nette Fouque), le mili­ta­risme de l’état turc et son lien avec la repro­duc­tion de la domi­na­tion mas­cu­line.
Grenoble-solidarite-Kurdes/

Au centre, Mary­vonne Matheoud, pré­si­dente de l’Aiak, orga­ni­sa­trice du débat à Saint-Mar­tin-d’Hères.

De tels com­bats et recherches lui ont sans sur­prise valu l’hos­ti­li­té d’An­ka­ra, d’au­tant plus depuis l’ar­ri­vée au pou­voir d’Er­do­gan et de l’AKP, dont elle est tou­jours la bête noire. La Tur­quie a ain­si émis un man­dat d’arrêt inter­na­tio­nal à son encontre, en jan­vier 2023, et un cin­quième pro­cès (par contu­mace) était pro­gram­mé le 28 juin 2024 devant le tri­bu­nal d’instance d’Istanbul, qui a fina­le­ment ren­voyé l’audience au 7 février 2025. Illus­tra­tion de cet achar­ne­ment, le minis­tère de l’Intérieur turc a cette fois ajou­té de faux docu­ments à son dos­sier, l’accusant d’a­voir par­ti­ci­pé à un évè­ne­ment en France avec le PKK. Une nou­velle manœuvre gro­tesque ten­tant d’assimiler une confé­rence uni­ver­si­taire orga­ni­sée sous la res­pon­sa­bi­li­té de l’université Côte d’Azur, de l’université Paris Cité, du CNRS et de l’IRD, à un « acte ter­ro­riste ». « Un pro­cès kaf­kaïen », selon Pinar Selek, qui échan­ge­ra donc avec le public sur ces dif­fé­rents épi­sodes de sa vie, dans quelques jours, à Saint-Martin‑d’Hères.

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *