Zohreh Baharmast, Iranienne et présidente de la section grenobloise de la Ligue des droits de l’Homme, a pris la parole devant les manifestants venus soutenir la lutte des femmes iraniennes.
Deux ans après la mort en détention de Jina Mahsa Amini, point de départ du soulèvement « Femme, vie, liberté » en Iran, une cinquantaine de personnes se sont réunies ce samedi 14 septembre, rue Félix-Poulat, à Grenoble, à l’appel d’une dizaine d’associations. Un rassemblement organisé en hommage aux victimes de la répression, mais aussi en soutien aux Iraniennes et Iraniens qui continuent de résister au régime des mollahs.
C’était le 16 septembre 2022. Jina Mahsa Amini, jeune femme iranienne d’origine kurde de 22 ans, décédait à Téhéran, trois jours après avoir été arrêtée par la police des mœurs iranienne pour « port de vêtements inappropriés ». Plusieurs témoins accusent la police d’avoir violemment battu l’étudiante, entraînant sa mort. Un crime qui a déclenché le soulèvement « Femme, vie, liberté ».
Deux ans après, presque jour pour jour, une cinquantaine de personnes se sont réunies ce samedi 14 septembre, rue Félix-Poulat, à Grenoble, à l’appel d’Amnesty international, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) Grenoble Métropole, LDH Iran, Voix d’Iran, Iran solidarité, l’Association iséroise des amis des Kurdes (Aiak), le Mouvement de la paix, le Cercle laïque, la Confédération internationale solidaire écologiste (Cise) et le Comité de soutien aux réfugiés algériens (CSRA). Un rassemblement visant à commémorer l’héroïque mouvement de révolte des femmes en Iran et à rendre hommage aux victimes innocentes de la répression étatique.
Les manifestants se sont rassemblés devant l’église Saint-Louis, rue Félix-Poulat.
Le meurtre de Jina Mahsa Amini fut l’étincelle qui a allumé le feu de la colère, après quatre décennies d’humiliations, d’insultes, de discriminations et de violences subies sous le régime théocratique, misogyne et patriarcal de la république islamique. Une révolte qui s’est exprimée par des manifestations pacifiques, au cri de « femme, vie, liberté ». Pour les mollahs et les Pasdaran (gardiens de la révolution), le voile obligatoire est en effet une manière de mettre au pas l’ensemble de la société.
Présent parmi les manifestants, aux côtés notamment d’Hugo Prevost, député NFP de la première circonscription de l’Isère, Emmanuel Carroz, adjoint au maire de Grenoble, a pris la parole pour confirmer qu’une place grenobloise serait baptisée « Jina Mahsa Amini ». Il devrait s’agir du square faisant face au lycée Louise-Michel, selon les informations annoncées par la municipalité en octobre 2023.
Emmanuel Carroz, adjoint au maire, a évoqué la future place Jina-Mahsa-Amini à Grenoble, .
Les organisateurs ont également évoqué la peine de mort, aujourd’hui abolie « en droit ou en pratique » par 144 pays, soit plus des deux tiers des États dans le monde. Néanmoins, une soixantaine de pays y ont toujours recours, dont l’Iran où les ONG ont recensé 853 personnes exécutées en 2023. Un chiffre en hausse de 48 % par rapport à 2022, et certainement largement sous-estimé. Les autorités ne publient pas de statistiques en effet, tandis que de nombreuses personnes sont exécutées secrètement, en particulier au sein des minorité kurdes et baloutches, visées de manière disproportionnée.
Illustration : pour 2024, l’ONG Iran Human Rights dénombre, rien que pour le mois d’août, 425 exécutions, dont seulement six reconnues par Téhéran. « Ce décompte macabre illustre la folie destructrice d’un pouvoir prêt à tout pour se maintenir. Ce régime mortifère subsiste uniquement par la peur et la répression. » dénonce une représentante d’Amnesty international dans son intervention.
Le député NFP de l’Isère Hugo Prevost était également présent au rassemblement.
Cependant, la résistance continue avec détermination, malgré la répression étouffante. Face à des multiples crises, économique, sociale, politique, environnementale, face à la corruption, à l’inflation, au chômage, à l’effondrement de la monnaie nationale et du pouvoir d’achat, les contestations multiformes des enseignant.es, des ouvrièr.es, des retraité.es s’accentuent. Mais la répression aussi, hélas.
« La désobéissance civile, par les grèves, des manifestations, à travers le pays et même dans les prisons, se poursuit », indique Zohreh Baharmast, Iranienne exilée à Grenoble et présidente de la section locale de la LDH. « Dans les maisons, les filles chantent et dansent sur les réseaux sociaux, comme elles n’ont pas le droit de le faire en public. Avec la nouvelle génération et l’explosion des réseaux sociaux, le silence ne peut plus être imposé par le régime. C’est pour cela que le soulèvement a une telle ampleur », explique-t-elle.
La militante conclut en lisant deux poèmes iraniens, traduits par sa camarade Laurence. Le premier est signé Mohammad Reza Shafiei Kadkani :
« Si tu es un homme, viens en Iran et sois une femme.
Ô mon ami, viens ici dans ma patrie !
Sois le compagnon de mes peines et de mes joies.
Les femmes ici luttent vaillamment comme des lions.
Si tu es un homme, viens ici et sois une femme. »
Le second est l’œuvre de la poétesse Simin Behbahani, figure du féminisme iranien :
« Je te construirai ma patrie, même si c’est avec la brique de mon âme.
Je ferai des colonnes pour ton plafond, même si c’est avec mes propres os.
Je sentirai à nouveau tes fleurs selon le désir de ta jeunesse.
Je deviendrai de nouveau ton sang, à travers le flot de mes larmes
Un jour la lumière chassera les ténèbres de ma maison. »
Les interventions de militants de différentes associations se sont succédé.
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