Vencorex / Arkema : Bayrou refuse la nationalisation, « une insulte » pour les élus
Par Manuel Pavard
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Tout ça pour ça. Trois semaines après avoir reçu une délégation d’élus isérois, le 4 février, à Matignon, le Premier ministre François Bayrou leur a enfin répondu dans un courrier daté du lundi 21 février. Mais vu la teneur de celui-ci, « il aurait pu le faire le jour-même », s’insurge Guillaume Gontard. « Nous n’avons eu aucune réponse ! » Le sénateur écologiste ne décolère pas. Tout comme les autres élus écologistes — dont la députée de l’Isère Cyrielle Chatelain, la députée de la Drôme Marie Pochon ou la conseillère régionale AuRA Fabienne Grebert — en visite ce lundi sur les sites de Vencorex et Arkema, aux côtés de Christophe Ferrari et Raphaël Guerrero, maires respectifs de Pont-de-Claix et Jarrie, et de plusieurs responsables syndicaux.

Ceux-ci ont tenu une conférence de presse sur le piquet de grève d’Arkema, devant la plateforme chimique de Jarrie. Avec, en ligne de mire, cette phrase de François Bayrou : « Une nationalisation même temporaire de Vencorex ne saurait être la réponse en l’absence de solution de pérennité identifiée. » Une fin de non-recevoir très claire, qui semble fermer la porte à toute discussion sur le sujet. D’où le désarroi et la colère unanimes de la part des élus.
« Ce n’est pas une nationalisation de produits lambda »
Cyrielle Chatelain évoque ainsi « une claque dans la figure », dénonçant « le mépris » affiché par le Premier ministre avec cette « réponse incompréhensible ». Pour Guillaume Gontard, « ce courrier est une insulte à ce territoire, aux salariés, à notre avenir ». Et le sénateur de l’Isère de déplorer que François Bayrou « balaye d’une main » leur proposition de nationalisation temporaire. « Si on ne veut pas de cette solution, au moins qu’on en apporte d’autres », ajoute-t-il.

Leur dépit est naturellement partagé par les salariés et représentants syndicaux. « On s’y attendait un peu », reconnaît Séverine Dejoux, élue CGT au CSE de Vencorex. « La douche est toujours aussi froide, d’autant plus qu’on n’a pas de réponses aux questions qui ont été posées. On a un courrier laconique avec des réponses vastes, les mêmes qu’on a depuis plusieurs mois maintenant. » Elle promet néanmoins de « continuer le combat » car « la cause est juste ». La CGT devrait en outre annoncer dans les prochains jours « un nouveau projet pour sauver Vencorex », indique Séverine Dejoux.

Tous insistent sur l’enjeu en matière de souveraineté et sur la menace planant sur l’ensemble de la filière. « Ce qu’on demande à l’État, ce n’est pas une nationalisation de produits lambda », souligne Grégory Tabares, délégué syndical CFE-CGC d’Arkema Jarrie. Il cite ainsi « les éponges de zirconium pour les collègues de Framatome qui fournissent les centrales nucléaires européennes », les missiles M51 pour l’armement ou le carburant des fusées d’Ariane. Autant d’éléments qui dépendent de cette « filière de sel déterminante pour l’avenir de l’industrie chimique du pays ».
« Il manque dix signatures d’élus LR ou macronistes »
Avec ce refus de François Bayrou, reste-t-il un espoir pour la chimie du sud grenoblois et ses salariés ? Christophe Ferrari, lui, attend que « le Premier ministre vienne ici sur place. Comment est-il possible qu’après cinq mois, nous n’ayons eu aucune visite d’un ministre sur notre territoire ? », s’interroge le maire de Pont-de-Claix et président de la Métropole. Avant d’appeler à « un vrai débat sur la stratégie industrielle au Parlement ».

C’est justement sur le terrain parlementaire que Cyrielle Chatelain place désormais ses espoirs. La présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale a en effet déposé le 10 février une proposition de loi visant la nationalisation temporaire de Vencorex, signée à ce jour par une centaine de députés. Un nombre en théorie suffisant, à un détail près… Car tous ces parlementaires sont de gauche (essentiellement NFP). Or, pour qu’une proposition de loi soit examinée à l’Assemblée, elle nécessite une « diversité politique » qui fait aujourd’hui défaut à ce texte. Autrement dit, des signataires de droite.

Cyrielle Chatelain l’admet d’ailleurs, « il manque dix signatures d’élus Les Républicains ou macronistes ». La députée de la deuxième circonscription de l’Isère leur lance donc un appel : « J’ai envie de parler à mes collègues LR et macronistes, qui ont aussi des industries dans leur région. Signez la proposition de loi sur la nationalisation temporaire de Vencorex. Que vous signiez ou pas, on saura alors de quel côté vous vous situez. »
Problème : le temps presse et un compte à rebours est enclenché afin de pouvoir inscrire une telle proposition de loi à l’ordre du jour de l’Hémicycle. C’est en effet le 6 mars qu’expire la période d’observation. Le tribunal de commerce de Lyon se prononcera alors sur l’éventuelle liquidation judiciaire de Vencorex.