En Isère et Savoie, la CGT gardiens de troupeaux met la pression sur la FDSEA
Par Manuel Pavard
/
Ils étaient une quinzaine, mercredi 22 janvier, à Moirans ; une dizaine, le lendemain, à Saint-Baldoph. Des bergers surtout, mais aussi des vachers et chevriers. Réunis au sein du syndicat CGT des gardiens de troupeaux, ces ouvriers et ouvrières agricoles avaient décidé de se rassembler devant la chambre d’agriculture, en Isère comme en Savoie, afin de cibler la FDSEA de leurs départements respectifs.
Depuis deux ans en effet, le SGT avait obtenu l’ouverture de négociations sur les salaires, les conditions de travail et la reconnaissance du métier. Celles-ci étaient menées à l’échelon départemental, en Isère et dans les deux Savoie, et se poursuivaient tant bien que mal, même si « le patronat agricole n’en avait ni la volonté ni l’intérêt », souligne Étienne Jobard, représentant du SGT 38. Mais lors de la dernière session, « la FNSEA a proposé la régionalisation des négociations », raconte-t-il.
Au départ, le syndicat CGT s’y oppose. « On sentait l’entourloupe. Pour eux, c’était un moyen de gagner du temps et de reprendre la main sur les négociations alors qu’on avait obtenu des avancées au niveau départemental », explique le berger isérois. Finalement, les gardiens de troupeaux finissent par accepter, mais « sur la base des acquis les plus élevés », avec une volonté de « niveler par le haut. Sans surprise, ils ont refusé », ironise-t-il.
Les ouvriers agricoles sont « les grands oubliés »
Le SGT 38 et le SGT 73 demandaient donc « la reprise immédiate des négociations départementales », profitant de ces deux rassemblements pour « dénoncer les basses manœuvres des organisations patronales ». De fait, la date n’avait elle non plus pas été choisie au hasard. « Le contexte, c’est les élections en chambre d’agriculture, qui se tenaient jusqu’au 31 janvier », situe Étienne Jobard. Soit une belle caisse de résonance potentielle.
L’idée, précise-t-il, « c’est de dire qu’on a beaucoup parlé du monde agricole récemment mais qu’il y a aujourd’hui plus de salariés agricoles que d’agriculteurs ». Qu’on les appelle gardiens de troupeaux, bergers, ouvriers agricoles ou salariés des alpages, ces derniers se considèrent comme « les grands oubliés » de la crise actuelle, victimes des « mesures rétrogrades qui les précarisent ». Illustration : l’équipement de travail et de sécurité est aujourd’hui entièrement à la charge des salariés, qui réclament la prime mensuelle de 250 euros — promise par la FDSEA — afin de le rembourser.
À Moirans comme à Saint-Baldoph, les présidents de la FDSEA sont venus à la rencontre des manifestants, qui ont « pu discuter à bâtons rompus » avec eux, indique le militant. Des échanges courtois qui ne trompent pourtant pas le syndicat CGT. Car le constat reste, lui, inchangé : « L’employeur est censé respecter le code du travail, qui devrait s’appliquer en alpage, alors qu’en fait, c’est la jungle », déplore Étienne Jobard.
« D’après eux, il n’y a que quelques brebis galeuses et patrons voyous, les autres se comportent bien. Mais en réalité, c’est l’inverse ! »
Étienne Jobard (SGT 38)
Malheureusement, « le patronat agricole ne montre aucune volonté d’améliorer nos conditions de travail par les négociations », accuse-t-il. Le SGT 38 fustige ainsi des organisations — à l’image de la FDSEA/FNSEA ou de la Coordination rurale — « réactionnaires et rétrogrades ». Et qui, en outre, ne reconnaissent pas leurs torts. « D’après eux, il n’y a que quelques brebis galeuses et patrons voyous, les autres se comportent bien. Mais en réalité, c’est l’inverse », affirme Étienne Jobard.
Alors de quels leviers disposent les gardiens de troupeaux ? Question délicate… Si l’idée d’une « grève des bergers en alpage » n’est pas totalement exclue, cela pose toutefois « une vraie difficulté. Nous sommes dispatchés et isolés sur les alpages ou dans les fermes », constate le représentant syndical. Quoiqu’il en soit, les ouvriers agricoles commencent à « s’armer juridiquement », avec l’aide d’une avocate. Et ils « ne se laisseront pas abattre », promet le SGT 38, « pour la bonne et simple raison que nous n’avons rien a perdre que des salaires misérables et des conditions de travail d’un autre temps ».