Vencorex : 250 salariés à l’assemblée générale à Pont-de-Claix, la CGT sceptique face aux premiers repreneurs potentiels
Par Manuel Pavard
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Les syndicats ont fait le point sur les prochaines échéances pour Vencorex, devant quelque 250 salariés.
L’assemblée générale sur Vencorex a réuni ce vendredi 20 septembre, au foyer municipal de Pont-de-Claix, 250 personnes, venues écouter les représentants de la CGT, de la CFDT et de la CFE-CGC ainsi que Christophe Ferrari. Le maire et président de la Métropole a annoncé à cette occasion le lancement d’une pétition pour sauver les emplois et la plateforme chimique. Les syndicats ont, eux, évoqué les prochaines échéances, comme la manifestation du 1er octobre ou la date limite pour les candidats à la reprise, fixée au 17 octobre. Des repreneurs potentiels qui, à l’instar d’Arkema ou des Salins du Midi, peinent à convaincre les salariés, aussi déterminés que dépités.
La salle comble a au moins confirmé deux éléments : la forte détermination des salariés de Vencorex, mais aussi leur inquiétude croissante. Ils n’étaient ainsi pas moins de 250, ce vendredi 20 septembre, au foyer municipal de Pont-de-Claix, à participer à l’assemblée générale, dix jours après le placement en redressement judiciaire prononcé par le tribunal de Lyon. À la tribune, les représentants CGT des plateformes chimiques de Pont-de-Claix et Jarrie, de la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) et de l’union départementale, de la CFDT, de la CFE-CGC, ou encore le maire de la commune et président de la Métropole de Grenoble Christophe Ferrari. L’intervention de ce dernier est d’ailleurs qualifiée de « très intéressante » par Adrien Poirieux, référent Isère de la FNIC-CGT, qui souligne sa volonté de « rassembler un maximum de gens autour de la plateforme ». Cela passe notamment par l’installation de « banderoles dans les rues de la ville » ainsi que par le lancement, annoncé ce vendredi par Christophe Ferrari d’une pétition en ligne (voir encadré) déjà signée, après quelques heures, par plus de 600 personnes — dont de nombreux parlementaires isérois. « On constate un vrai élan de la part des élus locaux », se félicite le syndicaliste.Les représentants de la CGT, de la CFDT et de la CFE-CGC se sont exprimés lors de l’AG.
Durant deux bonnes heures, les syndicats ont évoqué les derniers rendez-vous et les prochaines échéances, avant d’échanger avec les salariés présents. Ils ont ainsi dressé le bilan de la rencontre organisée ce lundi 16 septembre, à Bercy, entre une délégation des organisations syndicales locales et fédérales et les représentants des ministères de l’Économie et du Travail. Autre date importante, le CSE extraordinaire convoqué ce mardi 17 septembre chez Vencorex, afin notamment de désigner la représentante des salariés face à l’administration judiciaire.
« Aucun de ces deux repreneurs ne sera satisfaisant »
Le foyer municipal de Pont-de-Claix a fait le plein pour l’assemblée générale.
Il s’est en outre « passé quelque chose de particulier » avec cette dernière, souligne Adrien Poirieux. Interrogée par cette dénommée Séverine Dejoux, « la direction de Vencorex lui a répondu que les salariés n’avaient pas besoin de déposer un préavis et des heures de grève pour se rendre à l’assemblée générale, qu’elle leur donnait l’autorisation d’y aller », s’étonne le référent de la FNIC-CGT. Un positionnement surprenant qui illustre, selon lui, « la nécessité d’acheter la paix sociale » pour Vencorex France. Mais la principale information de ces derniers jours est sans doute venue de Berçy. « La rapporteure au ministère a indiqué que deux repreneurs potentiels viendraient visiter le site », précise Adrien Poirieux. Il s’agit, d’une part, d’Arkema, dont les velléités de rachat font l’objet de multiples rumeurs ces dernières semaines, et d’autre part, de la compagnie des Salins du Midi, qui exploite les marais salants de Salin-de-Giraud, en Camargue. Des candidats qui ont jusqu’au 17 octobre pour déclarer une intention de reprise.Beaucoup de salariés se montrent aussi combatifs que désabusés.
Problème : aucun des deux repreneurs ne recueille l’assentiment des syndicats ni des salariés. « L’un ou l’autre, ça ne sera pas satisfaisant. Ils ne vont se focaliser que sur le sel », estime ainsi le représentant CGT. Concernant le groupe Salins, la raison est évidente. Mais c’est aussi le cas pour « Arkema [qui] a besoin de sel pour ses perchlorates », explique-t-il. Dans un tel scénario, « toute la partie isocyanates serait abandonnée, soit le cœur de métier de Vencorex », alerte Adrien Poirieux. « Le sel sauverait seulement entre 100 et 150 salariés », sur les 450 que compte Vencorex à Pont-de-Claix. De fait, affirme ironiquement Denis Carré, délégué CGT de la plateforme chimique de Pont-de-Claix, « Arkema France a un droit de vie ou de mort sur Jarrie ». « Qui va me reprendre à 60 ans ? » Chez les salariés de Vencorex rencontrés à la sortie du foyer municipal, plusieurs sentiments se mêlent. D’un côté, une détermination et une combativité indéniables. Mais de l’autre, un dépit et un écœurement tout aussi palpables. Salim et Didier, qui travaillent ensemble sur le site depuis des décennies, se sentent ainsi clairement floués. « On a appris les difficultés en mars mais depuis le Covid, je sentais qu’on allait mal », avoue le premier nommé. « Nous, on nous a mis un peu à l’arrêt pendant que les Chinois ont continué à produire à fond. Eux, ils cassent les prix et l’Europe dit “amen” à tout, au lieu de faire une loi anti-dumping. »Les syndicats ont répondu aux questions des salariés, leur donnant rendez-vous pour la manifestation du 1er octobre.
Si Didier sera « à la retraite en fin d’année », Salim, lui, ne cache pas ses craintes pour son emploi : « Moi, j’ai 60 ans. Qui va me reprendre à 60 ans ? Il me restait deux ans à “tirer” », déplore-t-il, à la fois lucide et désabusé. Avant de lancer : « Je vais aller dans la plus grosse entreprise de France, Pôle emploi. Je n’aurai pas le choix ! » Les deux collègues sont en outre plus que sceptiques face aux perspectives de reprise. « Un repreneur avant le 17 octobre ? Je n’ai jamais vu une grosse entreprise comme ça rachetée aussi vite », souligne Salim. Pour lui comme pour Didier, les dés sont de toute façon pipés et les jeux quasi faits. « On était quasiment 3 000 avant, aujourd’hui 450… La réalité, c’est qu’en France, la chimie, ils n’en veulent plus », assènent-ils.Une grande manifestation des salariés de la chimie est prévue devant le site de Pont-de-Claix le 1er octobre.
Désormais, tous sont dans l’attente de la manifestation du 1er octobre, à Pont-de-Claix. L’objectif prioritaire, c’est « que les salariés concernés des deux plateformes se mobilisent massivement », confie Adrien Poirieux, plutôt optimiste sur ce point : « Quand on voit une salle pleine comme aujourd’hui, on se dit que le message est passé. » Néanmoins, les syndicats l’avouent, ils misent sur une belle affluence, avec un appel lancé aux salariés des industries chimiques de toute la France à converger vers le site. Selon la CGT, des bus sont déjà affrétés depuis le Rhône ou depuis Saint-Auban, dans les Alpes-de-Haute-Provence, preuve d’une réelle mobilisation. Malgré tous les nuages qui s’amoncellent au-dessus de la chimie du sud grenoblois, Adrien Poirieux et ses camarades refusent de baisser les bras. Le référent de la FNIC-CGT cite ainsi le cas de l’entreprise Kem One, au bord de la faillite en 2013 mais finalement « accompagnée par les pouvoirs publics, avant d’être revendue pour plus de 700 millions d’euros en 2021″. Et aujourd’hui, le chimiste monte une nouvelle unité de stockage à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Une belle histoire pour ne pas perdre espoir.