Isère. Les communistes présentent leur plan d’action contre « le fléau du narcotrafic »
Par Manuel Pavard
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C’est devant la préfecture de l’Isère que les communistes ont décidé d’annoncer le lancement de leur campagne contre « le fléau du narcotrafic », ce mardi 17 juin. Un lieu qui n’a pas été choisi au hasard. « C’est le symbole de la politique de l’État et de sa défaillance, en matière de stratégie globale et de baisse des moyens », explique Jérémie Giono, secrétaire départemental du PCF Isère. L’idée, elle, est née lors de la visite de Fabien Roussel, en novembre dernier. Et ce, dans une période où les règlements de comptes et fusillades se succédaient sur les points de deal locaux, plaçant Grenoble sous les feux des projecteurs.

Derrière la démarche de la fédération de l’Isère, la volonté de « ne pas laisser les habitants seuls avec uniquement le discours de la droite et de l’extrême droite ». Lesquelles sont « une partie du problème et pas la solution », tacle le responsable communiste, pointant leurs contradictions entre les discours et les actes. « La politique de la droite, c’est briller devant les caméras, faire des opérations spectacles… Mais côté moyens, sur la durée, on n’y est clairement pas », assène-t-il.
« La politique de la droite, c’est briller devant les caméras »
Jérémie Giono déplore ainsi « la suppression de la police de proximité par Nicolas Sarkozy ». Avec depuis, un déficit d’une centaine de policiers nationaux sur la zone police de l’agglomération grenobloise. Sans oublier, plus récemment, la réforme de la police judiciaire, marquée par « un détricotage des filières d’enquête ». Un tableau global bien sombre, qui « provoque une crise des vocations », précise-t-il, s’appuyant sur les échanges conduits par le PCF avec certains syndicalistes policiers (de la CGT Intérieur, mais pas seulement).
Fustigeant une doctrine « totalement inefficace », Jérémie Giono dénonce la « politique du chiffre » menée par les ministres de l’Intérieur successifs depuis vingt ans. Une politique qui « permet d’afficher de belles opérations ‘place nette’, avec des déploiements de forces de l’ordre, de belles images »… Problème, « derrière, il n’y a plus rien », souligne le secrétaire départemental. Car la logique est toujours la même. Pour avoir des chiffres rapidement, « il vaut mieux arrêter les petits dealers et taper en bas de la chaîne » que viser le haut du spectre, ces « gros bonnets relativement épargnés », accuse le PCF.
Des propositions pour les classes populaires
Alors que la gauche est, selon eux, trop souvent caricaturée sur les questions de sécurité, les communistes entendent porter un ensemble de propositions politiques « auprès des classes populaires, qui sont les premières victimes des trafiquants » de par leurs lieux de vie, souvent au plus près des points de deal.
Le PCF Isère présente donc sur ses tracts un plan national d’action. Un vaste programme, décliné en huit points : rétablir la police de proximité, « pilier de la sécurité du quotidien » ; frapper la tête de la « pyramide du crime » ; renforcer les contrôles douaniers ; lutter réellement contre le blanchiment ; faire de la consommation « un sujet de santé publique » ; se réapproprier l’espace public ; repenser le système pénitentiaire ; donner aux policiers les moyens de se recentrer sur leurs missions.

Ces propositions ont par ailleurs été regroupées dans une note remise en janvier 2025 au ministre de l’Intérieur, par une délégation d’élus communistes dont faisait notamment partie Amandine Demore. La maire d’Échirolles s’est particulièrement distinguée sur le sujet au cours des derniers mois, montant au front pour la fermeture du Carrare ou pour réclamer l’ouverture d’un commissariat de plein exercice dans la commune. Un combat que l’édile a pris à bras-le-corps, avec une pétition initiée par la ville recueillant près de 5000 signatures ou un rassemblement qui a réuni plus de 400 personnes devant la mairie, en novembre 2024.
Échirolles et Saint-Martin-d’Hères, « municipalités communistes qui agissent »
Amandine Demore symbolise ainsi ces « municipalités communistes [qui] agissent », vante Jérémie Giono. Mais si la maire d’Échirolles, apôtre de la « complémentarité entre la police nationale et la police municipale », a été davantage médiatisée, Saint-Martin-d’Hères n’est pas non plus en reste avec sa « stratégie partenariale à bas bruit ». Une méthode « très efficace » mettant en lien « les services de prévention, les bailleurs sociaux, la police nationale » et l’ensemble des acteurs impliqués.
À Saint-Martin-d’Hères, cela a d’ailleurs permis « d’éradiquer certains points de vente ». Vitrine de cette politique, Renaudie, haut lieu traditionnel du deal. Un quartier aujourd’hui plus apaisé, que les habitants ont pu en partie se réapproprier grâce à cette stratégie globale basée notamment sur l’aménagement urbain et le retour des services publics — comme l’illustre la « relocalisation du centre de santé de l’Étoile ».

Malgré ces réussites indéniables, les communistes restent toutefois lucides quant aux limites des politiques locales. « S’il n’y a pas l’État qui suit, on est loin du compte », reconnaît Jérémie Giono. « Dans l’agglomération, il y a un tel problème de guerre des gangs que la droite fait de la com’ pour essayer de se faire élire dessus. » Et ce, « alors qu’ils sont eux-mêmes responsables des politiques qui ont conduit à l’explosion de ce trafic », ajoute le dirigeant PCF.
« Un combat de longue haleine »
Pour la même raison, les communistes isérois ne sont pas tendres envers la municipalité de Fontaine et l’opération d’occupation des points de deal menée par la majorité. Outre « la stigmatisation du quartier », ils dénoncent la ligne du maire MoDem « Franck Longo qui s’inscrit totalement dans la stratégie gouvernementale ». Pourtant, si la situation s’est dégradée à Fontaine, c’est « en grande partie à cause de sa politique », accuse Jérémie Giono, évoquant notamment « le démantèlement des services de prévention ».
Simon Gensburger, communiste fontainois, enfonce le clou. Avec cette opération, affirme-t-il, « le deal s’est déplacé de Maisonnat aux Fontainades ». Franck Longo aurait même, assure-t-il, « obligé des agents de la ville à venir » sur les lieux pour servir sa promotion. Un maire qui, d’après le militant PCF, « fragilise le travail des acteurs de terrain » et n’établit « aucun lien avec les habitants ». Soit tout le contraire des mairies d’Échirolles et Saint-Martin-d’Hères, qui « travaillent avec les associations, les commerçants, les acteurs du quartier ».
« Ce qui fera reculer à long terme le narcotrafic, ce sont les services publics », estime de son côté Serge Benito, conseiller municipal martinérois. Un « combat de longue haleine » auquel se préparent les communistes. Et qui passera dans un premier temps par la distribution, dans l’ensemble des secteurs concernés, des quelque 20 000 tracts imprimés par le PCF Isère.