Grenoble. La mobilisation paye : le bureau de poste Jean-Perrot va rouvrir
Par Manuel Pavard
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« Nous ne pouvions pas ne pas valoriser l’importance de cette décision pour les habitants du quartier Malherbe Teisseire, qui vont pouvoir retrouver leur service public de la poste en plein exercice. » Comme l’a expliqué François Auguste, membre du collectif « J’aime ma poste », celui-ci se mobilisait, une fois n’est pas coutume, pour célébrer une victoire, ce vendredi 21 mars. Et non contre une fermeture, à l’instar des derniers rassemblements devant le bureau d’Alsace-Lorraine, qui a baissé le rideau le 15 novembre dernier. Le collectif souhaitait ainsi annoncer le démarrage des travaux au bureau de poste Jean-Perrot et son ouverture probable « cet été, voire fin juin ».

C’est peu dire que cette nouvelle était attendue avec impatience par les syndicats de postiers (Sud PTT et CGT), usagers, unions de quartier et élus, réunis au sein du collectif « J’aime ma poste ». Car au moment de sa réouverture, cela fera deux ans que le bureau Jean-Perrot a fermé ses portes au public. Le bâtiment avait été incendié dans la soirée du 30 juin 2023, lors des émeutes urbaines qui avaient embrasé Grenoble et l’ensemble des villes françaises, à la suite de la mort du jeune Nahel, tué par un policier à Nanterre.
« Cette décision est le résultat combiné de l’importante mobilisation des usagers et des commerçants, sous l’impulsion de l’union de quartier, et en même temps, du véto opposé par le maire de Grenoble Éric Piolle à cette fermeture. »
François Auguste, collectif « J’aime ma poste »
Depuis, malgré de nombreuses initiatives, la direction de La Poste n’avait pas bougé… Jusqu’à l’annonce, il y a quelques jours, d’une prochaine réouverture. « Cette décision est le résultat combiné de l’importante mobilisation des usagers et des commerçants, sous l’impulsion de l’union de quartier, et en même temps, du véto opposé par le maire de Grenoble Éric Piolle à cette fermeture », a souligné François Auguste dans son discours. Les maires disposent en effet de cette possibilité de véto lorsqu’un bureau de poste menacé est situé en quartier prioritaire politique de la ville (QPV).

Dans le cas de Jean-Perrot, Éric Piolle, représenté au rassemblement par la première adjointe Isabelle Peters, a donc utilisé cette disposition prévue par le contrat reliant La Poste, l’État et l’Association des maires de France. De François Auguste à Isabelle Peters, en passant par Jean-Marc Roselli et Jean-Noël Pusel, présidents respectifs des unions de quartier Malherbe et Abbaye-Jouhaux, ou le conseiller régional Stéphane Gemmani, tous les orateurs présents vendredi matin se sont félicités de ce « succès ». Tous ont aussi insisté sur l’importance de cette mission de service public, « un trésor de notre République », selon Stéphane Gemmani.
« Hors de question qu’il y ait de nouvelles fermetures de bureaux »
Néanmoins, à l’image d’Isabelle Peters rappelant la nécessite de demeurer « vigilant », personne n’entend baisser la garde parmi les représentants du collectif. « On appelle les citoyens et les habitants des quartiers de Grenoble à rester mobilisés car pour nous, il est hors de question qu’il y ait de nouvelles fermetures de bureaux de poste », assène Serge Benito, postier et élu CGT. « Que ce soit les Eaux-Claires, Stalingrad ou Bajatière, tous les bureaux doivent rester ouverts parce qu’ils correspondent à un besoin de service public, notamment pour les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite, les commerçants… »

François Auguste a d’ailleurs lui aussi demandé à la direction de La Poste de « renoncer aux fermetures qu’elle avait envisagées à Stalingrad et à Bajatière ». À ce sujet, les dernières informations semblent plutôt rassurantes, du moins à court terme. « On attend confirmation mais La Poste s’engagerait à ce qu’il n’y ait pas de fermeture de bureaux de poste jusqu’aux élections municipales », rapporte Serge Benito. Un répit assuré jusqu’au printemps 2026 donc. Mais après ? « Ça veut dire qu’il y a quand même une épée de Damoclès suspendue », nuance le militant CGT, pour lequel cette décision ne doit pas dépendre de l’étiquette de la majorité municipale.

Le scrutin à venir n’est toutefois pas le seul sujet d’inquiétude du collectif « J’aime ma poste ». François Auguste l’a indiqué dans sa prise de parole, « en 2025, va être mise en débat une nouvelle loi postale car la mission de service universel postal confiée à La Poste en 2010 arrive à son terme ». Il redoute le projet prévu par le gouvernement, qui veut notamment « réduire les distributions de courrier en supprimant l’obligation de le distribuer six jours sur sept » mais également « amplifier encore plus la suppression des bureaux de poste qui l’ont été par milliers ces dernières années ».
Le collectif avance ses propositions
Face à ces nouvelles menaces contre le service public, le collectif avance ses propres revendications. Il propose ainsi un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste, un réengagement financier massif de l’État, la titularisation de tous les personnels précaires de La Poste ou encore la co-élaboration par les postiers, leurs représentants syndicaux, les collectifs d’usagers et les élus locaux du nouveau plan stratégique de La Poste conduisant à la nouvelle loi postale. Il évoque enfin la participation à la manifestation nationale organisée le 25 mai dans le Calvados, à l’initiative d’un collectif local.

Quant au bureau de poste Jean-Perrot, sa réouverture ne signifie pas la fin de la mobilisation. De fait, plusieurs points restent en suspens à ce stade, comme le retour d’un distributeur automatique, réclamé quasi unanimement par les habitants des quartiers Malherbe et Teisseire. Du côté des salariés, Arnaud Vossier, guichetier et représentant syndical Sud PTT, avoue « une grosse inquiétude sur les conditions » de la reprise du travail. « Va-t-on revenir en sous-effectif ? », s’interroge-t-il. Autant d’éléments pour lesquels le collectif « J’aime ma poste » entend bien maintenir la pression sur la direction de La Poste.