Hôpital Sud. « Nous avons obtenu un sursis »

Par Luc Renaud

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Olivier Véran s’est engagé au maintien des services de l’hôpital Sud de Grenoble, menacés au printemps. Reste maintenant à obtenir les investissements nécessaires à sa pérennité. La mobilisation qui s’est exprimée au printemps a toute les raisons de se poursuivre pour que cet hôpital demeure une référence.

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L'hôpital Sud de Grenoble. Un établissement intégré au CHU de Grenoble dont l'hôpital neuf de Voiron fait également partie mais aussi du grand ensemble du groupement hospitalier de territoire qui regroupe hôpitaux et Ehpad de la Mure à Rives.

« Je vous confirme le main­tien du ser­vice d’urgence trau­ma­to­lo­gique et du bloc opé­ra­toire du site d’Échirolles ». L’annonce faite à la presse par Oli­vier Véran,ministre de la San­té, était confir­mée par écrit le 30 juin par Debo­rah de Lieme, sa cheffe de cabi­net. Fin de l’histoire ? Ce serait aller un peu vite en besogne. « C’est un suc­cès de la mobi­li­sa­tion, ana­lyse Pierre Bru­neau, délé­gué CGT et infir­mier à Sud, mais c’est un sur­sis qui demande des confir­ma­tions ».

Repre­nons le fil des évé­ne­ments. Tout com­mence en 2015. A cette époque, on négo­cie le bout de gras pour déci­der des inves­tis­se­ment à réa­li­ser au CHU de Gre­noble. Occa­sion sai­sie par le minis­tère de la San­té de l’époque pour un petit chan­tage : le finan­ce­ment par l’agence régio­nale de san­té d’investissements à l’hôpital Nord contre l’engagement de fer­mer les blocs opé­ra­toires de l’hôpital Sud en 2020. A l’échéance, l’ARS ne fait somme toute que récla­mer son dû en récla­mant sa dîme.

Ce que le minis­tère et sa repré­sen­ta­tion régio­nale, l’ARS, n’avaient pas pré­vu, c’est la pan­dé­mie. Qui com­plique évi­dem­ment les choses : l’hôpital est satu­ré et a bien d’autres chats à fouet­ter. Mais la Covid n’empêche pas non plus la mobi­li­sa­tion. Dès l’annonce au prin­temps de la pos­si­bi­li­té de fer­me­tures à Sud, le mécon­ten­te­ment se fait jour. Une péti­tion en ligne recueille plus de 18 000 signa­tures en deux semaines. Un comi­té de défense de l’hôpital se crée à Échi­rolles. Les méde­cins s’investissent pour la défense de cet outil. « Ren­zo Sul­li s’est immé­dia­te­ment enga­gé dans la bataille, témoigne Pierre Bru­neau, on ne peut pas en dire autant du pré­sident du conseil d’administration de l’hôpital, le maire de Gre­noble ».

Ce qui était pré­vu au prin­temps, ce n’est rien de moins que la dis­pa­ra­tion des quatre salles d’opération de l’hôpital Sud et par consé­quent la fer­me­ture de son ser­vice des urgences. On pou­vait alors craindre – dans la pire des hypo­thèses – que l’hôpital Sud voit son acti­vi­té réduite à celle de son Ehpad accom­pa­gné d’un ser­vice de soins de suite et de réadap­ta­tion.

L’hôpital Sud de Gre­noble, c’est pour­tant tout une his­toire. « Depuis sa créa­tion pour les jeux de 68, des géné­ra­tions de méde­cins ont construit un réseau avec des pro­fes­sion­nels en mon­tagne, des méde­cins for­més en stage à l’hôpital, un réseau qui assure une prise en charge effi­cace et qui contri­bue à ce que le CHU de Gre­noble soit le pre­mier centre de trau­ma­to­lo­gie de France », sou­ligne Pierre Bru­neau. Réseau recon­nu comme une spé­ci­fi­ci­té gre­no­bloise. Et l’hôpital Sud, c’est aujourd’hui une excel­lence recon­nue en trau­ma­to­lo­gie et ortho­pé­die – même si les cas les plus lourds sont orien­tés à Micha­lon, l’hôpital Nord, où le pla­teau tech­nique est com­plet. L’hôpital Sud, c’est aus­si l’imagerie osseuse de l’ensemble du CHU.

Nord, Sud, Voiron… rien n’est de trop

« En plus du gâchis de savoir faire et d’expérience que consti­tue­rait une réduc­tion d‘activité, l’hôpital nord est bien inca­pable d’accueillir le sur­croit d’activité que cela repré­sen­te­rait », sou­ligne pierre Bru­neau – seize mille per­sonnes passent chaque année aux urgences de Sud. Cela d’autant que la moder­ni­sa­tion des blocs opé­ra­toires à Michal­lon s’est accom­pa­gnée d’une dimi­nu­tion de leur capa­ci­té. Tout béné­fi­cie pour l’hospitalisation pri­vée : à Saint-Martin‑d’Hères, la cli­nique Bel­le­donne ne fait pas mys­tère de son désir d’ouvrir un ser­vice d’urgences.

Alors, aujourd’hui ? « Nous ne connais­sons pas les inten­tions du minis­tère », relève Pierre Bru­neau. Au prin­temps, méde­cins et per­son­nels ont pré­sen­té des pro­po­si­tions pour la moder­ni­sa­tion de l’hôpital Sud. La cli­ma­ti­sa­tion là où elle serait néces­saire, cer­tains équi­pe­ments pour amé­lio­rer le tra­vail en salles d’opération, l’organisation des urgences à Sud pour amé­lio­rer la situa­tion de celles de l’hôpital Nord…

Se pose éga­le­ment la ques­tion de la com­plé­men­ta­ri­té avec le nou­vel hôpi­tal de Voi­ron – voir ci-des­sous. Éta­blis­se­ment inté­gré depuis l’an der­nier au CHU de Gre­noble et qui dis­pose de salles d’opération neuves et d’un héli­port der­nier cri. « Pour l’ARS, il est ten­tant de nous mettre en concur­rence, de faire tour­ner les méde­cins, constate Pierre Bru­neau, reste que si l’on veut répondre aux besoins de san­té de l’ensemble de la popu­la­tion, rien n’est de trop ».

Les mois qui viennent seront déci­sifs. D’ici un an, le pro­jet éta­blis­se­ment du CHU de Gre­noble sera éla­bo­ré et ce docu­ment ren­dra lisible les inten­tions gou­ver­ne­men­tales. L’enjeu de l’intervention des per­son­nels et des usa­gers sera de s’assurer des inves­tis­se­ments néces­saires à l’hôpital Sud pour garan­tir son ave­nir. Et répondre aux besoins des popu­la­tions de l’agglomération et des Alpes fran­çaises.

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Centre-hospitalier-Rives/
Les res­pon­sables du syn­di­cat CGT du centre hos­pi­ta­lier de Rives.

L’humain, c’est aussi la proximité

Il n’y a pas que les grands. A Rives, on s’inquiète aussi pour l’avenir du service de médecine.

Deux cent cin­quante emplois. Peu, à l’échelle du CHU de Gre­noble et de ses plus de onze mille sala­riés. Essen­tiel dans une ville de sept mille habi­tants, celle de Rives.
« Ici, l’hôpital, c’était une mater­ni­té, des urgences un ser­vice de chi­rur­gie, un autre de méde­cine… », témoigne René, l’un des res­pon­sables du syn­di­cat CGT de l’établissement. Aujourd’hui, à l’issue de la mise en œuvre du plan de retour à l’équilibre finan­cier de 2017 puis de la pan­dé­mie, le centre hos­pi­ta­lier de Rives peine à envi­sa­ger son ave­nir. « Il fau­drait déjà que les cadres arrêtent de dire que ça va fer­mer », s’agace Syl­vie Don­net, secré­taire du syn­di­cat CGT.

Pour l’heure, les syn­di­ca­listes accueillent avec satis­fac­tion le report d’un an de la fusion avec l’Ehpad du Grand Lemps qui devait inter­ve­nir au 1er jan­vier 2022. Ils y voient un point d’appui pour que l’établissement conserve une acti­vi­té de méde­cine et une autre de soins de suite et de réadap­ta­tion. Et ne soit pas réduit à ses Ehpad.

Sous-effec­tif, cet été notam­ment

Reste que, faute de per­son­nels en nombre suf­fi­sant, des lits ont été fer­més cet été dans les ser­vices hos­pi­ta­liers pour que les agents puissent être redé­ployés en Ehpad. « Une part de notre acti­vi­té pro­vient de l’hôpital de Voi­ron qui nous envoie des patients ; si nous les refu­sons faute de per­son­nel, l’habitude va vite être prise de s’adresser ailleurs, à Gre­noble ou en Nord-Isère. »

Tout cela dans le contexte du grou­pe­ment hos­pi­ta­lier de ter­ri­toire – neuf éta­blis­se­ments de la Mure à Voi­ron – que la pan­dé­mie a certes mis entre paren­thèse, mais qui repré­sente tou­jours une menace pour les hôpi­taux de proxi­mi­té. « Notre rai­son d’être, c’est l’humain, sou­ligne Syl­vie Don­net, et la pos­si­bi­li­té de se soi­gner à Rives, c’est quelque chose qui concerne tout le monde et dont les élus locaux pour­raient davan­tage se sou­cier ».

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sala­riés

du CHU de Gre­noble (hôpi­taux Nord et Sud et Voi­ron) ont refu­sé de pré­sen­ter un passe sani­taire, obli­ga­toire pour les soi­gnants depuis le 15 sep­tembre. Ce chiffre date de mi-sep­tembre. Le centre hos­pi­ta­lier uni­ver­si­té Gre­noble Alpes compte 11 600 sala­riés dont un mil­lier à Voi­ron.

L’humiliation du passe sanitaire

Dans les éta­blis­se­ments, l’indignation est una­nime. « On nous a obli­gés à tra­vailler sans aucune pro­tec­tion au prin­temps 2020, nous devions tra­vailler y com­pris lorsque nous étions posi­tifs… et aujourd’hui on nous montre du doigt ». Cri una­nime et par­ta­gé par la petite mino­ri­té qui n’est pas vac­ci­née comme par la grande majo­ri­té qui l’est.

Recrutement, la pénurie organisée

Les direc­tions s’en plaignent : dif­fi­cile de trou­ver méde­cins et infir­miers. Ce qui a une ori­gine : la poli­tique inau­gu­rée à la fin des années 1970 de limi­ta­tion de l’accès aux études médi­cales. Les gou­ver­ne­ments l’ont affir­mé long­temps : moins de per­son­nels soi­gnants, moins de pres­crip­tions et moins de dépenses pour la Sécu.

Formation professionnelle

Les per­son­nels ne res­tent pas à l’hôpital. Cer­tains, si. Dont l’hôpital pour­rait béné­fi­cier. Ain­si, des AS pour­raient pas­ser ASH, des ASH infir­miers… à condi­tion de pou­voir se for­mer. Une pos­si­bi­li­té de recru­ter par pro­mo­tion interne blo­quée faute de finan­ce­ment et d’organisation de la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle.

Delegues-CGT-hopital-Voiron/
Fabien Vel­le­ment et Ber­nard Ravil, élus CGT du per­son­nel.

Tout neuf et en souffrance de sous-effectif

L’hôpital neuf de Voiron est en fonction depuis le 7 septembre. Un établissement intégré au CHU de Grenoble qui ne peut tourner à plein régime. Faute de médecins et de personnels soignants.

Vingt ans. Il aura fal­lu vingt ans pour que le Voi­ron­nais dis­pose de l’hôpital neuf dont on avait com­men­cé à par­ler à la fin du siècle der­nier. Vingt années de galère, d’abord, pour les per­son­nels et les patients. Avec des ser­vices héber­gés dans des pré­fa­bri­qués, des inves­tis­se­ments dif­fé­rés ou des chan­ge­ments de concep­tion du pro­jet…

Celui de la place du pri­vé dans l’établissement, notam­ment. Après dif­fé­rentes péri­pé­ties, le gou­ver­ne­ment Hol­lande décide en 2015 d’intégrer la cli­nique pri­vée de Char­treuse dans le pro­jet du futur bâti­ment. Elle devait y dis­po­ser d’un accès aux blocs opé­ra­toires, de trente lits d’hospitalisation et de vingt lits de soins de suite. Le tout sous l’égide d’un par­te­na­riat public pri­vé.

En 2018, l’agence régio­nale de san­té condi­tionne les finan­ce­ments à la fusion de l’hôpital de Voi­ron et du CHU de Gre­noble. La cli­nique de Char­treuse est pro­prié­té de la cli­nique mutua­liste de Gre­noble depuis 2010. La Mut’ passe sous le contrôle d’un groupe pri­vé en 2019. C’est là que l’ARS et la nou­velle direc­tion du CHU gre­no­blois décident d’arrêter les frais : l’hôpital de Voi­ron est construit sans la cli­nique de Char­treuse.

« Entre la fusion et l’absence de la cli­nique, nous dis­po­sons d’un hôpi­tal construit en fonc­tion d’une réa­li­té qui n’existe plus », constatent Fabien Vel­le­ment, secré­taire du syn­di­cat CGT et élu du per­son­nel, et Ber­nard Ravil, élu CGT. Sous-effec­tif oblige, quatre salles d’opération sur dix ne fonc­tionnent pas et des chambres d’hospitalisation sont dis­po­nibles. Le tout dans un contexte – ici comme ailleurs – où le nombre de lits de l’hôpital neuf est pour­tant pas­sé de 370 annon­cés dans les années 2000 à 288 en 2018 et 229 à l’ouverture, aujourd’hui. Avec des sup­pres­sions de poste : pri­va­ti­sa­tion du net­toyage, par exemple, l’équivalent de cin­quante emplois.

Aujourd’hui, l’heure est à la mise en route de l’hôpital, ouvert depuis le 7 sep­tembre. « Il y a un tas de choses qui ne fonc­tionnent pas comme ça devrait », sou­ligne Fabien Vel­le­ment.

Les syn­di­ca­listes veulent éga­le­ment anti­ci­per les suites de la fusion avec le CHU. « La mobi­li­sa­tion syn­di­cale lors de la négo­cia­tion sur la fusion nous a per­mis d’obtenir 140 titu­la­ri­sa­tions de contrac­tuels pour le CHU, sou­ligne Ber­nard Ravil, la garan­tie que les per­son­nels ne seraient pas contraints d’aller tra­vailler à Gre­noble et un accord sur le temps de tra­vail à Voi­ron. Nous allons nous battre pour conser­ver ces acquis ».

Urgence

Le ser­vices des urgences de Voi­ron est pré­vu pour fonc­tion­ner avec dix-huit méde­cins. L’été der­nier, il a par­fois dû se débrouiller avec neuf méde­cins. Faute de pos­si­bi­li­té de recru­te­ment. Il a donc fal­lu adap­ter son acti­vi­té. Fer­mer des lits et trans­fé­rer des patients. Il y a urgence, effec­ti­ve­ment. Celle du recru­te­ment, à Voi­ron comme dans l’ensemble des éta­blis­se­ments du CHU de Gre­noble.

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