Jacqueline Zanichelli : un pilier de la section Matheysine-Trièves disparaît

Par Travailleur Alpin

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Jacqueline Zanichelli, militante communiste et engagée dans de multiples luttes, aura milité durant toute sa vie. © Stéphane Tourné
Les communistes de Matheysine et du Trièves sont en deuil. Leur doyenne, Jacqueline Zanichelli, est décédée à l’âge de 93 ans, le 6 décembre dernier. Jusqu’à la courte mais foudroyante maladie qui l’a emportée en quelques mois, elle a consacré l’essentiel de son activité au militantisme sous toutes ses formes.

Jac­que­line Zani­chel­li a sans doute pui­sé les sources de son enga­ge­ment social et poli­tique dans l’expérience pré­coce, vécue au cours de son enfance, lors du second conflit mon­dial, dans la modeste exploi­ta­tion agri­cole des ses grands-parents, au hameau iso­lé et dif­fi­cile d’accès de l’Echarenne (com­mune de Saint-Sébas­tien en Trièves), accro­ché aux flancs abrupts des gorges du Drac.

En cette période de troubles intenses, elle y par­tage la vie des familles juives venues se réfu­gier dans une région illu­soi­re­ment répu­tée moins dan­ge­reuse que la zone occu­pée par la Wehr­macht, pour ten­ter d’échapper à la bar­ba­rie nazie. Elle y côtoie éga­le­ment les réfu­giées répu­bli­cains espa­gnols de la Reti­ra­da, inter­nés du Grou­pe­ment de tra­vailleurs étran­gers 539 de Corps, contraints au tra­vail for­cé sur le chan­tier tout proche de l’usine hydro­élec­trique de Cor­déac, qui viennent dès que pos­sible chez ses grands-parents cher­cher un com­plé­ment ali­men­taire indis­pen­sable et un peu de la cha­leur humaine dont ils sont pro­digues. Y séjournent aus­si, par­fois, pour de brefs temps de répit, cer­tains résis­tants, pour­chas­sés et contraints à la clan­des­ti­ni­té.

Engagée en faveur de l’éducation pour tous

Témoin atten­tif des évè­ne­ments tra­giques de cette période, pro­fon­dé­ment mar­quée par ces exemples d’engagement per­son­nel et col­lec­tif, de soli­da­ri­té active, elle com­mence à construire ce que seront ses enga­ge­ments poli­tiques et sociaux.

Le pre­mier, celui de l’éducation pour tous, la conduit à opter pour une car­rière dans l’enseignement. Elle sera ins­ti­tu­trice. Pre­mières expé­riences éprou­vantes, dans l’isolement des mon­tagnes de l’Oisans, puis dans les cités minières de Sus­ville, où elle conforte ses choix, au sein de groupes sociaux que soude une néces­saire soli­da­ri­té, dic­tée par la pré­ca­ri­té et l’adversité.

Pour Jac­que­line, l’enseignement ne se limite pas aux horaires sco­laires. Elle s’engage suc­ces­si­ve­ment ou simul­ta­né­ment dans le sou­tien sco­laire, la pro­mo­tion de la lec­ture et l’animation en direc­tion des enfants à la biblio­thèque de la Mai­son pour tous (MPT) de Sus­ville, l’organisation des acti­vi­tés péri­sco­laires et des vacances, au sein des CEMEA, l’action cultu­relle sous toutes ses formes…

Si, pour elle, l’école est éman­ci­pa­trice, elle doit aus­si être défen­due contre les inces­santes attaques réac­tion­naires. C’est le sens de son enga­ge­ment syn­di­cal et celui de la lutte au pied à pied à laquelle elle par­ti­cipe très acti­ve­ment, notam­ment aux côtés des élus com­mu­nistes locaux, tout au long de la période qui voit se mul­ti­plier les fer­me­tures de classes et d’écoles rurales.

Militante communiste, pour l’union de la gauche

En effet, pour l’adhérente du PCF, qui intègre très vite la direc­tion de la sec­tion de La Mure, la pré­sence agis­sante des mili­tants com­mu­nistes au sein de toutes les luttes sociales et de toutes les formes de regrou­pe­ment reven­di­ca­tif et pro­gres­siste est la clef indis­pen­sable de leur suc­cès et du rayon­ne­ment idéo­lo­gique du Par­ti.

En toutes cir­cons­tances, recherche de l’union la plus éten­due, élar­gis­se­ment de la sphère d’influence, dépas­se­ment du sec­ta­risme sont ses lignes de conduite. En découle son enga­ge­ment total et incon­di­tion­nel dans toutes les ten­ta­tives d’union de la gauche. Sans oublier quelques vigou­reux débats au sein de la sec­tion… et de nom­breuses dés­illu­sions qui ne par­viennent tou­te­fois jamais à éteindre dura­ble­ment son opti­misme en la matière.

Le tra­vail mili­tant de ter­rain, à la base, au contact direct de la popu­la­tion, au sein des diverses com­mu­nau­tés locales, est l’affaire de Jac­que­line. Les charges élec­tives ne l’attirent pas par­ti­cu­liè­re­ment, bien qu’elle ait, par dis­ci­pline, assu­mé pen­dant deux man­dats les peu gra­ti­fiantes fonc­tions de conseillère muni­ci­pale d’opposition à La Mure.

Jac­que­line Zani­chel­li était la doyenne de la sec­tion PCF locale, connue et appré­ciée de tous les com­mu­nistes de la Mathey­sine et du Trièves. © Sté­phane Tour­né

Le recru­te­ment de nou­veaux adhé­rents, la dif­fu­sion mili­tante de la presse com­mu­niste et notam­ment de l’Humanité dimanche dont elle a assu­ré la coor­di­na­tion pen­dant de longues années, la mise en œuvre des actions de finan­ce­ment et de visi­bi­li­sa­tion du par­ti (lotos, bals, pré­sence aux mani­fes­ta­tions locales, fête annuelle de la sec­tion, au bord du lac de Pierre-Châ­tel, d’abord, puis au col de Malis­sol) consti­tuent les domaines où elle s’illustre tout par­ti­cu­liè­re­ment. Sa proxi­mi­té avec les diverses couches de la popu­la­tion locale, la mul­ti­tude de ses enga­ge­ments, en font une per­son­na­li­té incon­tour­nable, connue et appré­ciée de beau­coup. Pen­dant de nom­breuses années, elle consacre plu­sieurs semaines, au prin­temps, en com­pa­gnie notam­ment de son com­plice Paul Moi­sand, à faire de longues tour­nées à domi­cile et chez les arti­sans et com­mer­çants pour y pla­cer les car­nets de la tom­bo­la qui assure à la sec­tion une grande par­tie de ses moyens finan­ciers. Per­sonne n’a jamais éga­lé le mon­tant de leur col­lecte.

De toutes les luttes

Pré­sente à leurs côtés, tout au long des mul­tiples luttes des mineurs, en par­ti­cu­lier pour la pour­suite de l’activité des houillères, Jac­que­line res­sent, indi­rec­te­ment mais dure­ment les effets de déprise éco­no­mique et sociale résul­tant de l’arrêt de l’exploitation. Elle redouble d’activité, avec ses cama­rades, pour ten­ter d’en atté­nuer les effets.

Ces der­nières années, pro­fon­dé­ment tou­chée et révol­tée par le sort réser­vé aux per­sonnes chas­sées de leur pays par la guerre et la misère, et les dérives racistes et xéno­phobes de notre socié­té, elle s’engage sans comp­ter auprès du col­lec­tif mathey­sin d’aide aux migrants. Elle ne se limite pas à l’hébergement tem­po­raire, à son domi­cile, de nombre d’entre eux, mais assure éga­le­ment un sui­vi social et cultu­rel. Les très émou­vants témoi­gnages éma­nant de per­sonnes de toutes natio­na­li­tés qu’elle a accueillies, lors de ses obsèques, en attestent.

Fidèle à son Par­ti et à ses convic­tions, elle a mili­té jusqu’à ses der­nières forces.

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