Soitec. Fronde syndicale unanime à Bernin contre l’augmentation du directeur général
Par Manuel Pavard
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« Les quatre syndicats qui se mettent d’accord, c’est quasiment historique. Ce n’est arrivé qu’une fois et ça date, c’était pour les actions gratuites de nos dirigeants » (NDLR : en 2019). Fabrice Lallement, délégué syndical CGT chez Soitec, insiste sur l’importance du moment. Un front commun syndical qui s’est constitué spontanément face à la décision prise du conseil d’administration. Et qui a conduit une centaine de salariés à se rassembler durant la pause méridienne, ce mercredi 18 juin, à l’entrée du site de Bernin.
En cause, « l’augmentation scandaleuse », selon l’intersyndicale, de la rémunération du directeur général Pierre Barnabé. Un point figurant dans le rapport annuel de Soitec, publié le 11 juin en vue de l’assemblée générale des actionnaires, qui devra valider, le 22 juillet prochain, l’ensemble des résolutions.

Dans le détail, ces mesures comprennent premièrement une augmentation de 10 % de la rémunération fixe, la portant à 583 000 euros annuels. Et ce, après une précédente hausse de 10 % déjà accordée l’année passée. S’y ajoutent « 150 % d’actions gratuites sur critères de performances (soit un total évalué à 2,3 millions d’euros) et une prime exceptionnelle correspondant à 100 % de son salaire de base », précise Vivien Renauld, délégué syndical CFE-CGC. Sans oublier un bonus de 318 000 euros versé pour l’exercice 2024–2025.
« Deux mondes » et un « décalage énorme »
Pour Fabrice Lallement, le pactole offert au directeur général « pose problème sur le fond et sur la forme ». Représentant du CSE au conseil d’administration, il raconte ainsi avoir eu « des documents avant le conseil d’administration, qui n’incluaient pas cette résolution et ces évolutions des éléments de rémunération. On reproche à nos dirigeants d’avoir eu connaissance de cette info et de ne pas avoir créé les conditions pour qu’on puisse échanger et leur expliquer ce décalage énorme avec les NAO », ajoute-t-il.
Le hasard faisant parfois mal les choses, l’annonce de cette augmentation intervient en effet au moment où se tiennent les négociations annuelles obligatoires (NAO). « On ne peut pas décorréler les deux. La temporalité n’est vraiment pas bonne », souligne Vivien Renauld. « Entre nos NAO à 2,2 %, et même désormais à 2,5 % d’augmentation individuelle, et notre directeur général pour qui ça se compte en millions d’euros, il y a deux mondes », abonde son collègue de la CGT.
Des résultats en baisse pour Soitec
Nommé en 2022, Pierre Barnabé arrivera à la fin de son mandat en 2026. « Son ‘équipe rapprochée’ justifie ces augmentations comme autant de gestes de nature à le convaincre de continuer pour un nouveau mandat », indique l’intersyndicale. Pourtant, « si on fait le bilan des résultats de Soitec depuis qu’il est là, ce n’est pas mirobolant », confie Fabrice Lallement. Le tout dans un contexte global délicat pour la filière microélectronique, comme l’illustrent les difficultés de STMicroelectronics. Des turbulences n’ayant pas épargné Soitec, qui vient de publier des résultats en baisse (un chiffre d’affaires annuel en recul de 9 %) et en-deçà des prévisions.

Décidée à jouer toutes ses cartes, l’intersyndicale a en outre décidé « d’interpeller les deux actionnaires de référence représentant l’État français au capital de Soitec, Bpifrance et le CEA, pour les exhorter à voter contre ces résolutions à l’assemblée générale des actionnaires, ultime étape pour bloquer ce projet », explique-t-elle.
Les salariés rassemblés ce mercredi 18 juin, devant l’usine de Bernin, s’insurgeaient d’ailleurs unanimement contre ces mesures « totalement injustifiées », acceptant mal de se serrer la ceinture au regard des montants accordés à leur directeur général. Et pour entrer en résistance, rien de tel qu’un appel du 18 juin…