Vencorex en redressement judiciaire : la CGT fixe son « plan de bataille » et appelle à une manifestation nationale le 1er octobre à Pont-de-Claix

Par Manuel Pavard

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Les représentants des syndicats CGT des plateformes chimiques de Pont-de-Claix et Jarrie, de l'UD et de la FNIC se sont réunis ce jeudi 12 septembre à Grenoble.
Deux jours après le placement en redressement judiciaire de Vencorex, le collectif des syndicats CGT s'est réuni, ce jeudi 12 septembre, à l'union départementale, à Grenoble. L'occasion d'établir un "plan de bataille" impliquant salariés des plateformes chimiques de Pont-de-Claix et Jarrie, habitants, élus locaux et pouvoirs publics. La CGT appellera ainsi à la grève le 1er octobre, ainsi qu'à une grande manifestation à Pont-de-Claix, à laquelle sont conviés les salariés des industries chimiques de la France entière. Mais avant cela, les représentants syndicaux seront reçus à Bercy, ce lundi 16 septembre.

Depuis le dépôt par Ven­co­rex de sa décla­ra­tion de ces­sa­tion de paie­ments, ven­dre­di 6 sep­tembre, la pro­chaine étape ne fai­sait guère de doute. Sans sur­prise, l’en­tre­prise a donc été pla­cée en redres­se­ment judi­ciaire par le tri­bu­nal de Lyon, ce mar­di 10 sep­tembre. Déjà pré­pa­ré depuis plu­sieurs jours à cette éven­tua­li­té, le col­lec­tif des syn­di­cats CGT a « pris acte » de la mesure.

Regrou­pant les repré­sen­tants CGT des pla­te­formes chi­miques de Pont-de-Claix et de Jar­rie, l’u­nion dépar­te­men­tale CGT Isère et la Fédé­ra­tion natio­nale des indus­tries chi­miques (FNIC) CGT, celui-ci s’est réuni ce jeu­di 12 sep­tembre dans les locaux de l’UD, à la bourse du tra­vail de Gre­noble. Un ren­dez-vous fixé de longue date mais dont l’ordre du jour s’est retrou­vé cham­bou­lé par les der­niers évè­ne­ments.

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Hubert Fran­chi (pla­te­forme de Jar­rie), Adrien Poi­rieux (FNIC), Nico­las Benoît (UD CGT), Denis Car­ré (pla­te­forme de Pont-de-Claix).

De fait, sala­riés et syn­di­ca­listes affirment avoir été « menés en bateau » par la direc­tion et l’actionnaire, le groupe thaï­lan­dais PTT Glo­bal Che­mi­cal. « Jusqu’à fin juillet, on n’avait pas connais­sance de la ces­sa­tion de paie­ments de Ven­co­rex », rap­pelle Denis Car­ré, délé­gué CGT de la pla­te­forme chi­mique de Pont-de-Claix. « Pour nous, il y avait peut-être une restruc­tu­ra­tion à faire », pour­suit-il, mais une telle issue n’était alors pas évo­quée ouver­te­ment.

Néan­moins, ceux-ci ne tombent pas pour autant des nues. Les dif­fi­cul­tés éco­no­miques de Ven­co­rex — qui pro­duit des iso­cya­nates, uti­li­sés pour les revê­te­ments (pein­tures, ver­nis…) — se sont en effet aggra­vées au cours des der­niers mois, mal­gré un plan d’économies de 53 mil­lions d’euros. Les der­niers chiffres fai­saient ain­si état de pertes pré­vi­sion­nelles de 80 mil­lions d’euros à la fin 2024. En cause prin­ci­pa­le­ment, la concur­rence asia­tique sur le mar­ché et le « dum­ping social » pra­ti­qué par les socié­tés chi­noises.

Le 1er octobre, véritable « point de démarrage » de la lutte

Pour la CGT, l’objectif de la réunion syn­di­cale, ce jeu­di, était donc d’élaborer un « plan de bataille ». Celui-ci « implique les sala­riés des entre­prises concer­nées mais s’appuiera éga­le­ment sur les habi­tants du sec­teur, les élus locaux ain­si que les pou­voirs publics », explique-t-elle. Une riposte à la hau­teur de l’enjeu. Car pour le syn­di­cat, il ne s’agit pas seule­ment de sau­ver les emplois des 500 sala­riés de Ven­co­rex — dont 420 dans l’usine de Pont-de-Claix, prin­ci­pal opé­ra­teur de la pla­te­forme chi­mique.

Plateforme
Les pla­te­formes chi­miques emploient 1 000 sala­riés aux­quels s’a­joutent 5 000 emplois induits.

C’est bien, plus lar­ge­ment, « l’avenir des 1 000 sala­riés des deux pla­te­formes et des 5 000 emplois induits du bas­sin sud gre­no­blois » qui se joue aujourd’hui, indique la CGT. Laquelle entend se battre « pour le main­tien com­plet des acti­vi­tés pré­sentes sur le ter­ri­toire », et donc pour la sau­ve­garde de l’en­semble de la chi­mie gre­no­bloise. Ceci, du fait de l’interdépendance des acti­vi­tés au sein des deux sites isé­rois, qui fait craindre aux syn­di­ca­listes un « effet domi­no », comme une pos­sible fer­me­ture pour Arke­ma.Quid de ce fameux plan de bataille ? La CGT réclame de nou­veau « la mise en place d’un comi­té de pilo­tage » ras­sem­blant les repré­sen­tants des sala­riés, des direc­tions, des pou­voirs publics et les élus locaux. Mais aus­si la mise en œuvre « d’expertises éco­no­miques dans chaque struc­ture concer­née, afin de faire la lumière sur les impacts directs et indi­rects d’une fer­me­ture poten­tielle de Ven­co­rex ».

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Les délé­gués CGT ont fixé un « plan de bataille » mobi­li­sant sala­riés, habi­tants et élus.

Le syn­di­cat a éga­le­ment déci­dé d’organiser des assem­blées géné­rales dans les pro­chains jours pour infor­mer les sala­riés des entre­prises concer­nées et « défi­nir les contours de la lutte à venir ». Un échauf­fe­ment avant la pro­chaine échéance majeure, annon­cée comme le véri­table temps fort et moment pivot de ce com­bat : la grande jour­née de mobi­li­sa­tion natio­nale du 1er octobre.

La FNIC CGT lance en effet un appel à la grève et à une « mani­fes­ta­tion d’envergure », ce jour-là, dans la com­mune isé­roise. « L’ensemble des syn­di­cats CGT et des sala­riés des indus­tries chi­miques de toute la France sont appe­lés à conver­ger devant la pla­te­forme chi­mique de Pont-de-Claix », le 1er octobre, annonce Adrien Poi­rieux, réfé­rent dépar­te­men­tal de la fédé­ra­tion. « Cette jour­née sera le point de démar­rage des actions que nous serons ame­nés à orga­ni­ser sur le ter­ri­toire », pré­cise la CGT.

Bourse-CGT/
La réunion syn­di­cale s’est dérou­lée à l’UD CGT, à la bourse du tra­vail.

D’ici là, les dis­cus­sions se pour­sui­vront éga­le­ment avec les auto­ri­tés. Ce lun­di 16 sep­tembre, à 14h, les res­pon­sables syn­di­caux sont ain­si conviés à une réunion au minis­tère de l’Économie et des Finances, avec la ferme inten­tion de pou­voir « peser dans les dis­cus­sions concer­nant l’avenir des sites chi­miques ».

La CGT a aus­si noué, depuis plu­sieurs mois, des contacts avec des par­le­men­taires isé­rois de gauche, qui ont adres­sé « une lettre au pré­fet, res­tée sans réponse, pour récla­mer un comi­té de pilo­tage ». Et ce mer­cre­di 11 sep­tembre, le séna­teur éco­lo­giste Guillaume Gon­tard, les dépu­tées du Nou­veau Front popu­laire Cyrielle Cha­te­lain et Marie-Noëlle Bat­tis­tel, le pré­sident de la Métro­pole (et maire de Pont-de-Claix) Chris­tophe Fer­ra­ri et le maire de Jar­rie Raphaël Guer­re­ro ont de nou­veau inter­pel­lé l’É­tat, cette fois via un cour­rier adres­sé à Michel Bar­nier.

Ils alertent le Pre­mier ministre sur « la situa­tion très pré­oc­cu­pante de la filière chi­mique sud-gre­no­bloise », à laquelle le pla­ce­ment en redres­se­ment judi­ciaire de l’u­sine Ven­co­rex de Pont-de-Claix « fait cou­rir un risque majeur ». Pour les élus, « l’urgence de cette situa­tion appelle une réponse rapide de l’É­tat, afin de trou­ver des solu­tions de reprise pour cette entre­prise ». Ils sou­haitent « être infor­més dans la durée » des négo­cia­tions.

Vague de démissions chez Vencorex

Quant à l’avenir de Ven­co­rex et plus glo­ba­le­ment de la chi­mie du sud gre­no­blois, celui-ci reste plus que jamais en sus­pens aujourd’hui. Si diverses rumeurs courent au sujet d’un éven­tuel repre­neur, rien n’est confir­mé à ce stade. « Dans une socié­té capi­ta­liste, on n’a pas la main sur ce choix », déplore Adrien Poi­rieux. « Der­niè­re­ment, c’était un Thaï­lan­dais, demain ce sera peut-être un Chi­nois… Si on était dans une socié­té avec un contrôle ouvrier, en lien avec ces sub­ven­tions don­nées par l’État — donc par le contri­buable -, on pour­rait avoir notre mot à dire », regrette-t-il.

L’incertitude entou­rant la péren­ni­té des acti­vi­tés a en tout cas entraî­né une vague de démis­sions chez Ven­co­rex. Les chiffres à cet égard sont édi­fiants. Entre l’avant et l’après-Covid, on est ain­si pas­sé de 1,8 à 12 % de sala­riés démis­sion­nant chaque année, le plus sou­vent pour rejoindre la concur­rence.

Ceux qui res­tent sont quant à eux déter­mi­nés à tout ten­ter pour s’opposer aux fer­me­tures de sites et aux licen­cie­ments. Et ce, en mobi­li­sant à leurs côtés une par­tie de la popu­la­tion. Dans les faits, sou­ligne Denis Car­ré, « 5 000 emplois, ce sont poten­tiel­le­ment 5 000 hommes ou femmes qui vont avec [NDLR : les com­pa­gnons ou com­pagnes des sala­riés], sans comp­ter les enfants ». Beau­coup pos­sèdent en outre « un père, un oncle ou un grand-père » ayant tra­vaillé sur une pla­te­forme chi­mique. C’est tout un pan de l’histoire ouvrière du ter­ri­toire qui se retrouve mena­cé…

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