Hôtel du libre-échange, de Georges Feydeau. À voir à la MC2 du 11 au 14 mars à 20h
Par Régine Hausermann
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Le décor de l’acte II
C’est sur ce défi que travaille l’équipe qui doit régler 197 entrées et sorties, rien que pour cet acte. Les trois murs sont dressés, recouverts de lettres de grandes taille. Très vite, on s’aperçoit qu’il s’agit des didascalies du 2e acte. Emmanuel Clolus explique les interrogations de l’équipe et ses choix. « Comment à partir des descriptions scéniques figurant au début de chaque acte, saisir la mécanique conçue par Feydeau , afin d’en extraire l’essence même de la pièce en la nettoyant de toutes scories visuelles propres à la décoration. » Donc faire le tri dans les didascalies, alléger le décor et privilégier le rythme. « Comment respecter la pièce sans en faire une reconstitution historique ? Comment raconter l’œuvre sans la trahir ? »

Visite des coulisses
Des matelas et des sommiers par terre, une table, des chaises, un service à thé, des vêtements sur un portant … Les actes I et III se déroulent dans le même lieu, un espace salon avec un endroit de travail. Le décor de l’acte II est plus complexe car il se compose de trois espaces scéniques visibles de tous : deux chambres entourant un palier central relié par des portes. Comme les circulations sont d’une extrême précision, tout l’enjeu est de permettre au public d’avoir accès à l’ampleur du jeu des acteurs. Donc pas de changements de décor derrière des rideaux de scène, pas d’entracte. Le scénographe et l’équipe ont privilégié le plaisir du public à se laisser entraîner dans la machine théâtrale.
Pourquoi revenir à Feydeau ?
Il y a vingt ans, Stanislas Nordey a mis en scène une autre pièce de Feydeau, La Puce à l’oreille, séduit par l’art de « cet amoureux fou de la scène, son sens de l’absurde quasi surréaliste par moments ». Écrivain mais aussi metteur en scène, sa curiosité était sans bornes, que ce soit à propos de l’art de l’acteur, de la machinerie théâtrale, de l’architecture de la langue.
« Pour mon retour en compagnie, après neuf années passées à diriger le Théâtre National de Strasbourg, j’ai décidé de m’attacher à L’Hôtel du Libre-Échange, autre sommet de son œuvre. » Avec la même équipe de création : Emmanuel Clolus pour la scénographie, Raoul Fernandez pour les costumes et Loïc Touzé pour la chorégraphie.
« Le projet est ambitieux par son ampleur (14 comédien.ne.s au plateau, un décor à transformation, une trentaine de costumes). Il y a pour moi un enjeu double : le plaisir de proposer aux partenaires et aux publics un spectacle complet, visuellement fort, et également de se battre pour que des projets de ce type puissent encore exister en un temps où l’on sait bien que, face à la raréfaction des moyens, la tentation est forte de ne s’engager que sur des projets dits raisonnables. »
L’Hôtel du Libre-Échange suit les pérégrinations de deux couples d’amis, les Pinglet et les Paillardin pris dans une mécanique d’adultère délirante. Le génie de Feydeau tient à sa façon de faire voler en éclats toutes les règles de la logique tout en s’attelant à dépeindre des situations amoureuses complexes. Monsieur Pinglet et Madame Paillardin ont une sexualité débordante, leurs conjoints pas du tout, et à partir de ce constat, les cartes sont rebattues à l’envi par un Feydeau déchaîné.
« Chez Feydeau, le sexe est très important nous confie le metteur en scène lorsque nous passons près des matelas en coulisses. La figure féminine est centrale. Les femmes mènent les hommes par le bout du nez. Feydeau a d’ailleurs été censuré pour oser des termes trop crus ! »

Durée 2h45. Tarif de 5 à 33 €. A partir de 14 ans
Après sa création à Grenoble, la pièce partira en tournée
Du 19 au 22 mars à Bonlieu – Scène nationale Annecy
Les 27 et 28 mars à Malraux – Scène nationale Chambéry-Savoie
Du 3 au 11 avril – Théâtre de la Cité – CDN Toulouse Occitanie
Du 6 mai au 16 juin – Odéon – Théâtre de l’Europe, Paris