Nord-Isère. Les salariés de Carrefour ne sont pas à vendre ni à louer !
Par Didier Gosselin
/
Depuis 2018, le groupe Carrefour cède la plupart de ses magasins en location-gérance : 280 magasins, 185 supermarchés et 95 hypermarchés, alors que Carrefour vient de racheter 60 hypermarchés Cora, 115 supermarchés Match et 11 hypermarchés Casino.
La finalité de ce projet, dit de « redressement du groupe », imposé par les actionnaires, est de réduire les coûts pour augmenter les dividendes. En quatre ans, le PDG Alexandre Bompard a mis en place une stratégie qui s’est traduite par : des suppressions massives des postes (dans les sièges) ; des plans de productivité dans les magasins qui ont considérablement dégradé les conditions de travail des milliers de salariés, comme le projet TOP (gestion forcenée des équipes de magasin) pour lequel Carrefour a été condamné ; une diminution significative des investissements ; une généralisation de la location gérance des magasins.
« On va appauvrir un peu plus des salariés qui l’étaient déjà »
Nicolas Proietti, délégué CGT de Carrefour L’Isle‑d’Abeau, dénonce « une politique de management criminel, dans le sens où on va appauvrir un peu plus des salariés qui l’étaient déjà ». En effet, précise-t-il, « on va être cédé à un repreneur et ce sera lui désormais qui nous rémunérera. Carrefour nous lâche et s’occupera juste de récupérer les bénéfices. J’appelle ça de l’esclavage moderne ! », s’indigne le syndicaliste.
Selon ce dernier, « la perte estimée pour les salariés de Carrefour s’élèvera entre 2000 et 2500 euros annuels, ce qui revient à travailler gratuitement deux jours par mois. Et ce, sans compter la probable augmentation de la mutuelle, voire la remise en cause de tous les acquis sociaux comme la sixième semaine de congés, les jours de carence ou d’enfant malade… », souligne-t-il.
Nicolas Proietti s’appuie sur les retours de terrain depuis que Carrefour a mis en location-gérance nombre de magasins depuis six ans un peu partout en France : « Ce sont les salariés des magasins passés en location-gérance qui nous font remonter les effets sociaux de la stratégie patronale. » Le repreneur, dont on ne connaît pas le nom pour l’instant, « ne pourra, pour gagner de l’argent, que faire pression sur la masse salariale et les quelques acquis sociaux », explique le délégué CGT.
« Notre objectif, au-delà de cette journée d’action et d’information, c’est d’organiser la lutte en s’appuyant sur les accords de branche, celle du commerce, plus que sur la convention collective de Carrefour, pour négocier avec l’aide et l’appui des salariés afin de perdre le moins possible », conclut Nicolas Proietti, qui ne craint pas d’évoquer le risque d’un grave déclassement des salariés.
Au cours de cette action, les militants CGT de Carrefour ont reçu le soutien de leurs camarades d’autres filières ou entreprises. Sans oublier celui de militants des partis de gauche, notamment des communistes venus en nombre.
Mobilisation également à Carrefour Salaise-sur-Sanne
Venues de Givors, L’Isle-d’Abeau, Meylan, Aix-en-Provence ou encore de Vitrolles, les délégations CGT du groupe Carrefour ont apporté leur soutien aux salarié-es de l’établissement de Salaise-sur-Sanne, en grève ce jeudi 30 janvier contre le plan de location-gérance. Nationalement, ce sont quinze magasins qui sont concernés cette année. Des membres de l’union locale de Roussillon/Beaurepaire ainsi que le maire de la commune, Gilles Vial, étaient présents.
Le PDG et les actionnaires de ce groupe en veulent toujours plus dans leurs portefeuilles. Les capitalistes n’hésitent pas à utiliser tous les stratagèmes et tous les moyens pour augmenter leurs dividendes. Cette location-gérance — pour ne pas dire vente — est en fait un plan social économique (PSE) déguisé qui va induire, au delà de la baisse des effectifs, la perte de conquis sociaux : perte de deux semaines de congés payés ; perte de salaire estimée à 2500 euros annuellement, due au changement de convention collective ; perte de deux jours rémunérés d’absence pour enfant malade ; augmentation du tarif de la mutuelle de 40 euros par mois.
La manifestation d’une cinquantaine de syndiqué-es a circulé dans le magasin au son de tambours et cornes de brume, appelant les salarié-es à se mettre en grève… Malheureusement sans grand résultat. Les salarié-es au travail qui ont bien voulu répondre à notre demande ont parlé de dégout, abattement, découragement. Ils attendent avec angoisse de connaître le sort qui leur sera réservé.
Daniel Oriol