« Urgence industrie » : journée de lutte à Grenoble et Pont-de-Claix
Par Manuel Pavard
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« Jusqu’à 3 000 emplois directs menacés » dans le département, dont quelque 450 pour la seule entreprise de Vencorex, où la grève perdure maintenant depuis plus de cinquante jours. Des chiffres éloquents, qui illustrent parfaitement l’intitulé de cette journée de mobilisation nationale organisée par la CGT, ce jeudi 12 décembre, en Isère comme dans toute la France. « Urgence industrie » car « il y a urgence à réagir et à avoir une vraie politique industrielle », assène Nicolas Benoit, secrétaire général de l’UD CGT Isère, qui liste les nombreux dossiers locaux : « Vencorex, Arkema, mais aussi Valeo, Photowatt, TeamTex-Logiplast. »
Parmi les manifestants réunis ce jeudi midi devant la préfecture, les salariés des plateformes chimiques de Pont-de-Claix et de Jarrie sont les plus représentés. Rien d’étonnant tant leur combat est emblématique de la résistance de cette classe ouvrière qui refuse de céder face au capitalisme destructeur de l’industrie. À leurs côtés, des salariés d’autres sites, comme Vencorex Saint-Fons (Rhône), et d’autres entreprises en difficulté, à l’instar d’Atos, ainsi que des agents de la fonction publique. Lesquels ont rejoint leurs camarades sur la place de Verdun, au terme de la manifestation pour la défense des services publics, à l’appel de la CGT, Solidaires, la FSU et la CNT.
Au micro, Nicolas Benoit pointe les conséquences de cette casse industrielle. À savoir « des familles dans l’incertitude, avec des impacts sociaux profonds, des difficultés financières, des conséquences environnementales et des bilans carbone alourdis ». Sans oublier « les menaces pour la souveraineté de notre pays, la perte de contrôle de nos secteurs clés, de notre économie, et des pertes de savoir-faire », ajoute-t-il.
Une offre de reprise améliorée mais « insuffisante »
Dans ce contexte, « l’État ne joue pas son rôle de garant non plus. Au contraire, il aggrave la situation », accuse le responsable syndical, qui fustige les « 260 milliards d’argent public » à destination des entreprises, « sans contrepartie ». Le bilan d’Emmanuel Macron depuis son premier mandat ? « Sept ans de cadeaux fiscaux aux multinationales », dénonce-t-il. « C’est une honte ! »
Arrêt des délocalisations, relocalisation de la production, lutte contre le dumping social, moratoire sur les licenciements, mise en place d’une véritable stratégie industrielle… Reçue dans la matinée par le directeur de cabinet de la préfète, la délégation de la CGT a défendu l’ensemble de ces revendications, réclamant également l’ouverture d’assises de l’industrie.
Concernant Vencorex, BorsodChem, filiale du groupe chinois Wanhua et seul repreneur déclaré, vient de présenter une offre de reprise légèrement améliorée. La société hongroise propose ainsi désormais de reprendre 54 salariés au sein de l’atelier tolonate — contre 25 initialement. Une offre jugée « insuffisante » par les représentants syndicaux.
« On en appelle à la nationalisation de l’entreprise car c’est la seule solution pour sauver Vencorex et toute la filière de la chimie », explique Séverine Dejoux, élue CGT au CSE. La proposition, défendue successivement par Sophie Binet, Philippe Poutou ou encore Fabien Roussel lors de leur venue sur le piquet de grève, fait aujourd’hui l’unanimité parmi les syndicats comme les élus locaux de gauche, qui prônent a minima une nationalisation temporaire.
Présents au rassemblement, le sénateur écologiste Guillaume Gontard et le président de la Métropole Christophe Ferrari, par ailleurs maire de Pont-de-Claix, ont de nouveau plaidé en ce sens. La nationalisation, estiment les deux hommes, « coûterait 300 millions d’euros ». Mais, en cas de fermeture de Vencorex, « le démantèlement, la dépollution, le coût social, c’est plusieurs milliards », assurent-ils.
Enjeu financier et environnemental
Séverine Dejoux insiste d’ailleurs elle aussi sur ce double enjeu, financier et environnemental, lié à la dépollution. « On va laisser à la population environnante une friche industrielle complètement polluée qui ne sera pas prise en charge par les industriels parce qu’ils vont se sauver comme des malpropres et fermer la porte », s’insurge-t-elle. L’élue au CSE évoque en outre un autre « gros problème environnemental lié à la mine de sel d’Hauterives », dans la Drôme. Un énième dossier brûlant pour les services de l’État.
Après ce rassemblement, ponctué de plusieurs prises de parole, devant la préfecture, l’intersyndicale de Vencorex (CGT, CFDT ; CFE-CGC) avait convié les manifestants à rejoindre la plateforme chimique de Pont-de-Claix. Au menu : un pique-nique solidaire sur le piquet de grève, suivi d’un après-midi de débats et animations.
Des élus se sont rendus sur les lieux pour rencontrer et soutenir les grévistes. D’abord Manuel Bompard, député et coordinateur de la France insoumise, accompagné des députées LFI de l’Isère Élisa Martin et Sandrine Nosbé. Puis le député européen socialiste Pierre Jouvet, entouré d’une délégation comprenant la députée Marie-Noëlle Battistel, la conseillère départementale PS Amandine Germain, ainsi que Guillaume Gontard et Christophe Ferrari.
Si l’insoumis et le socialiste ne se sont pas croisés sur le site, tous deux ont tenu à saluer la lutte des salariés et à interpeller le futur gouvernement sur la nécessité d’une nationalisation de Vencorex. Et ce, si possible « avant le 31 décembre », comme le demande également la CGT.
Cette journée sur la plateforme chimique de Pont-de-Claix s’est conclue par un moment à la fois convivial et militant, imaginé par l’association Les CE tissent la toile. Assis sous le chapiteau du piquet de grève, devant l’entrée de l’usine, les salariés ont pu assister à la projection du film-documentaire de Marianne Lère-Laffite, L’usine, le bon, la brute et la truand.
Près de 200 manifestants défendent les services publics
Mobilisation en demi-teinte pour les syndicats de la fonction publique (CGT, Solidaires, FSU, CNT), qui avaient décidé de rallier la mobilisation. Près de 200 manifestants ont défilé contre la casse des services publics dans les rues de Grenoble.