Grenoble. « Yallah Gaza », film poignant sur la résilience des Gazaouis

Par Maryvonne Mathéoud

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Une partie des intervenants lors du débat ayant suivi la projection du documentaire au Club.
Le film Yallah Gaza a été projeté au cinéma Le Club, à Grenoble, ce lundi 21 octobre, en présence notamment du réalisateur Roland Nurier. Avant un débat consacré à la situation du peuple palestinien.

Salle comble ce lun­di 21 octobre au ciné­ma Le Club, à Gre­noble, pour la pro­jec­tion du film Yal­lah Gaza de Roland Nurier. Le réa­li­sa­teur, des repré­sen­tants de l’As­so­cia­tion France Pales­tine soli­da­ri­té (AFPS), l’archéologue Sabri Giroud, auteur du livre La Pales­tine en 50 por­traits, un habi­tant de Cis­jor­da­nie et une mili­tante de Tse­dek ! (col­lec­tif juif déco­lo­nial) étaient pré­sents pour l’occasion.

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Le ciné­ma gre­no­blois Le Club a accueilli la pro­jec­tion.

Le titre du film est aus­si simple qu’évocateur. D’un côté, « Yal­lah », expres­sion cou­rante qui signi­fie « allez », « allons‑y » ou « dépêche-toi » en arabe. L’abréviation du mot arabe tra­di­tion­nel « Ya Allah », que l’on peut tra­duire lit­té­ra­le­ment par « Ô Dieu ».

De l’autre, Gaza. Une bande de terre de 360 km², un ter­ri­toire occu­pé et main­te­nu sous blo­cus (ter­restre, mari­time et aérien) par Israël, où s’en­tassent jusqu’à 2,3 mil­lions de per­sonnes. La popu­la­tion vit enfer­mée et contrainte depuis 2007 au mépris de toutes les règles de droit inter­na­tio­nal et des conven­tions des Nations unies. La bande de Gaza est répu­tée pour être une pri­son à ciel ouvert.

L’incroyable soif de vivre des Gazaouis

Déjà auteur d’un pré­cé­dent docu­men­taire, Le char et l’o­li­vier, retra­çant l’his­toire de la Pales­tine et la nais­sance du sio­nisme, Roland Nurier a réa­li­sé Yal­lah Gaza avant les mas­sacres de civils per­pé­trés par le Hamas, le 7 octobre, et la tra­gé­die de la « ven­geance » israé­lienne. N’ayant pu obte­nir l’autorisation de tour­nage sur les lieux, il a confié au docu­men­ta­riste gazaoui Iyad Allast­tal les prises de vues locales.

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Roland Nurier, réa­li­sa­teur de Yal­lah Gaza, était pré­sent au Club.

Le docu­men­taire per­met de se plon­ger dans le conflit qui oppose la Pales­tine et Israël. Les nom­breux entre­tiens fil­més montrent la rési­lience des Gazaouis ain­si qu’une ana­lyse poli­tique de la situa­tion explo­sive qui y règne. Les inter­ven­tions de spé­cia­listes alternent ain­si avec de très beaux plans fil­més dans les quar­tiers dévas­tés de Gaza, et la jeune géné­ra­tion qui vient dan­ser le dab­ké (la danse tra­di­tion­nelle orien­tale) au milieu des ruines.

Un film qui entend rendre leur huma­ni­té aux Gazaouis, dont il loue l’incroyable soif de vivre. Et ce, mal­gré la Nak­ba de 1948, seize ans de blo­cus, l’in­va­sion de 2014, la misère, les bom­bar­de­ments de 2021, les camps de réfu­giés et 60 % de chô­mage.

Par­mi les scènes mar­quantes, des dan­seurs de dak­bé répé­tant au milieu des ruines, des jeunes estro­piés par des tirs volon­taires plon­geant dans la mer, un agri­cul­teur qui risque sa vie lors des récoltes, une équipe de foot fémi­nine qui peine à avoir des moyens finan­ciers comme les gar­çons, un pêcheur sur­veillé par des drones, des asso­cia­tions qui tentent de faire oublier leur trau­ma­tisme psy­chique aux enfants… Et même Ken Loach fus­ti­geant la colo­ni­sa­tion.

Des sou­rires, de la musique et ce sou­hait de pou­voir vivre nor­ma­le­ment. Mais éga­le­ment la misère et une injus­tice à laquelle il est dif­fi­cile de res­ter insen­sible, après avoir vu Yal­lah Gaza.

La résilience et l’espoir des Palestiniens

La pro­jec­tion est sui­vie d’un temps de débat. L’habitant de Cis­jor­da­nie, qui étu­die en France depuis deux ans, raconte sa visite, cet été, à Tul­ka­rem, le camp de réfu­giés dont il est ori­gi­naire. En un mois, il n’a pu sor­tir de chez lui que quatre fois tant la situa­tion est dif­fi­cile et périlleuse.

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Un habi­tant de Tul­ka­rem, en Cis­jor­da­nie, étu­diant en France, est venu témoi­gner.

« Un film poi­gnant, qu’on a envie de faire connaître lar­ge­ment », salue un spec­ta­teur, féli­ci­tant Roland Nurier. Celui-ci échange avec le public sur la dif­fu­sion du film, ses faibles moyens (40 000 euros seule­ment, faute de finan­ce­ment) ou encore les condi­tions de tour­nage, sans sur­prise très com­pli­quées.

Inter­ro­gé par une per­sonne à ce sujet, le réa­li­sa­teur assure avoir connu peu de refus. Yal­lah Gaza a même été pro­je­té à l’Assemblée natio­nale, à la demande de deux dépu­tés LFI. Certes, Eric Ciot­ti a deman­dé son inter­dic­tion, mais sans suc­cès. Le film vit sa vie, avec envi­ron 35 000 entrées à ce jour.

Un autre inter­ve­nant note que le docu­men­taire aborde sou­vent la rési­lience des Gazaouis. « Reste-t-il un peu d’espoir aujourd’hui ? », demande-t-il à Roland Nurier. « Il y a des struc­tures de sou­tien psy­cho­lo­gique, ate­liers d’écriture, de maquillage, de la danse, des ren­contres avec les enfants », répond ce der­nier.

Pour le peuple pales­ti­nien, la rési­lience, c’est l’endurance face à quelque chose qu’on ne peut pas effa­cer, affirme à son tour Sabri Giroud. « L’Occident donne les mains libres à l’occupation israé­lienne », accuse-t-il. Selon lui, « ce film aurait pu être fait il y a 70 ans ou aujourd’hui. Il faut rap­pe­ler sans cesse la situa­tion des Pales­ti­niens comme si, à chaque fois, on la décou­vrait. On connaît les inten­tions du gou­ver­ne­ment israé­lien et des sio­nistes. Ils veulent chas­ser défi­ni­ti­ve­ment les Pales­ti­niens de leurs terres. »

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L’ar­chéo­logue Sabri Giroud, auteur de La Pales­tine en 50 por­traits.

Une petite passe d’armes va ensuite ponc­tuer le débat. À l’origine, l’intervention d’une mili­tante de la LDH Iran, qui salue la force his­to­rique du film, tout en émet­tant un léger regret. Elle aurait ain­si sou­hai­té en savoir davan­tage sur l’état d’esprit des Pales­ti­niens… et plus par­ti­cu­liè­re­ment des Pales­ti­niennes.

Elle s’interroge en effet sur l’obligation de por­ter le voile pour les femmes qui, dans le docu­men­taire, appa­raissent qua­si­ment toutes voi­lées. Une ques­tion liée, selon elle, à la volon­té du Hamas d’établir une répu­blique isla­mique simi­laire à l’Iran en Pales­tine. Des pro­pos qui sus­citent des quo­li­bets à l’encontre de la mili­tante ira­nienne, dans une par­tie de la salle.

Sabri Giroud lui répond d’abord assez vive­ment : « Les socié­tés de par le monde ne sont pas for­ce­ment ce que vous sou­hai­tez. On parle de l’ensemble d’une popu­la­tion, on ne peut pas ter­mi­ner sur un bout de chif­fon », lance-t-il. Puis, une per­sonne enfonce le clou dans l’assistance, criant : « Lais­sez les peuples choi­sir la socié­té dans laquelle ils veulent vivre ! »

Peut-on rap­pe­ler que Jina Mah­sa Ami­ni, une jeune femme kurde ira­nienne, a été bat­tue à mort par la police des mœurs pour avoir mal ajus­ter un « bout de chif­fon » ? Les exemples ne manquent pas pour démon­trer que les droits des femmes ne sont mal­heu­reu­se­ment qua­si jamais des prio­ri­tés dans le monde.

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