Gilles Vial, maire communiste de Salaise-sur-Sanne et vice-président du syndicat mixte qui gère le projet Inspira.

Inspira, c’est le projet de création d’une zone industrialoportuaire à Salaise-sur-Sanne, dans la vallée du Rhône, en pays roussillonais. Projet dont le cœur est l’intermodalité fleuve-rail-autoroute. Réduction des émissions de CO2, création d’emplois… et pourtant une DUP annulée par le tribunal administratif de Grenoble. Explications.

Une zone de 336 hectares destinée à l’accueil d’entreprises. Zone industrialo-portuaire située sur les communes de Salaise-sur-Sanne et Sablons, au sud de Roussillon, dans la vallée du Rhône. Avec un principe : l’intermodalité que permet la présence à portée de main d’un port fluvial, de l’autoroute et de la voie de chemin de fer. Le projet rêvé ? Sa déclaration d’utilité publique a pourtant été annulée par le tribunal administratif de Grenoble le 31 janvier dernier. Les magistrats se sont appuyés sur la nécessité de préserver la ressource en eau, notamment. Plus largement, « les atteintes portées par le projet à la ressource en eau et à l’environnement excèdent l’intérêt de celui-ci », écrivent-ils.

« Il y a une incompréhension sur ce que nous voulons faire », constate Gilles Vial, maire communiste de Salaise-sur-Sanne et vice-président du syndicat mixte qui gère le projet.

Les premières esquisses d’Inspira remontent à 2009. Quinze ans après, les attentes citoyennes ont évolué. La lutte contre le réchauffement climatique est, enfin, devenue une préoccupation partagée. Tout comme l’exigence de la réindustrialisation – la production du principe actif du paracétamol a été délocalisée en 2009 et son retour à Roussillon vient d’être acquis après quinze ans de mobilisations syndicales et politiques. Alors, concilier la production industrielle et la préservation de l’environnement, de la ressource en eau plus particulièrement ?

« Déjà, il faut parler de la réalité, commente Gilles Vial, les besoins en eau sont aujourd’hui évalués à 2 000 m3 par jour et non pas à 80 000 comme certains militants écologistes l’affirment encore. » Ce qui n’empêche nullement la préoccupation environnementale d’être partagée : « Les premiers à lutter contre la pollution industrielle, ce sont les salariés qui la subissent, rappelle Daniel Oriol, syndicaliste CGT, qui regrette la suppression des comités d’hygiène et de sécurité (CHSCT) par les ordonnances prises par Emmanuel Macron. Et ce n’est pas un hasard si la commune de Salaise a été l’une des premières en France à installer des capteurs pour mesurer la qualité de l’air.

« Ce qui caractérise Inspira, souligne Gilles Vial, c’est peut-être d’abord son intérêt écologique. » Mieux utiliser le fleuve pour transporter des marchandises vers Marseille ou Lyon, développer la connexion entre le fleuve et le rail, c’est permettre la réduction massive des émissions de CO2. Et puis Gilles Vial voit plus large. « Nous sommes situés à un carrefour entre le nord et le sud, entre l’est et l’ouest. C’est aussi pour cela que l’industrie s’est développée ici, notamment avec la plateforme chimique. D’où la pertinence d’un nouveau développement planifié de l’emploi industriel avec Inspira. » A cet égard, Gilles Vial rappelle tout l’intérêt qu’aurait la réouverture de la ligne SNCF de Roussillon vers Beaurepaire et Grenoble, en direction de l’Italie. Ligne que certains militants écologistes voudraient voir transformer en véloroute.

« Il est normal que les inquiétudes soient prises en compte »

Car l’objectif fondamental du projet est bien de réduire le nombre de camions sur les routes. Et particulièrement sur l’autoroute du soleil. « Pendant que nous prenons du retard sur Inspira, la zone dite Axe 7 se construit, dans la Drôme, à dix km au sud. » Une zone « tout camions » dont l’atout majeur, présenté comme tel, est la réalisation d’une bretelle d’accès direct… à l’autoroute.

De tout cela, Gilles Vial veut débattre – plutôt qu’avec les écologistes grenoblois – avec les riverains et les militants de Vivre ici environnement, à l’origine des saisines de la justice administrative. « Il est normal que l’information soit complète et que les inquiétudes soient prises en compte », dit-il. De ce point de vue, la majorité à droite des élus du territoire, comme l’implication du président du conseil départemental n’a pour l’heure guère favorisé la démocratie participative.

« De nombreux aspects d’Inspira sont méconnus, souligne Gilles Vial, comme la renaturation de la Sanne, rivière qui traverse la commune, les travaux entrepris pour restaurer la nappe phréatique et réduire les consommations d’eau… Inspira, c’est bien plus que la création de deux mille emplois directs, ou l’augmentation des ressources financières des collectivités territoriales ».

Le syndicat mixte a décidé de ne pas faire appel de la décision du tribunal administratif. Les aménagements compatibles avec les anciens plans locaux d’urbanisme vont se poursuivre, dans l’attente d’une nouvelle enquête publique ou de l’aboutissement de procédures amiables. « La réalisation de l’ensemble du projet a pris plusieurs années de retard, mais cela va nous permettre de travailler avec toute la population à son amélioration. »

hectares

c’est la superficie du périmètre de la zone Inspira. Dont notamment 100 hectares en bord de voie d’eau, 74 hectares occupés par des entreprises et 99 hectares prévus pour accueillir d’autres entreprises. Le projet prévoit également 91,5 hectares d’équipements publics, espaces verts, espaces naturels préservés existants ou à créer.

Culture industrielle

L’industrie en pays roussillonais, c’est une histoire qui remonte au début du siècle dernier. Des implantations d’usines chimiques liées aux guerres et à la qualité de l’eau disponible. Des mouvements de population pour faire tourner les usines. Et puis les batailles syndicales et politiques des années 1970-80 pour la défense de l’emploi et de Rhône Poulenc – qui a fait travailler jusqu’à 7 000 salariés–, lors du démantèlement de l’industrie chimique française. Des luttes pour partie victorieuses, puisque nombre d’ateliers ont été finalement préservés. Le projet Inspira, dans les conditions et avec les critères d’aujourd’hui, est l’héritier de cette tradition, de cette culture industrielle.

millions d'euros

c’est le montant estimé de l’investissement global pour la réalisation d’Inspira. Un montant financé par la région, le département, les communautés de communes du Roussillonais et du Pilat rhôdanien dans la Loire, ainsi que par les entreprises qui s’installeront sur la ZIP.

hectares

de sites de compensation écologiques sont gérés par le syndicat mixte Inspira et par la Compagnie nationale du Rhône. Un peu plus de 13 hectares demeurent à trouver pour parvenir à la compensation intégrale des aménagements projetés.
Eric Hours, conseiller régional AURA.
Éric Hours, conseiller régional communiste.
Eric Hours appuie un projet multimodal

Le conseil régional est majoritaire au syndicat mixte qui gère Inspira. Eric Hours travaille le dossier au sein de la commission économique.

Éric Hours, conseiller régional PCF, est membre de trois commissions (sécurité, santé, économie, relocalisations et préférence régionale). C’est au titre de cette dernière qu’il représente le groupe Insoumis et communiste (IC) et défendra les orientations politiques pour un développement équilibré du projet Inspira.

Eric Hours souligne que le groupe IC reste très attentif au projet de mobilité multimodale (route, train, fluvial) de Salaise. Il s’agit, au vu du positionnement géographique de cet aménagement, d’enjeux de développement économique impactant l’Isère, la Drôme, l’Ardèche, la Loire et pour partie le Rhône. Des retombées salutaires sur l’emploi, le développement, l’équilibre du territoire, les services publics (école, collectivités territoriales…) sont attendues.

La réindustrialisation est un combat

Un des atouts de ce dossier est la victoire, dont le parti communiste et la CGT notamment ont été les artisans, que représente la réinstallation de la fabrication du principe actif du paracétamol sur la plateforme chimique de Roussillon.

Aujourd’hui, la région est membre du conseil syndical du syndicat mixte de la zone industrialo-portuaire de Salaise-sur-Sanne et Sablons, composé de neuf membres. La région y est majoritaire avec cinq membres, dont une élue écologiste pour l’opposition. Fin juin, l’assemblée régionale votera sur les axes de réindustrialisation dans le cadre du foncier industriel. Le dossier de Salaise Inspira est concerné dans ce cadre-là.

Eric Hours sera attentif à ce que la commission économique fasse avancer tous les dossiers en lien avec Inspira et l’avenir de ce territoire.

Le port fluvial de Salaise-sur-Sanne, dans a vallée du Rhône.
Le port fluvial sur le canal du Rhône. Un atout majeur pour le projet.
La liaison ferroviaire en bonne voie
L’annulation de la DUP ne signifie pas l’arrêt d’Inspira. Mais impose un développement nouveau de la concertation.

Conséquence de l’annulation de la déclaration d’utilité publique par le tribunal administratif, la zone industrialoportuaire va prendre du retard. Le syndicat mixte a décidé de ne pas faire appel de cette décision, mais de favoriser le dialogue. Ce qui implique une nouvelle enquête d’utilité publique ou une redéfinition du projet pour le rendre compatible avec les documents d’urbanismes en vigueur. Plusieurs années de travail en perspective.

« L’aménagement et les implantations d’entreprises ne s’arrêtent pas pour autant », précise Gilles Vial, maire de Salaise. Ainsi de l’amélioration du raccordement ferroviaire au port fluvial, maillon essentiel de l’intermodalité. La mise en service de cet équipement est prévue en 2026, en fonction de décisions de la SNCF. Un investissement de quinze millions d’euros pour permettre aux marchandises de passer plus aisément du rail au fleuve et inversement.

Limiter les prélèvements dans la nappe

Deuxième projet, celui de l’implantation de la société Floor to floor, spécialisée dans le recyclage des sols plastiques. Une cinquantaine d’emplois devrait être créée ; le site ouvrira dans une dizaine de mois.

Une étude sur l’optimisation de la ressource en eau est également lancée. Le projet initial datant de 2009, l’impératif de la sobriété comme les techniques utilisables n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui. L’étude porte sur les économies à réaliser sur les installations existantes, y compris sur la plateforme chimique au nord de Salaise-sur-Sanne de façon à minimiser l’impact des prélèvements à venir, estimés pour l’heure à 2 000 m 3 quotidiens.

Enfin, le syndicat mixte a décidé la création d’un poste de chargé de mission en communication et concertation. Heureuse décision. »

Axe 7, l’autre vision du développement
Le projet Inspira n’est pas le seul en cours de développement dans cette partie de la vallée du Rhône. A une dizaine de kilomètres plus au sud, à Saint-Rambert-d’Albon dans le département de la Drôme, c’est d’Axe 7 dont on parle. Et là, ça roule. Ça roule, parce qu’on est dans le… tout camions. Axe 7, une zone aménagée sur 115 hectares – les premiers coups de pioche sont annoncés pour 2024, objectif deux mille emplois  – est notamment destiné à l’accueil de plateformes logistiques. Et son atout essentiel est la construction d’une bretelle d’accès à l’autoroute du Soleil. Des marchandises qui pourraient utiliser l’interconnexion route rail fleuve, à dix kilomètres au nord. Pour cela, il faudra attendre la réalisation de la zone industrialoportuaire de Salaise-sur-Sanne. Sachant que la pollution de l’air dans la vallée du Rhône… c’est d’abord l’autoroute.
Desserte ferroviaire
L’amélioration de la desserte ferroviaire du port fluvial vise à faciliter l’implantation d’entreprises dans la zone portuaire. Actuellement, une voie ferrée relie le port à la voie ferrée Lyon Marseille, par le nord. Les travaux projetés permettront de relier la zone portuaire à la voie ferrée par le sud pour fluidifier les circulations et autoriser l’augmentation du nombre de trains. Cet aménagement d’une sortie directe par le sud facilitera les liaisons avec le port de Marseille-Fos.

emplois directs

c’est ce qui est attendu de la réalisation de la zone industrialoportuaire de Salaise-Sablons. Des emplois directs qui induiront d’autres emplois et une revitalisation au tissu économique local. Les projections font par exemple état de 43 millions d’euros de recettes fiscales attendues pour les collectivités locales d’ici à 2035.

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