Métropole grenobloise. ZFE, les termes du débat

Par Luc Renaud

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Le développement des transports publics, bus, trams et trains, est plus que jamais impératif.

Écologiquement inefficace et socialement injuste. C’est l’argument ses opposants. Question de santé publique, répondent ses partisans.

Com­ment réduire la pol­lu­tion atmo­sphé­rique dans la cuvette gre­no­bloise ? Ques­tion d’importance. Les ser­vices de l’Etat estiment à 428 le nombre annuel de décès pré­ma­tu­rés dans l’agglomération – 293 sont impu­tables aux par­ti­cules fines et 135 aux dioxydes d’azote.

Un constat qui ne fait pas tout. Deux options sont en débat : la créa­tion d’une zone à faibles émis­sions dans une ver­sion ren­for­cée et le déve­lop­pe­ment des trans­ports en com­mun assor­ti de leur gra­tui­té.

Deux options qui concernent les dépla­ce­ments urbains… qui ne consti­tuent pas l’unique cause de la pol­lu­tion atmo­sphé­rique. Soyons pré­cis : les chauf­fages au bois défec­tueux – les foyers ouverts notam­ment – sont à l’origine de la moi­tié des émis­sions de PM10, les par­ti­cules fines les plus dan­ge­reuses – 17 % pour les trans­ports. A l’inverse, le tra­fic rou­tier émet 52% des dioxydes d’azote (source : Dreal).

Si la moder­ni­sa­tion des foyers anciens est une néces­si­té, il n’en demeure pas moins qu’agir sur les trans­ports est impé­ra­tif.
Alors, ZFE contrai­gnante, ou gra­tui­té des trans­ports ? Ou les deux ?

La ZFE, c’est quoi Une Zone à faibles émis­sions, c’est un sec­teur géo­gra­phique au sein duquel il est inter­dit de cir­cu­ler avec un véhi­cule consi­dé­ré comme pol­luant. Pol­luant, c’est-à-dire à moteur ther­mique, essence ou Die­sel, en fonc­tion de son année de fabri­ca­tion et des normes qu’il a dû res­pec­ter à leur sor­tie d’usine. Ces niveaux de pol­lu­tion sont maté­ria­li­sés par les vignettes Crit’air. La Crit’air 5 est par exemple attri­buée aux Die­sel fabri­qués avant 2000. La Crit’air 1 n’est acces­sible qu’aux seuls véhi­cules essence pro­duits à par­tir de 2011. Les moteurs élec­triques ont une vignette verte, zéro, quelle que soit l’année de leur mise en ser­vice. La lec­ture de sa plaque d’immatriculation per­met de connaître la vignette à laquelle un véhi­cule peut pré­tendre.

La ZFE est une obli­ga­tion légale. Il n’en demeure pas moins que la loi laisse une rela­tive lati­tude aux col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales d’en éta­blir le péri­mètre et cer­taines déro­ga­tions.

A Gre­noble, c’est la métro­pole qui en est char­gée. Pour l’heure, une date à été annon­cée, celle du 1er juillet 2023, pour la mise en œuvre d’interdictions de cir­cu­la­tion concer­nant les par­ti­cu­liers dans treize com­munes (1). Avec un calen­drier : 2023 les vignettes Crit’air 5, 2024, les Crit’air 4 et 2025 les Crit’air 3 (le tableau qui les réca­pi­tule).

Reste la ques­tion : quelle ZFE ? Les Verts, qui dirigent la majo­ri­té muni­ci­pale gre­no­bloise, en veulent une vraie de vraie. « Nous ne vou­lons pas d’une ZFE minia­ture », décla­rait Vincent Fris­tot, adjoint au maire de Gre­noble le 20 octobre dans les colonnes du Dau­phi­né libé­ré.

2025

À Gre­noble, c’est l’année à par­tir de laquelle les Die­sel anté­rieurs à 2010 et les essence anté­rieurs à 2006 ne pour­ront plus cir­cu­ler dans la ZFE (Crit’air 3 et supé­rieurs). L’interdiction des Crit’air 2 est envi­sa­gée à l’horizon 2030.La ZFE gre­no­bloise, cela repré­sente l’interdiction de cir­cu­ler pour 40 à 50 000 voi­tures en 2025. Sans comp­ter, entre autres, toutes les familles que le coût du loge­ment a éloi­gné de leur lieu de tra­vail gre­no­blois.

Ne pas contraindre à chan­ger de voi­ture, per­mettre de rou­ler moins

 De son côté, le col­lec­tif pour la gra­tui­té des trans­ports – qui regroupe des syn­di­cats, des asso­cia­tions et par­tis poli­tiques dont le PCF – se pro­nonce contre le prin­cipe même de la ZFE. Avec des argu­ments d’abord éco­lo­giques. Fabri­quer une voi­ture neuve, fût-elle élec­trique, pro­duit des gaz à effet de serre : faire rou­ler long­temps les voi­tures actuelles pré­sente un meilleur bilan car­bone. Autre argu­ment, celui des par­ti­cules fines : elles sont émises par les moteurs, mais aus­si par les pneus et pla­quettes de freins. Faire rou­ler des SUV lourds aux moteurs propres est au moins aus­si émet­teur de par­ti­cules que l’usage de vieilles voi­tures plus légères. Pas évident au total que le bilan de la ZFE soit si posi­tif que ça. Ce qui est cer­tain en revanche, c’est qu’elle sera socia­le­ment injuste. Ce n’est pas parce que des aides existent qu’elles per­met­tront à tous de dépen­ser plu­sieurs mil­liers d’euros, le reste à charge, pour chan­ger de voi­ture. Sachant que la revente des Crit’air 3 risque de ne pas être une bonne affaire.À Gap, les trans­ports sont gra­tuits Le réseau gapen­çais compte 56 lignes de bus, dont treize dans la ville elle-même (41 000 habi­tants). Il est géré par la com­mu­nau­té d’agglomération Gap-Tal­lard-Durance regrou­pant dix-sept com­munes (51 000 habi­tants). La gra­tui­té a été déci­dée par la ville de Gap en 2005. La pers­pec­tive est aujourd’hui celle du train avec l’expérimentation d’une liai­son pen­du­laire entre Gap et Embrun en juillet 2023. Avec la reven­di­ca­tion d’une des­serte caden­cée sur l’axe Brian­çon, Gap, Veynes, Sis­te­ron.

Le col­lec­tif pour la gra­tui­té estime que la solu­tion n’est pas de chan­ger de voi­ture, mais de l’utiliser beau­coup moins en ville. D’où la reven­di­ca­tion de la gra­tui­té et du déve­lop­pe­ment du réseau. Le RER gre­no­blois, par exemple, dont la mise en ser­vice est pré­vu pour 2027 entre Bri­gnoud et Gre­noble et pas avant 2035 pour le reste. Dix ans après l’interdiction des Crit’air 3.

(1) Échi­rolles, Eybens, Fon­taine, Gières, Gre­noble, La Tronche, Le Pont-de-Claix, Mey­lan, Saint-Égrève, Saint-Martin‑d’Hères, Saint-Mar­tin-le-Vinoux, Seys­si­net-Pari­set et Seys­sins.

Bruno-Bernard/

Bru­no Ber­nard, pré­sident éco­lo­giste de la métro­pole du Grand Lyon.

Grand Lyon, gros bâton« Nous met­trons le maxi­mum de radars que l’on pour­ra ins­tal­ler. » C’est ce que décla­rait le 8 novembre sur le site d’information Lyon capi­tale le pré­sident de la métro­pole de Lyon, Bru­no Ber­nard. Sur Actu Lyon, il pré­cise : « Je vais deman­der aux ser­vices de l’État de pro­cé­der à des contrôles de police et aux com­munes de ver­ba­li­ser ». Ça, c’est pour l’année pro­chaine. Pour 2025, il annonce : « Il y aura 24 nou­veaux radars ins­tal­lés dans le péri­mètre cen­tral de la ZFE et 36 sup­plé­men­taires dans le péri­mètre éten­du ». Des radars qui flashent les plaques et envoient une amende de 68 euros… chaque fois que vous en croi­se­rez un avec votre (un peu) trop vieille voi­ture. Ce qui peut chif­frer : les élus métro­po­li­tains lyon­nais ont déci­dé le 26 sep­tembre que les Cri’air 2 seront inter­dits à l’intérieur du péri­phé­rique (Lyon, Vil­leur­banne et Caluire ; Bron et Vénis­sieux par­tiel­le­ment) à comp­ter du 1er sep­tembre 2026. Zone éten­due à l’Est et au Sud lyon­nais un an après  : Vénis­sieux, Bron, Vaulx-en-Velin… Déci­sion prise par 78 voix pour et 31 contre. 37 élus se sont abs­te­nus, dont les six du groupe com­mu­niste.

2026

À Lyon, c’est l’année à par­tir de laquelle tous les moteurs Die­sel et les essence anté­rieurs à décembre 2010 (Crit’air 2 et supé­rieurs) seront inter­dits (à l’intérieur du péri­phé­rique). Cette inter­dic­tion s’appliquera au 1er jan­vier 2027 dans une zone élar­gie jusqu’à l’autoroute de contour­ne­ment Est qui passe par l’aéroport de Saint-Exu­pé­ry. Les plus de trois cent mille per­sonnes qui vivent en Isère dans les agglo­mé­ra­tions fron­ta­lières du Rhône sont direc­te­ment concer­nées par ces res­tric­tions. La métro­pole lyon­naise envi­sage d’étendre le béné­fice d’aides au chan­ge­ment de véhi­cule aux per­sonnes qui tra­vaillent dans la ZFE, cen­trale ou élar­gie. Des aides, en plus de celles de l’État, d’un mon­tant de 1 000 à 2 000 euros pour un reve­nu fis­cal par part infé­rieur à 19 600 euros.Une obli­ga­tion légale La créa­tion de ZFE résulte d’une injonc­tion de la Com­mis­sion euro­péenne qui, en 2020, avait ren­voyé la France devant la Cour euro­péenne de jus­tice pour « non res­pect de son obli­ga­tion de pro­tec­tion contre la mau­vaise qua­li­té de l’air ». Cette injonc­tion s’est tra­duite dans la loi Cli­mat et rési­lience adop­tée par l’Assemblée natio­nale le 22 août 2021. Elle impose la créa­tion de ZFE dans les agglo­mé­ra­tions de plus de 150 000 habi­tants d’ici 2025 – 43. Dans onze d’entre elles, dont Gre­noble et Lyon, des ZFE ont été créées et les inter­dic­tions vont s’étendre à tous les véhi­cules en fonc­tion de leur moto­ri­sa­tion et de leur année de fabri­ca­tion. Reste que la loi laisse des pos­si­bi­li­tés de déro­ga­tions (jours appli­cables, horaires, voies concer­nées…)

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