MC2-Grenoble – Odile et l’eau. Le premier « seule-en-scène » d’Anne Brochet
Par Régine Hausermann
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©Pierre Alain Giraud
Depuis une bonne vingtaine d’années, Anne Brochet écrit des nouvelles, des romans, des recueils de photographie. L’heure est venue de frotter son écriture à un plateau de théâtre et d’y interpréter son personnage. Un beau portrait de femme, fragile et forte. Une réussite !
Vendredi 14 octobre – C’était la quatrième représentation de la pièce dans le Petit Théâtre de la MC2, de la création d’Anne Brochet, artiste associée.
Odile entre côté jardin au niveau des premiers rangs, en peignoir de bain, un sac fourre-tout à la main, étonnée et ravie de voir tous ces gens venus assister à ses prouesses à la piscine, sobrement matérialisée par un rectangle blanc, un écran concave, quelques praticables en forme de plots, une bouée. Economie de moyens d’une grande efficacité.
Odile à la piscine
Odile est une habituée de la piscine. Odile se maintient en forme en alignant les longueurs de bassin car Odile a dépassé la cinquantaine. Elle s’offusque des regards que peuvent lui lancer les maîtres-nageurs du haut de leur échelle… tout en les souhaitant. Odile est une femme ordinaire, qui vient à la piscine, moins pour y rencontrer les autres que les observer.
« L’Homme Hippocampe », le « Ciseau des eaux », l’« Athlète crocodile »… des hommes surtout.
Au fil des séances, on découvre qu’Odile est une femme seule. Ses enfants ont grandi. Elle n’a plus d’homme dans sa vie. Sa mère vient de mourir. Elle manque de confiance en elle. Mais tout en elle exprime le désir de vivre, de rencontrer quelqu’un : les sensations que le contact de l’eau provoque en elle, sa plastique impeccable en maillot de bain, son élégance.
Son monologue exprime tantôt les impressions fugaces de la nage, des comportements des autres, tantôt des épisodes de sa vie. Par petites touches, Odile nous révèle son intériorité, celle d’une femme à une période charnière de son existence. La cinquantaine.
Le texte est drôle, profond, souvent poignant, poétique. La mise en scène, légère, dansante.
©Pascale Cholette
Pourquoi Odile ? Ondine, Odilon, Odile et la danse…
Parce que c’est un clin d’oeil à Ondine, la pièce de Jean Giraudoux que toutes les jeunes actrices rêvent d’interpréter.
Et aussi un hommage au peintre Odilon Redon et à son univers onirique.
C’est ce qu’Anna Brochet répond à Joëlle Bouvier – la chorégraphe – qui s’exclame : « Formidable, c’est le prénom du cygne noir dans Le Lac des Cygnes ! ».
En proposant à Joëlle Bouvier de l’accompagner sur la création de son prochain spectacle, Anne Brochet fait le choix de mettre le corps au centre de cette aventure. Le corps superbe d’une femme de 56 ans, la plupart du temps en maillot de bain. Le corps presque nu, qui ne peut rien cacher.
©Pascale Cholette.