Dans les locaux du comité de Vif du Secours populaire, le tri des dons collectés.

Les bénévoles du Secours populaire français qui ne reconnaissent pas la direction départementale issue du congrès d’octobre dernier vont demander à la justice d’en prononcer la nullité. Un congrès dont la légitimité est contestée de même que les choix d’orientation qui en découlent.

« Ce qui m’importe, c’est de savoir si les cinquante gamins pour lesquels j’ai réservé une place en colo pourront partir en vacances. » Il y avait de l’émotion dans les mots de Jackie Rey, bénévole au Secours populaire depuis des années. L’une de ces bénévoles qui s’est investie sans compter dans la fédération départementale de l’Isère… et qui s’est retrouvée écartée du jour au lendemain.

Que s’est-il passé ? Un congrès, le 16 octobre dernier. Dont la tenue a été controversée au point que la fédération de l’Isère a été mise sous administration conjointe – sous tutelle, en somme – par la direction nationale de l’association.

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Jackie Rey, écartée de ses responsabilités départementales en octobre dernier.

Ce qui est nouveau aujourd’hui ? Un jugement émis en référé par le tribunal judiciaire de Grenoble. Jugement qui – même si ce n’était peut-être pas son objectif – précise comment sortir de cette situation.

Le tribunal judiciaire avait été saisi par Pierre-Edouard Cardinal, élu secrétaire général de la fédération à l’issue du congrès contesté. Il demandait au tribunal de condamner le Secours populaire français pour « troubles manifestement illicites » provoqués par la désignation d’administrateurs de la fédération de l’Isère après sa mise sous tutelle. La direction nationale avait convoqué les responsables départementaux en poste avant le congrès. Ce comité départemental avait procédé à l’élection de nouveaux dirigeants : Sylvie Loyau au poste de secrétaire générale; Françoise Robert, secrétaire générale adjointe; et Jackie Rey, trésorière.

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Des représentants des comités de la Matheysine, de l’Oisans, Vif, Villard-Bonnot, Vizille, Roussillon… venus témoigner.

Le tribunal a rendu son jugement le 9 mars. Il a décidé que, « en l’état, seul Pierre-Edouard Cardinal […] a la capacité de représenter l’association ». Et condamne le Secours populaire à faire céder le « trouble ».

La subtilité de cette décision judiciaire réside dans ce « en l’état ». Car le tribunal donne la solution : « aucune action […] n’a été introduite pour contester la validité de ces élections », celles dont Pierre-Edouard Cardinal se revendique. De fait, ces élections sont contestables : Pierre-Edouard Cardinal – et d’autres nouveaux élus – n’étant pas membre du Secours populaire français quelques jours avant son élection, il n’était ni électeur, ni éligible. Et les juges de noter que « la question de la légalité de l’élection relève d’une contestation sérieuse échappant à la compétence du juge des référés ». Et il y a matière à contestation sérieuse, effectivement.

« Nous ne sommes pas habitués à régler notre fonctionnement devant les tribunaux, soulignait Sylvie Loyau ce 29 mars, et, puisque les juges nous le demandent, nous allons les saisir, en tant qu’adhérents de la fédération de l’Isère, pour qu’ils annulent les élections issues de la réunion du 16 octobre ». La procédure est en cours, de même que le Secours populaire a fait appel de la décision du 9 mars – l’audience en appel est prévue en septembre.

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Sylvie Loyau, bénévole au Secours depuis 35 ans.

Comment comprendre la situation ? Par delà les « modalités de la prise de pouvoir » utilisées lors du congrès du 16 octobre et de sa préparation, c’est bien une divergence fondamentale qui s’est exprimée. Dans le texte qu’elle a rendu public en octobre dernier, l’équipe de Pierre-Edouard Cardinal définit ainsi sa conception de l’activité du Secours populaire : « accompagner et révéler les talents » afin de « révéler et développer des compétences » pour assurer « l’ascension sociale des jeunes bénévoles ». Le tout sous l’égide d’une nouvelle identité : « Solidarité principale force 38 ».

Ce qui fait bondir les militants du Secours. « C’est la solidarité sous toutes ses formes, la base de notre action, explique Sylvie Loyau, nous venons en aide à tous ceux qui en ont besoin ; nous ne sommes pas des détecteurs de talents, nous ne sommes pas là pour faire miroiter des start-up comme perspective pour s’en sortir ».

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Triés, classés… des vêtements destinés à ceux qui en ont besoin.

Dans l’immédiat, les bénévoles du Secours ont une préoccupation : la possibilité pour les bénéficiaires d’accéder aux aides habituellement distribuées comme les chèques vacances ou le Fonds européen d’aide au plus démunis – l’aide alimentaire. Le FEAD est distribué par des associations reconnues au niveau national : la Croix rouge, les Restos du coeur, le Secours populaire… La gestion de ces distributions est précisément suivie. Un logiciel spécifique trace les denrées et leur affectation. Chaque association nationale est comptable de la mise en œuvre de l’aide alimentaire qui lui est attribuée. Comment, dans ses conditions, confier la gestion de l’aide alimentaire, entre autres, à une équipe dont la direction nationale conteste la légitimité ? Une question à laquelle les instances nationales du Secours populaire devront répondre dans les prochains jours.

Car l’essentiel demeure, l’activité solidaire du Secours populaire. « Tout le monde n’est pas là, certains d’entre nous sont en train de collecter pour l’Ukraine avec les étudiants de l’institut d’urbanisme », précisait l’une des intervenantes. De fait, l’activité se poursuit dans les comités : les besoins sont toujours là. Et ce qui importe, c’est que les « cinquante gamins » dont la place en colo est réservée puissent partir en vacances.

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