Le Secours populaire français, une association très largement reconnue pour son indispensable action solidaire et l’engagement de ses bénévoles.

La direction nationale du Secours populaire français ne reconnaît pas les instances élues par le dernier congrès de la fédération iséroise à l’issue duquel Pierre-Edouard Cardinal avait été désigné premier responsable départemental. Elle estime que des irrégularités ont entaché le déroulement de ce congrès et a nommé deux administrateurs provisoires pour gérer la fédération.

La nouvelle est tombée le 28 octobre. Sous la forme d’un courrier recommandé émanant de la direction nationale du Secours populaire français et dont l’objet est sans équivoque : « mise sous administration conjointe de la fédération de l’Isère du Secours populaire français ». Mise sous tutelle, en langage courant. Une missive dont les conséquences sont concrètes : deux administrateurs ont été nommés pour assurer la direction « conjointe » de la fédération et aucune décision ne peut être prise sans leur aval. En matière financière, notamment. Ce sont les conditions de la préparation et du déroulement du dernier congrès départemental qui ont motivé cette décision, exceptionnelle s’il en est. « Depuis des décennies que je suis dans l’association, je n’ai jamais vu ça », nous confiera un bénévole.

Le SPF utilisé dans la campagne des municipales

Le malaise est ancien. Il a pris de l’ampleur au printemps 2020, lorsque Tayeb Boukenoud, directeur général du Secours populaire de l’Isère, a décidé de se présenter à l’élection municipale de Grenoble en quatrième position sur la liste de la députée macroniste Emilie Chalas. Non qu’une fonction au Secours populaire interdise de se présenter à une élection. Mais il est de tradition que l’on ne puisse se revendiquer de l’association caritative dans un cadre électoral. Tradition allègrement méconnue par Tayeb Boukenoud qui n’a pas manqué de mettre en avant sa responsabilité de directeur général, comme en témoigne ce document de campagne.

Sur ce terreau propice aux interrogations est intervenue la préparation du congrès départemental, réuni le 16 octobre dernier à Saint-Martin-d’Hères. Dans une association dont la raison d’être est la solidarité et le secours à ceux qui en ont besoin, il est de coutume de travailler sereinement, en réfléchissant aux responsabilités qui pourraient celles des uns et des autres, et de présenter aux suffrages du congrès une liste qui rassemblera les bonnes volontés pour siéger au comité départemental. La méthode qui a prévalu fut tout autre. Au point de susciter l’inquiétude de la direction nationale.

113 présents, 233 procurations

Une direction qui s’interroge par exemple sur la qualité d’électeur de nombre de votants. Certains d’entre eux ont enregistré leur adhésion le 30 septembre, les 6 et 7 octobre. Ils ne pouvaient valablement prendre part au vote, puisque leur adhésion a été postérieure à l’envoi de la convocation du congrès, datée du 20 septembre. Au delà de ces irrégularités – celle-ci et quelques autres -, le nombre de procurations surprend. Le 16 octobre, 113 adhérents étaient présents dans la salle et 233 procurations étaient enregistrées. Du jamais vu en Isère, ni ailleurs sans doute. « Tous les congrès auxquels j’ai participé, c’était la fête, les sourires, l’envie de faire des choses ensemble ; on repartait gonflés à bloc avec plein d’idées, là, c’était pitoyable », commente une bénévole avec laquelle nous avons pu nous entretenir.

La SEM Minatec entreprises

Mais pourquoi « bétonner » ainsi l’issue de ce congrès en utilisant une procédure qui peut difficilement passer pour spontanée ? Ce qui est avéré, c’est qu’elle s’est traduite par l’émergence d’un nouveau responsable à la tête de la fédération. Le secrétaire général élu – élection que ne reconnaît pas la direction nationale – n’est pas un inconnu sur la scène publique grenobloise. Il s’agit de Pierre-Edouard Cardinal, par ailleurs directeur général de Minatec entreprises. Minatec entreprises, c’est une société d’économie mixte qui construit et gère des bâtiments industriels de haute technologie dans la Presqu’île grenobloise. Cette SEM est présidée par Yannick Neuder, également vice-président du conseil régional aux côtés de son président Laurent Wauquiez.

On est assez loin des difficultés que rencontrent les habitants des quartiers populaires. Ce que confirme d’ailleurs le peu d’expérience au Secours populaire de l’aspirant secrétaire général : il est membre de l’association depuis le 30 septembre – et n’aurait donc, selon la direction nationale, pas dû pouvoir prendre part aux votes du congrès départemental.

L’avenir de la fédération de l’Isère semble donc entre les mains des deux administrateurs désignés par la direction nationale – décision contestée par la direction départementale non reconnue qui ne fait pas mystère de son intention de saisir la justice. Ces deux administrateurs ont pour mission de gérer la fédération jusqu’à l’élection conforme aux statuts de l’association de nouveaux organismes de direction.

La fédération de l’Isère du Secours populaire français traverse une période difficile.

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