Gratuité des transports, Grenoble à la traîne ?

Par Luc Renaud

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La manifestation s’est rendue du siège de la chambre de commerce à celui de Grenoble Alpes métropole.

Quelque deux cents personnes ont manifesté le 12 mars pour la gratuité des transports dans la métrpole grenobloise. Le collectif pour la gratuité a fait parvenir au préfet et aux président de la métropole, du département et du SMMAG une lettre ouverte pour réclamer des décisions urgentes, à commencer par la gratuité les fins de semaine.

« Ce que la métro­pole de Mont­pel­lier a fait, la métro­pole de Gre­noble peut le faire ». L’é­non­cé d’un constat que l’on peut lire dans la lettre ouverte adres­sée par le col­lec­tif pour la gra­tui­té des trans­ports au pré­fet, repré­sen­tant de l’É­tat, aux pré­si­dents de la métro­pole gre­no­bloise et du dépar­te­ment de l’I­sère ain­si qu’à celui du syn­di­cat des mobi­li­tés, le SMMAG.

Ce qu’a fait la métro­pole de Mont­pel­lier ? Pas­ser à la gra­tui­té les fins de semaine, déci­sion appli­quée par la nou­velle muni­ci­pa­li­té de gauche de cette col­lec­ti­vi­té. Et en pre­nant l’en­ga­ge­ment de la gra­tui­té totale dans les trois ans à venir. Aus­si est-ce avec déter­mi­na­tion que le col­lec­tif pour la gra­tui­té pour­suit son action, à l’i­mage de la mani­fes­ta­tion qui s’est dérou­lée le 12 mars entre la chambre de com­merce et le siège de la métro­pole, rue Mala­koff.

Le choix mont­pel­lié­rain — « le pré­sident de Mont­pel­lier Médi­ter­ra­née métro­pole a sou­li­gné que c’é­tait un choix poli­tique et que les arbi­trages bud­gé­taires seraient réa­li­sés en fonc­tion de ce choix poli­tique », note Maria­no Bona, l’un des res­pon­sables du col­lec­tif gre­no­blois — n’est pas celui de la métro­pole gre­no­bloise. Le syn­di­cat des mobi­li­tés au contraire déci­der de réduire l’offre de trans­ports en com­mun dans l’ag­glo­mé­ra­tion et cela pour toute l’an­née 2021, Covid ou pas Covid. Son pré­sident, Syl­vain Laval, annonce que la gra­tui­té c’est pour plus tard, vrai­ment plus tard, faute de finan­ce­ments.

La gra­tui­té en France ? 10 mil­liards. La for­tune de Ber­nard Arnault en 2020 ? Plus 44 mil­liards

Argu­ments aux­quels répond le col­lec­tif. D’a­bord en consta­tant que la métro et les col­lec­ti­vi­tés locales ne sont pas seules à devoir régler l’ad­di­tion de l’é­pi­dé­mie. L’É­tat a natu­rel­le­ment des res­pon­sa­bi­li­tés à assu­mer, ne serait-ce que parce qu’il a déci­dé d’exo­né­rer les entre­prises d’une par­tie de leur impôt des­ti­né aux trans­ports publics.

À plus long terme, le col­lec­tif pose la ques­tion d’un choix de socié­té. Le coût de la gra­tui­té dans tout le pays — et du néces­saire déve­lop­pe­ment des trans­ports qui devra l’ac­com­pa­gner pour absor­ber la hausse de fré­quen­ta­tion — a été esti­mé à une dizaine de mil­liards d’eu­ros par an. « En 2020, les divi­dendes des entre­prises du CAC-40 repré­sentent 40 mil­liards d’eu­ros. Selon le rap­port de Oxfam, le PDG de LVMH a vu sa for­tune s’ac­croître de 44 mil­liards de dol­lars en 2020. Et com­ment accep­ter qu’une entre­prise comme Sano­fi reçoive au moins 100 mil­lions d’eu­ros par an d’aide à la recherche via le cré­dit d’im­pôt recherche alors que ce groupe verse plus de 4 mil­liards d’eu­ros de divi­dendes et qu’il a sup­pri­mé 40% de ses emplois de cher­cheurs ? », peut-on lire dans la lettre ouverte rédi­gée par le col­lec­tif.

« Aller plus vite et plus loin »

Choix de socié­té, mais aus­si déci­sion poli­tique locale. « Nous deman­dons aux col­lec­ti­vi­tés locales, métro­pole et dépar­te­ment, de four­nir à la Semi­tag les moyens finan­ciers de mener son acti­vi­té mal­gré la crise sani­taire », écrit le col­lec­tif. Car il est là ques­tion de cohé­rence. N’est-ce pas le vice-pré­sident de la métro­pole char­gé du cli­mat, Pierre Ver­ri, qui affirme qu’il faut « aller plus vite et plus loin » en matière de lutte contre la pol­lu­tion urbaine et le réchauf­fe­ment cli­ma­tique ? Quant au dépar­te­ment, son récent retour au syn­di­cat du syn­di­cat mixte qu’est le SMMAG s’est accom­pa­gné d’une baisse de sa contri­bu­tion finan­cière annuelle au fonc­tion­ne­ment des trans­ports en com­mun de 11 à 3 mil­lions d’eu­ros.

« Nous l’a­vons vu pen­dant le pre­mier confi­ne­ment, avec moins de voi­tures, on res­pire mieux », sou­ligne Maria­no Bona. Même si la lutte contre la pol­lu­tion et les gaz res­pon­sables du chan­ge­ment cli­ma­tique ne se réduit pas à la réduc­tion du tra­fic auto­mo­bile, la gra­tui­té des trans­ports mise en œuvre dans l’ag­glo­mé­ra­tion de Dun­kerque ou dans la capi­tale de l’Es­to­nie, Tal­linn (427 000 habi­tants) montre une amé­lio­ra­tion qui fait suite au trans­fert des dépla­ce­ments vers les trans­ports en com­mun. Et c’est aus­si une réponse à la crise sociale ampli­fiée par l’é­pi­dé­mie.

Ce 12 mars, le cor­tège s’est ren­du devant le siège de la métro­pole, où les élus étaient réunis pour adop­ter le bud­get de la col­lec­ti­vi­té. Nico­las Beron Per­ez, Aman­dine Demore et Jean-Paul Tro­ve­ro, élus com­mu­nistes, ont rejoint les mani­fes­tants ain­si que Cécile Cukier­man (PCF) et Emi­lie Marche (LFI), toutes deux conseillères régio­nales et can­di­dates — avec Eric Hours lui aus­si pré­sent — sur la liste pré­sen­tées par les deux for­ma­tions avec Ensemble ! aux élec­tions régio­nales de juin pro­chain.

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Un arrêt devant la pré­fec­ture pour remettre au pré­fet la lettre ouverte qui était adres­sée.

Laurent

Laurent Ter­rier, res­pon­sable du col­lec­tif pour la gra­tui­té, a pris la parole devant le siège de la métro­pole.

Banderole/

« Chan­geons le sys­tème, pas le cli­mat ». Un argu­ment en faveur de la gra­tui­té des trans­ports en com­mun.

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Nico­las Beron Per­ez, Aman­dine Demore et Jean-Paul Tro­ve­ro, conseillers com­mu­nau­taires com­mu­nistes ; Isa­belle Peters, conseillère muni­ci­pale com­mu­niste à Gre­noble ; étaient venus sou­te­nir les mani­fes­tants. De même que Cécile Cukier­man (PCF) et Emi­lie Marche (LFI), conseillères régio­nales et can­di­dates sur la liste PCF-LFI avec Éric Hours, à droite sur cette image.

Le sou­tien de Cécile Cukier­man, can­di­date tête de liste PCF-LFI aux élec­tions régio­nales

Après avoir par­ti­ci­pé dans la mati­née à une ren­contre avec les sala­riés de Pho­to­watt, à Bour­goin-Jailleu, Cécile Cukier­man et Emi­lie Marche se sont ren­dues à Gre­noble pour sou­te­nir les mani­fes­tants qui demandent la gra­tui­té des trans­ports.

« C’est une exi­gence envi­ron­ne­men­tale, mais aus­si sociale », note Cécile Cukier­man. « 80% des dépla­ce­ments dans la région sont liés au tra­vail ou à la for­ma­tion, ils sont contraints pour aller au bou­lot ou à la fac et pèsent sur le pou­voir d’a­chat. » La séna­trice de la Loire rap­pelle que cette situa­tion est pour par­tie à l’o­ri­gine de la mobi­li­sa­tion des gilets jaunes.

L’ob­jec­tif est donc de tendre vers la gra­tui­té, y com­pris au niveau régio­nal. « Les choses sont dif­fé­rentes entre la région, qui gère les trains avec la SNCF et les agglo­mé­ra­tions, mais nous sou­hai­tons que la région puisse accom­pa­gner les auto­ri­tés orga­ni­sa­trices de trans­port au niveau local — celles qui le sou­haitent, nous ne vou­lons pas remettre en cause le libre choix des col­lec­ti­vi­tés locales — sur le che­min de la mise en place de la gra­tui­té. »

La gra­tui­té des trans­ports en com­mun consti­tue l’un des axes des pro­po­si­tions de la liste PCF-FI que conduit Cécile Cukier­man au niveau régio­nal et Émi­lie Marche dans le dépar­te­ment  de l’I­sère.

Concer­nant les rela­tions entre les dif­fé­rentes for­ma­tions de gauche dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, Cécile Cukier­man constate que « nous n’al­lons pas résoudre à treize semaines des élec­tions ce que nous n’a­vons pas réus­si à régler depuis des mois : il y aura sans doute plu­sieurs listes de gauche au pre­mier tour de cette élec­tion. Ce n’est pas grave, il y a un second tour et nous sau­rons évi­dem­ment nous ras­sem­bler pour battre la droite au second tour ».

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