Clinique mutualiste. La Métro au pied de ses murs

Par Edouard Schoene

/

Image principale

Le collectif des Usagers des cliniques mutualistes et les Amis des cliniques mutualistes de Grenoble, ont rendez-vous ce mardi 5 janvier au matin avec le président et cinq vice-présidents de Grenoble Alpes métropole. L’objet de la rencontre est la demande de préemption des locaux du groupement hospitalier mutualiste dont dépend notamment la clinique mutualiste des Eaux claires.

Les col­lec­tifs, le syn­di­cat FO du per­son­nel de la cli­nique mutua­liste et des élus du per­son­nel ren­con­traient la presse lun­di 4 jan­vier. Thier­ry Car­ron, secré­taire du syn­di­cat FO, secré­taire du CSE, entou­ré de quelques élues du per­son­nel fai­sait part d’un vif mécon­ten­te­ment du per­son­nel, dans la ges­tion cala­mi­teuse de la cli­nique par le nou­veau patron, M. Ben­said, pré­sident du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion du GHM, « qui ne connaît rien à la ges­tion d’un éta­blis­se­ment de san­té ». Le 9 octobre de l’an­née dernière,Le grou­pe­ment hos­pi­ta­lier mutua­liste a été repris par les mutuelles MFV et Doc­to­care dépen­dant du groupe pri­vé Doct­ges­tio que dirige M. Ben­said, « par un phé­no­mène de sub­sti­tu­tion des mutuelles ». La mutuelle ADREA leur a cédé le GHM tan­dis que les bâti­ments ont été ven­dus à ICADE, une filiale de la Caisse des dépôts et consi­gna­tions, pour 50 mil­lions d’eu­ros.

Thier­ry Car­ron, secré­taire du syn­di­cat FO et secré­taire du comi­té social et éco­no­mique.

Les condi­tions dans les­quelles s’est effec­tué la prise en main par Doct­ges­tio sus­citent l’in­quié­tude du comi­té social et éco­no­mique (ex-comi­té d’en­tre­prise). Le CSE vient de dépo­ser une pro­cé­dure devant le tri­bu­nal de Gre­noble contre la direc­tion pour délit d’entrave, non res­pect des règles de consul­ta­tion des repré­sen­tants du per­son­nel. « Nous nous inter­ro­geons éga­le­ment sur le fait que les membres du conseil d’administration du GHM ont un lien de subor­di­na­tion avec le groupe Doc­te­ges­tio, pro­prié­taire de fait du GHM, groupe dont ils sont sala­riés. » Une réor­ga­ni­sa­tion de la cli­nique, par l’introduction d’une nou­velle infor­ma­tique notam­ment, est en cours sans consul­ta­tions des ins­tances repré­sen­ta­tives du per­son­nel. En outre les élus constatent que les don­nées ne sont pas pro­té­gées (ils en ont la preuve) ; le syn­di­cat, les élus ont sai­si la Com­mis­sion natio­nale infor­ma­tique et liber­tés. Le per­son­nel admi­nis­tra­tif est très remon­té contre la direc­tion, notam­ment du fait que cer­tains sala­riés tra­vaillent au GHM pour une autre entre­prise du groupe. Le res­pon­sable syn­di­cal, semble-t-il déçu par les pra­tiques du nou­veau patron, rap­pelle que « FO ne s’était pas oppo­sé à l’arrivée de Doc­te­ges­tio, ce groupe garan­tis­sant les sta­tuts des sala­riés et les condi­tions de tra­vail ».

Du côté des usa­gers, c’est vers la Métro que se tourne l’es­poir d’une pré­ser­va­tion de ce qui peut l’être du patri­moine mutua­liste gre­no­blois. Her­vé Der­rien­nic, secré­taire de l’union de quar­tier, compte sur la col­lec­ti­vi­té ter­ri­to­riale pour qu’elle fasse valoir son droit de pré­emp­tion sur les bâti­ments du GHM. « Sous pré­texte d’un défi­cit soit-disant struc­tu­rel de 1,5 à 4,5 M€/an et d’une dette de 23 M€ consti­tuée essen­tiel­le­ment d’emprunts à long terme pour des tra­vaux sur les bâti­ments et l’a­chat d’é­qui­pe­ments médi­caux, la mutuelle Aesio-Adrea, majo­ri­taire, avait déci­dé en octobre de vendre le GHM à la socié­té Doc­te­ges­tio. Or c’est la Socié­té civile immo­bi­lière mutua­liste de l’I­sère (SCIMI) qui était pro­prié­taire des murs, SCIMI dont Aesio-Adrea est action­naire majo­ri­taire avec la Mutua­li­té fran­çaise de l’I­sère. Et cette SCIMI a thé­sau­ri­sé en 15 ans un pac­tole de 19 M€, exclu­si­ve­ment consti­tué des loyers du GHM (2,9 M€/an), et donc ponc­tion­né sur son acti­vi­té. »

Jérôme Alexandre, ancien admi­nis­tra­teur du grou­pe­ment hos­pi­ta­lier mutua­liste et Her­vé Der­rien­nic, secré­taire de l’u­nion de quar­tier.

Les usa­gers sou­lignent en outre que Doct­ges­tio n’a pas mis un seul euro dans la reprise du GHM à ses diri­geants d’Ae­sio-Adrea. « Le 9 octobre der­nier, pour accré­di­ter l’i­dée de la pour­suite d’un pro­jet mutua­liste et non lucra­tif, la direc­tion du GHM a été trans­fé­rée au cours de deux assem­blées géné­rales aux Mutuelles de France du Var et Doc­to­care, les deux « faux-nez » mutua­listes de Doc­te­ges­tio, ges­tion­naire de cli­niques pri­vées. Com­bien Doc­te­ges­tio a inves­ti dans cette « tran­sac­tion » ? Rien ! Doc­te­ges­tio ne dépense rien, n’investit rien, y com­pris dans l’achat des murs… n’engage pas un euro pour s’as­su­rer la direc­tion du GHM ! C’est donc l’activité médi­cale des éta­blis­se­ments mutua­listes gre­no­blois qui conti­nue­ra d’assurer toutes les charges… comme avant ! »

Doc­te­ges­tio va ponc­tion­ner plus de 1 M€/an au GHM. Les col­lec­tifs qui défendent l’avenir du GHM sont inquiets. Ils signalent que les nou­velles règles de ges­tion imposent à l’administration du GHM de payer les four­nis­seurs avec retard, pour trans­fé­rer de la tré­so­re­rie aux autres entre­prises en dif­fi­cul­té du groupe Doc­te­ges­tio, pra­tique que M. Ben­said nom­mait « cash poo­ling » en réponse à une ques­tion posée le 2 sep­tembre der­nier lors de l’une réunion du CSE.

Her­vé Der­rien­nic pré­cise : « Dans le plan pro­po­sé par Doc­te­ges­tio, ICADE-san­té, filiale de la Caisse des Dépôts et Consi­gna­tions, doit ache­ter les murs du GHM à la SCIMI pour 50 M€, un prix très sur­éva­lué. Une fois la vente actée, Aesio-Adrea, la MFI et quelques autres mutuelles déte­nant des parts du capi­tal de la SCIMI vont se par­ta­ger ces 50 M€ plus les 19 M€ capi­ta­li­sés par la SCIMI grâce au loyer du GHM depuis plu­sieurs années, soit au total 69 M€. Un beau pac­tole ! ICADE se rem­bour­se­ra par l’encaissement des loyers qui aug­men­te­ront. Ain­si la SCIMI, créée à l’o­ri­gine pour sou­te­nir le déve­lop­pe­ment du GHM, est deve­nue une machine à cash pour ses action­naires. Les grands per­dants sont le GHM, son per­son­nel, ses usa­gers… et la san­té acces­sible à tous ! »

Les repré­sen­tants des usa­gers demandent par consé­quent à la Métro de pré­emp­ter les murs pour empê­cher l’o­pé­ra­tion finan­cière d’al­ler à son terme. Avec deux objec­tifs :

  • blo­quer défi­ni­ti­ve­ment l’achèvement de la vente, empê­cher Aesio-Adrea et les autres mutuelles de la SCIMI d’empocher un prix de vente très sur­éva­lué et les 19 M€ – qui, parce qu’ils ont été ponc­tion­nés exclu­si­ve­ment sur l’ac­ti­vi­té du GHM, doivent reve­nir au GHM ;
  • exi­ger une révi­sion des condi­tions de la vente du GHM afin de faire res­pec­ter les enga­ge­ments qu’avait pris Aesio-Adrea, les règles du Code de la mutua­li­té… et sou­te­nir le choix d’un acteur de la san­té à but non lucra­tif qui res­pec­te­ra le per­son­nel et les usa­gers.

« Un autre ave­nir est pos­sible pour le GHM. Les ques­tions de san­té sont trop impor­tantes pour que les col­lec­ti­vi­tés les laissent aux acteurs de la mar­chan­di­sa­tion », estiment les repré­sen­tants des usa­gers. Les défen­seurs du GHM en appellent donc au sou­tien des élus métro­po­li­tains : « la Métro­pole doit pré­emp­ter pour pré­ser­ver l’accès de tous à la san­té ! »


Jean-Paul Trovero : « la préemption est aujourd’hui une étape nécessaire »

Inter­ro­gé dans la soi­rée de mar­di 4 jan­vier, Jean-Paul Tro­ve­ro , pré­sident du groupe com­mu­niste à la Métro nous a fait part de son sen­ti­ment sur ce dos­sier.

« Nous avons eu un débat à l’exécutif de la Métro le 9 décembre der­nier sur le dos­sier du GHM. Un pro­jet de vente des bâti­ments a été dépo­sée le 13 octobre der­nier. La ville de Gre­noble et la métro­pole ont deman­dé l’avis des domaines. La mai­rie de Gre­noble a deman­dé à la Metro de pré­emp­ter. Doc­te­ges­tio a des dettes par­tout et accuse un gros défi­cit d’exploitation. La solu­tion de la pré­emp­tion nous paraît, pour notre groupe poli­tique, un bon outil pour don­ner un ave­nir au GHM. La Métro a toute légi­ti­mi­té pour inter­ve­nir sur le GHM qui est un équi­pe­ment impor­tant sur le ter­ri­toire métro­po­li­tain. Avec Doc­te­ges­tio, nous crai­gnons que les liens avec le CHU soient rom­pus, ce qui aurait des consé­quences dra­ma­tiques pour la qua­li­té des soins dans notre dépar­te­ment. Il faut main­te­nir la MUT, qu’elle soit diri­gée par un acteur de la san­té cré­dible, à but non lucra­tif. La pré­emp­tion peut être une étape impor­tante dans cette voie. »

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *