Municipales. Le Grenoble Alpes collectif veut « redonner le pouvoir aux citoyens »
Par Manuel Pavard
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« Si on m’avait demandé il y a un an [NDLR : de mener une campagne électorale, d’accepter de faire partie d’une liste], j’aurais dit que ce n’était pas pour moi. C’est une barrière à dépasser. » Le constat de Léonie Chamussy ne fait pas seulement écho à son histoire personnelle mais illustre également la raison d’être et l’ambition du Grenoble Alpes collectif (GAC). À savoir « redonner le pouvoir aux citoyennes et citoyens » afin que ceux-ci puissent décider ensemble de l’avenir de la ville. Ce qui implique un principe très simple, brandi en étendard par le collectif : « Tout le monde peut être lu. »
Assis dans leur local de campagne, sur l’avenue Félix-Viallet, Léonie Chamussy et Fabien Givernaud narrent tous deux des parcours différents mais aux motivations très proches. La jeune militante de 25 ans, ingénieure dans une Scop à 80 %, était « intéressée par la politique mais ne se reconnaissait pas dans les partis politiques ». Avec le GAC, elle a « découvert une façon de faire la politique plus collective et inclusive ».

Le second est, lui, une personnalité reconnue de la scène culturelle grenobloise, directeur artistique de Mix’arts. Et l’un des co-fondateurs du Grenoble Alpes collectif. « L’idée est née, il y a un an et demi, d’un petit groupe de personnes ayant des désaccords sur pas mal de choses avec la mairie actuelle, raconte-t-il. À l’époque, à gauche, il ne se passait pas grand chose et en face, Carignon arrivait très fort. On s’est donc dit qu’il fallait proposer une alternative. »
« Le plébiscite renverse ce qui se fait traditionnellement. (…) Tous les Grenoblois ou les personnes impliquées dans la vie de la commune peuvent proposer des noms de citoyen-nes susceptibles de faire partie de la liste. »
Léonie Chamussy, militante du GAC
De fil en aiguille, le collectif s’étoffe pour atteindre aujourd’hui une trentaine de membres actifs qui se réunissent régulièrement, suivis par environ 400 personnes abonnées aux informations hebdomadaires. « Des profils plutôt jeunes » pour la plupart, confie Fabien Givernaud qui, du haut de ses 39 ans, fait presque figure de vétéran. Tous séduits par cette façon de « militer différemment » et cette ambition affichée « d’inclure les habitants dans les décisions ».
L’objectif est en effet de « sortir de ce format classique des élections avec un chef ou deux, souvent des hommes blancs de plus de 50 ans, qui demande aux gens de se rallier à eux », indique le militant. Lui comme ses camarades refusent catégoriquement ce type de schéma vertical et planchent donc sur un système plus horizontal et plus démocratique. « On a toujours eu cette idée de choisir la tête de liste avec une élection sans candidats. Après, même à l’heure actuelle, on ne sait pas vraiment comment la liste va se décider », reconnaît Fabien Givernaud.
Procédé phare du GAC, au cœur de toute sa stratégie, « le plébiscite renverse ce qui se fait traditionnellement, vante Léonie Chamussy. Ce n’est pas une personne qui se propose pour être sur la liste, mais une personne qu’on a proposée. » Le processus de désignation est ainsi ouvert à l’ensemble des habitants de la ville. « Tous les Grenoblois ou les personnes impliquées dans la vie de la commune peuvent proposer des noms de citoyen-nes susceptibles de faire partie de la liste », explique-t-elle. Libre à chacun d’accepter ou non de figurer sur la plateforme de plébiscite citoyen.
Le binôme de têtes de liste désigné les 6 et 7 décembre
Seules contraintes, il faut être « éligible à Grenoble et porter des valeurs concordant avec celles du Grenoble Alpes collectif », définies notamment dans une charte. Toutes les personnes plébiscitées à la date limite du 15 novembre (actuellement une quarantaine) se retrouveront pour le week-end de rencontre et formation prévu samedi 15 et dimanche 16 novembre, avec en point d’orgue le grand meeting festif organisé ce samedi soir au local. Une première étape avant le week-end des 6 et 7 décembre, qui verra les membres du GAC et les habitants plébiscités désigner la ou les deux têtes de liste ainsi que les autres candidats de la liste.

Si le dispositif a déjà été expérimenté à Toulouse par l’Archipel citoyen, ce sera une grande première à Grenoble et plus gobalement en Isère. Un bon moyen de se démarquer lorsqu’on a « des moyens financiers et médiatiques bien plus faibles que ceux des autres candidats ». Pour Fabiern Givernaud, c’est aussi une question de cohérence : « Dans la Ve République, le maire ou le président ont tous les pouvoirs. Si on veut être crédible en prônant la sortie de la Ve République, il faut montrer que notre système fonctionne à l’échelle locale. »
Dans la même veine, les militant-es du Grenoble Alpes collectif prônent également la parité sociale, thème qui sera l’objet d’une soirée spéciale, le 4 décembre, en présence du sociologue Kevin Vacher. L’idée, là encore, est de démocratiser la politique, notamment grâce aux critères définis pour le plébiscite. « Ils sont beaucoup basés sur la classe sociale, l’origine géographique et ethno-raciale… Ce qui permet de présenter des personnes n’étant pas des professionnels de la politique », souligne le responsable de Mix’arts.
« Dans une autre logique que les partis politiques »
Naturellement, une question brûle les lèvres : comment se positionne politiquement le Grenoble Alpes collectif ? « On est une liste citoyenne et participative qui fait partie d’un réseau national, Actions communes, présentant plus de trois cents listes pour les municipales 2026, précise Léonie Chamussy. En fait, on est dans une autre logique que les partis politiques : on ne se définit pas de droite ou de gauche, on préfère parler de valeurs. » Alors bien sûr, celles-ci sont « plutôt des valeurs de gauche », admet Fabien Givernaud. « Mais comme la gauche institutionnelle ne les porte pas réellement, on n’a pas envie d’être étiqueté ainsi. »
Malgré tout, le GAC a déjà rencontré toutes les listes de gauche et continue à discuter avec tout le monde « hors Carignon et RN ». Mais pas question pour ses militants d’accepter les appels du pied et autres mains tendues aux airs de cadeau empoisonné. Car tous ont été échaudés par l’expérience du Réseau citoyen qui a, selon eux, sacrifié son autonomie et sa liberté en intégrant la municipalité Piolle.
« On veut désacraliser le statut des élus »
Pour les membres du collectif, tout cela découle de leur vision de l’élu, « différente de celle des autres partis ». Fabien Givernaud et Léonie Chamussy décryptent : « On veut désacraliser le statut des élus qui ne sont pas légitimes à prendre les décisions pour les habitants, mais qui sont là pour organiser les débats. L’argent public n’est pas le leur, c’est celui des gens ! »
Ce souci de contrôle démocratique se retrouve d’ailleurs dans le programme, en cours d’élaboration au sein des groupes de travail autonomes, qui réfléchissent sur diverses thématiques (culture, sécurité, alimentation, logement…). Durant plus de six mois, le Grenoble Alpes collectif a notamment travaillé sur le bilan des acteurs des politiques culturelles et sur celui des instances démocratiques — lequel a donné lieu à un épais dossier de plus de 70 pages.
« On s’est rendu compte à cette occasion qu’on avait encore quelques gros points de blocage avec la municipalité », relève Fabien Givernaud. « Mais ce n’est pas le cas sur tout », avoue-t-il honnêtement, citant les exemples de politiques positives sur « le vélo ou les cantines dans les écoles ».
Un budget citoyen géré à 100 % par les habitants
Dans le programme du GAC, l’un des points les plus emblématiques et symboliques concerne sans conteste le budget citoyen. Autrement dit, un budget municipal géré intégralement par une assemblée citoyenne, les Grenoblois décidant eux-mêmes de l’usage de chaque euro. « La majorité actuelle nous dit que c’est impossible mais on a rencontré Hakim Sabri [NDLR : l’ancien adjoint aux finances démissionnaire] pour qu’il nous donne son avis. Non seulement il a validé notre proposition mais en plus, il nous rejoint », se félicite Fabien Givernaud, ravi de cette « prise de guerre » conférant une réelle « légitimité » au collectif.

Ce dernier entend également redonner toute sa place à la société civile, au terme d’une décennie durant laquelle « la ville a énormément municipalisé les choses », déplore le militant. Celui-ci regrette ainsi « le fossé qui s’est creusé dans les quartiers populaires » entre les associations et la mairie, sans compter la quasi-disparition des structures indépendantes (maisons des habitants, MJC…). Le GAC, lui, propose notamment de « supprimer les grands événements organisés par la ville, comme la Fête des Tuiles, Émergences ou la Biennale des villes en transition ». Autant de projets coûteux dont le budget pourrait être affecté au monde associatif.
« Quand les gens sortent de ce qu’on leur matraque à la télévision, on réalise qu’ils sont capables de réfléchir par eux-mêmes. »
Fabien Givernaud, co-fondateur du GAC
Très critique sur la politique culturelle sous les mandats d’Éric Piolle, le collectif n’épargne pas non plus l’édile sur la question de la sécurité, accusant « la majorité d’avoir laissé le champ libre à la droite ». « C’est un sujet central », acquiesce Léonie Chamussy, qui appelle à « renforcer les expérimentations en cours » sur la police de proximité ou à « recréer des espaces de discussion pour faire dialoguer les habitants des quartiers avec les professionnels de la sécurité (policiers, pompiers…) ». Et ce, pour faire remonter des propositions dans les CLSPD ou à la préfecture.
Tous sont en revanche très sévères sur les mesures défendues par la droite, comme le développement des caméras de vidéosurveillance ou l’armement des policiers municipaux. « C’est purement démagogique et ça n’aurait pas d’effet sur la délinquance », juge ainsi Fabien Givernaud.
Ce dernier n’élude pas non plus indispensables politiques environnementales, citant plus particulièrement la convention citoyenne pour le climat. Avec un constat empirique : « Quand les gens sortent de ce qu’on leur matraque à la télévision, on réalise qu’ils sont capables de réfléchir par eux-mêmes. » D’où sa conviction quant à l’importance de la démocratie directe, qui ne se résume pas aux référendums, processus largement faussé par « tous les biais médiatiques ».
« Faire un gros score au premier tour et gagner la prochaine fois »
Dans ce contexte, qu’espère le Grenoble Alpes collectif en mars prochain ? Premier point, ses membres tiennent à rassurer sur leur sens des responsabilités. « On garde quand même l’objectif de ne pas faire passer la droite. S’il y a un vrai risque d’une arrivée de Carignon à la mairie, on fera bien sûr ce qu’il faut », se projette Fabien Givernaud. Pour le reste, assène Léonie Chamussy, « on n’est pas là pour faire de la figuration mais pour avoir des élus et mettre en place l’expérimentation de la démocratie directe ».
Sur le long terme, le GAC espère « faire vivre ses valeurs hors des élections », indique-t-elle. Entrer dans les instances de décision pour « changer les choses de l’intérieur ». « Lucides », comme ils l’avouent eux-mêmes, ses militants entendent bien faire du scrutin une tribune et un tremplin pour populariser leurs idées. Fabien Givernaud dévoile ainsi ce qui serait le véritable objectif du collectif : « faire un gros score au premier tour, en 2026, et gagner la prochaine fois »…
Meeting festif du GAC samedi 15 novembre
Le Grenoble Alpes collectif organise son premier meeting pour la campagne des municipales 2026, ce samedi 15 novembre au soir. Au menu : détails des premières grandes mesures du programme (sécurité, culture, logement, démocratie, etc) ; présentation du journal du GAC ; célébration du plébiscite ; concerts d’Arash Sarkechik (avec son projet Bladi Sound System) et de Non-Binary Beats.
Ouverture du meeting à 19h, concerts à partir de 20h30, au local du GAC, 20 avenue Félix-Viallet, à Grenoble. Plus d’informations sur l’évènement Facebook du meeting.


