Fontaine. La mairie expulse une famille deux jours avant la trêve hivernale

Par Maryvonne Mathéoud

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Les manifestants se sont rassemblés devant la mairie de Fontaine, à l'appel du comité de soutien réunissant RESF, la FCPE, le Groupe solidarité paroisse rive gauche du Drac et l'Intersyndicale enfants migrant.e.s (PAS, CNT, CGT, FSU, SUD).
C'est la consternation qui dominait ce lundi 10 novembre au soir, lors du rassemblement de soutien à la famille M., établie depuis douze ans à Fontaine et expulsée par la municipalité. Comment la mairie a-t-elle pu jeter une mère et ses deux enfants à la rue à la veille de la trêve hivernale ? Et ce, d'autant que ces deux derniers sont scolarisés à l'école et au collège, dans la commune.

Cette famille vit depuis de trop longues années un par­cours de pré­ca­ri­té dans des héber­ge­ments suc­ces­sifs. De 2014 à 2016, elle a ain­si été héber­gée par la Relève en tant que deman­deuse d’a­sile. Puis mena­cée d’ex­pul­sion une pre­mière fois car débou­tée de sa demande d’a­sile. Une mobi­li­sa­tion de sou­tien s’est alors mise en place à Fon­taine, condui­sant la muni­ci­pa­li­té com­mu­niste pré­cé­dente à l’hé­ber­ger dans des locaux vides, rue Yves-Farge, de 2016 à 2018.

Pré­sente au ras­sem­ble­ment, Clau­dine Didier, can­di­date de la liste d’u­nion de la gauche éco­lo­giste et citoyenne, est la mar­raine de la famille expul­sée.

Mal­heu­reu­se­ment, à la suite du scru­tin de 2020, la nou­velle équipe muni­ci­pale de droite, conduite par Franck Lon­go, a deman­dé à la mère et à ses deux enfants de quit­ter les lieux. La famille s’est donc retrou­vée occu­pante sans droit ni titre et sous la pres­sion per­ma­nente d’une mise à la rue. Et en 2023, sous pré­texte de détruire l’im­meuble de la rue Yves-Farge, la mai­rie a relo­gé la famille dans un appar­te­ment contre une rede­vance d’oc­cu­pa­tion tem­po­raire de 150 euros men­suels. Ceci, bien que la famille soit sans reve­nus.

Absence de volonté politique

Alors que les ren­trées sco­laires s’en­chaînent, la situa­tion des familles sans logis ne fait que s’ag­gra­ver. En 2025, il semble deve­nu nor­mal pour les ins­ti­tu­tions de lais­ser des enfants naître, vivre et mou­rir à la rue. Dans l’ag­glo­mé­ra­tion gre­no­bloise, 450 enfants et leurs familles vivent ain­si à la rue, en bidon­ville, en squat, héber­gés chez des tiers ou dans des héber­ge­ments dont ils vont être expul­sés.

La res­pon­sa­bi­li­té de cette situa­tion dra­ma­tique et scan­da­leuse incombe à l’ab­sence de volon­té poli­tique à dif­fé­rents niveaux. Illus­tra­tion à Fon­taine où, à ce jour, tous les loge­ments d’ur­gence ont été détruits. Dans une com­mune de 23 000 habi­tants, il n’y a plus de loge­ments dis­po­nibles offi­ciel­le­ment en cas de grande néces­si­té pour les Fon­tai­nois. (feu, dégâts des eaux…).

« Un toit, c’est un droit », rap­pe­lait la ban­de­role des mani­fes­tants.

Néan­moins, les asso­cia­tions recensent près de 17 000 loge­ments vacants dans l’ag­glo­mé­ra­tion gre­no­bloise. Les solu­tions existent donc, pour­tant l’État refuse de finan­cer et d’ou­vrir de nou­velles places d’hé­ber­ge­ment, de créer des loge­ments sociaux et très sociaux et de lut­ter contre le loge­ment cher. Quant aux col­lec­ti­vi­tés locales (métro­pole, mai­ries), celles-ci pré­fèrent igno­rer la pro­blé­ma­tique et ne font rien ou trop peu pour assu­rer l’hé­ber­ge­ment sur leurs ter­ri­toires, tan­dis que la hié­rar­chie de l’É­du­ca­tion natio­nale ne joue pas son rôle d’as­su­rer le droit à une édu­ca­tion de qua­li­té pour tous les élèves.

La majorité stigmatise les demandeurs d’asile

Même dans ce sombre tableau, la ville de Fon­taine par­vient à se dis­tin­guer néga­ti­ve­ment, allant donc jus­qu’à expul­ser elle-même une famille et arrê­tant tout sou­tien aux per­sonnes les plus pré­caires, à la rue ou mena­cées de l’être. À cela s’a­joutent en outre les poli­tiques et lois aus­té­ri­taires, racistes et anti-pauvres qui s’en­chaînent sur le ter­ri­toire com­mu­nal.

Inter­ven­tion de Marie, mili­tante de RESF et de l’In­ter­syn­di­cale enfants migrant.e.s.

Et que dire du com­mu­ni­qué indigne de Monique Kas­sio­tis, adjointe à la soli­da­ri­té, cohé­sion sociale et lutte contre les dis­cri­mi­na­tions, publié sur le site de la ville ? « L’ap­par­te­ment a, par ailleurs, été for­te­ment dégra­dé et ren­du insa­lubre », ose-t-elle décla­rer. Avant de pour­suivre sur le même ton : « Depuis le prin­temps 2025 et contrai­re­ment à ce qui a pu être affir­mé, per­sonne n’a été ‘mis à la rue’. L’État a pro­po­sé à cette famille une solu­tion d’hébergement d’urgence ain­si qu’un dis­po­si­tif d’aide au retour dans son pays d’origine. Ces solu­tions ont été refu­sées par la famille qui a fina­le­ment quit­té le loge­ment avant la mise en œuvre de l’expulsion. »

Les témoi­gnages de per­sonnes sui­vant la famille démentent pour­tant l’affirmation de « forte dégra­da­tion » des lieux. Par ces pro­pos non docu­men­tés, l’adjointe soi-disant en charge de « cohé­sion sociale » contri­bue à atti­ser la haine sur les réseaux sociaux. Cela éclaire bien la volon­té de l’é­quipe muni­ci­pale de stig­ma­ti­ser les deman­deurs d’a­sile et de les ren­voyer dans leur pays d’o­ri­gine.

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