Vencorex. Les syndicats sonnent l’alarme sur la sécurité et la dépollution du site

Par Manuel Pavard

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Après la cession de Vencorex décidée par le tribunal de commerce, de multiples questions entourent la sécurité et la dépollution du site de 120 hectares, à Pont-de-Claix.
Une semaine après la décision du tribunal de commerce entérinant la cession de Vencorex à BorsodChem / Wanhua, la CGT tire la sonnette d'alarme sur les risques en matière de sécurité et d'environnement pour le site (classé Seveso seuil haut) de Pont-de-Claix. Les élus syndicaux ont ainsi lancé, mardi 15 avril, un "danger grave et imminent" et un "droit d'alerte santé publique et environnement". Représentant les syndicats (CGT, CFDT, CFE-CGC) et des associations, l'avocat Pierre Janot a par ailleurs interpellé, ce mercredi 16 avril, les industriels, sommés d'assumer la charge et le coût de dépollution de la plateforme chimique.

La ces­sion est désor­mais maté­ria­li­sée. Après le déli­bé­ré ren­du, le 10 avril, par le tri­bu­nal de com­merce de Lyon attri­buant la reprise (très) par­tielle de Ven­co­rex à Bor­sod­Chem / Wan­hua, les auto­ri­sa­tions pré­fec­to­rales ont été four­nies à PDC Che­mi­cal, filiale fran­çaise du repre­neur, le 14 avril à minuit. Néan­moins, « la ges­tion de la sécu­ri­té et des rejets envi­ron­ne­men­taux n’est pas encore effec­tive par leur orga­ni­sa­tion », aver­tissent Séve­rine Dejoux et Denis Car­ré, élus CGT au CSE, dans un cour­rier adres­sé, ce mar­di 15 avril, à la pré­fète de l’I­sère, à la Dreal, à l’ins­pec­tion du tra­vail et au maire de Pont-de-Claix.

Les élus CGT Séve­rine Dejoux et Denis Car­ré, entou­rés d’É­li­sa Mar­tin et Chris­tophe Fer­ra­ri, le 10 avril, à Pont-de-Claix, après l’an­nonce de la déci­sion du tri­bu­nal de com­merce.

Ce sont ain­si tou­jours les sala­riés de Ven­co­rex qui assurent la sécu­ri­té de la pla­te­forme chi­mique de Pont-de-Claix, site clas­sé Seve­so seuil haut et accueillant encore des entre­prises en acti­vi­té. Or, ceux-ci n’ont pas encore signé les conven­tions de mise à dis­po­si­tion — sou­hai­tée par la direc­tion — auprès de PDC Che­mi­cal, « toutes les garan­ties ne leur ayant pas été appor­tées sur leurs condi­tions de tra­vail pen­dant cette période », expliquent les repré­sen­tants du per­son­nel. Les­quels ont « des doutes sur le fait que suf­fi­sam­ment de sala­riés le feront puisque la plu­part d’entre eux ne seront pas repris et seront bien­tôt licen­ciés ».

« Cette phase transitoire n’a pas été anticipée »

La CGT, qui rap­pelle avoir aler­té à de mul­tiples reprises sur « l’im­pré­pa­ra­tion de PDC Che­mi­cal », a l’im­pres­sion que « cette phase tran­si­toire n’a pas été anti­ci­pée ». D’où des ques­tions sus­ci­tant une pro­fonde inquié­tude. « Qui va don­ner les ordres en termes de sécu­ri­té ? Qui gère­rait un acci­dent avec déploie­ment d’une cel­lule de crise ? », s’in­ter­roge le syn­di­cat.

De fait, les risques sont bien réels. « La sécu­ri­té des sala­riés de Ven­co­rex (et tous les autres) tra­vaillant sur la pla­te­forme n’est pas garan­tie en cas d’ac­ci­dent ou de d’in­ci­dent néces­si­tant inter­ven­tion des secours », estiment Séve­rine Dejoux et Denis Car­ré, qui ont donc « déclen­ché un dan­ger grave et immi­nent », indiquent-ils dans la lettre. Par ailleurs, « aucun sala­rié de PDC Che­mi­cal ne semble aujourd’­hui en charge des ana­lyses envi­ron­ne­men­tales », pour­suivent-ils. C’est pour­quoi les élus CGT ont éga­le­ment lan­cé, ce mar­di 15 avril, « un droit d’a­lerte san­té publique et envi­ron­ne­ment ».

« Nous ne com­pre­nons pas com­ment un juge­ment a pu ordon­ner une ces­sion alors que l’or­ga­ni­sa­tion de la sécu­ri­té n’est pas effec­tive sur une pla­te­forme Seve­so seuil haut. »

Séve­rine Dejoux et Denis Car­ré, élus CGT au CSE de Ven­co­rex

Devant un tel état des lieux, la déci­sion du tri­bu­nal de com­merce leur paraît encore plus décon­nec­tée de la réa­li­té et des enjeux concrets. Séve­rine Dejoux et Denis Car­ré le répètent en conclu­sion du cour­rier, tous deux ne com­prennent pas « com­ment un juge­ment a pu ordon­ner une ces­sion alors que l’or­ga­ni­sa­tion de la sécu­ri­té n’est pas effec­tive sur une pla­te­forme Seve­so seuil haut ».

Le piquet de grève, à l’en­trée de la pla­te­forme de Pont-de-Claix, durant la grève des sala­riés de Ven­co­rex, fin 2024.

La CGT n’é­lude pas non plus les consé­quences poten­tielles à plus long terme — la casse sociale n’é­tant pas la seule impli­ca­tion néga­tive de cette situa­tion. Quid en effet du deve­nir de ce vaste site s’é­ten­dant sur 120 hec­tares ? C’est en ce sens qu’est inter­ve­nu ce mer­cre­di 16 avril l’a­vo­cat — et conseiller régio­nal éco­lo­giste — Pierre Janot, qui s’ex­pri­mait au nom des syn­di­cats de Ven­co­rex (CGT, CFDT, CFE-CGC) et des asso­cia­tions France nature envi­ron­ne­ment (FNE) et San­té envi­ron­ne­ment Rhône-Alpes (Sera).

Vencorex, PTT GC et Solvay doivent assumer la dépollution

« Le ministre de l’In­dus­trie Marc Fer­rac­ci ima­gine un redé­ploie­ment de cette pla­te­forme, mais le sujet est indis­so­ciable de la dépol­lu­tion du site », sou­ligne Me Janot. Soit une énorme opé­ra­tion, asso­ciée à de lourds enjeux sur les plans de l’en­vi­ron­ne­ment et de la san­té publique, et dont le coût pour­rait, selon dif­fé­rentes sources, appro­cher le mil­liard d’eu­ros.

Le redé­ploie­ment envi­sa­gé pose­rait en outre deux sou­cis majeurs, expose l’a­vo­cat. D’une part, « le déman­tè­le­ment des uni­tés de pro­duc­tion. D’a­près la carte, il n’y a qu’une très faible par­tie des 120 hec­tares qui conti­nue­ra à être exploi­tée. Ce qui pose un pro­blème de sûre­té, de sécu­ri­té et de main­te­nance du site », déplore-t-il, évo­quant le lien avec le dan­ger grave et immi­nent lan­cé par la CGT. D’autre part, « la dépol­lu­tion des ter­rains », pro­blème très ancien qui « date de l’en­fouis­se­ment de 1959 à 1976 ».

Qui Pierre Janot vise-t-il ? En pre­mier lieu, les indus­triels, en ver­tu notam­ment de la loi Alur qui impose une obli­ga­tion de dépol­lu­tion aux exploi­tants. Mal­heu­reu­se­ment, le « mon­tant sym­bo­lique d’1,5 mil­lion d’eu­ros » pro­vi­sion­né à cet effet par Ven­co­rex est loin d’être suf­fi­sant, d’au­tant que cette somme risque de ne jamais être déblo­quée « du fait de la ces­sa­tion de paie­ments ». L’a­vo­cat et les res­pon­sables syn­di­caux et asso­cia­tifs se tournent donc éga­le­ment vers la mai­son-mère, le groupe thaï­lan­dais PTT Glo­bal Che­mi­cal, tou­te­fois sans grandes illu­sions.

Près de 76 000 tonnes de déchets enfouis, « une bombe à retardement chimique »

Outre Ven­co­rex, une autre entre­prise de la pla­te­forme chi­mique de Pont-de-Claix est elle aus­si ciblée : la socié­té Sol­vay, pro­prié­taire des ter­rains où sont enfouis quelque 76 000 tonnes de déchets chi­miques et orga­niques (dont 30 000 tonnes de dioxines), depuis la fin des années 1970. À la demande de la séna­trice com­mu­niste Annie David — qui poin­tait déjà à l’é­poque « une bombe à retar­de­ment chi­mique » — ces déchets ont été recou­verts en 2017 d’un « sar­co­phage » per­met­tant de les iso­ler du sol et d’é­vi­ter une infil­tra­tion dans la nappe phréa­tique.

La séna­trice PCF Annie David avait fait pres­sion pour limi­ter les risques liés à l’en­fouis­se­ment de 76 000 tonnes de déchets sur le site.

Mais qui va entre­te­nir cet amé­na­ge­ment main­te­nant ? Un point cru­cial car la « poro­si­té » de l’ou­vrage pour­rait conduire les déchets à se déver­ser dans les nappes et in fine dans le Drac, craignent Me Janot et Phi­lippe Dubois, pré­sident de FNE Isère. Pour eux, Sol­vay doit pro­cé­der à leur enlè­ve­ment. Dépol­luer le site relève en effet ici de la san­té publique car il existe un risque de « mise en dan­ger de la vie d’autrui », affirme l’a­vo­cat. Et celui-ci de rap­pe­ler que pour les rive­rains des pla­te­formes de Pont-de-Claix et Jar­rie, il est déjà « inter­dit de man­ger les légumes issus de son pota­ger ».

Appliquer le principe « pollueur-payeur »

Concer­nant le coût de la dépol­lu­tion, tous sont una­nimes : c’est aux indus­triels d’as­su­mer cette fac­ture envi­ron­ne­men­tale colos­sale. « Est-ce qu’on applique le prin­cipe pol­lueur-payeur ? C’est ce que nous sou­hai­tons faire », assène Pierre Janot, rap­pe­lant que « ces socié­tés ont béné­fi­cié d’aides de l’É­tat et gagné beau­coup d’argent ».

Pour lui, comme pour les syn­di­cats et asso­cia­tions, « la pol­lu­tion n’est pas un mis­ti­gri » que les entre­prises pour­raient « refi­ler aux col­lec­ti­vi­tés et donc aux contri­buables », tout en se dédoua­nant. Hors de ques­tion d’être le din­don de la farce !

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