Covid-19 : les leçons d’un confinement

Par Luc Renaud

/

La protection des salariés contre le risque de contamination a été le cœur de l’activité de la CGT ST Micro, à Crolles. Avec des résultats concrets. Une intervention qui se poursuit dans le contexte d’une reprise de l’activité dont la rapidité inquiète. Entretien avec David Majewki, délégué syndical CGT du site. Un dossier Covid exceptionnel avec des reportages sur la vie au travail, le télétravail, le bol d'air des marchés, l'école, les hôpitaux, l'organisation des secours, l'alimentation, la presse...

Image principale
Les grands boulevards, à Grenoble. En lieu et place de l'agitation coutumière, désertés, en ce mois d'avril confiné.


« La direc­tion anti­cipe le décon­fi­ne­ment. » Constat de David Majews­ki, délé­gué syn­di­cal CGT à l’usine crol­loise de ST Microe­lec­tro­nics. Nous étions pour­tant le 24 avril, à près de trois semaines de la date offi­cielle d’un début de reprise, le 11 mai. Mais c’est dès le début de l’épidémie que deux logiques se sont affron­tées : la satis­fac­tion des clients et des action­naires ou la pré­émi­nence de la san­té des sala­riés.

Au point que, dès le 18 mars, la CGT, avec le concours de l’inspection du tra­vail, avait lan­cé une pro­cé­dure de constat de « dan­ger grave et immi­nent » pour les sala­riés. « Au début, se sou­vient David Majews­ki, nous n’avions que des marques au sol et un accès à du gel hydro­al­coo­lique ». Un accord d’entreprise, aus­si, qui pré­voyait la dimi­nu­tion des effec­tifs pré­sents sur le site « jusqu’à 50 % », objec­tif qui n’a jamais été réel­le­ment atteint dans les zones de pro­duc­tion. Sept cents per­sonnes étaient pré­sentes sur le site par tranche de 24 heures, un mini­mum de trois cents en même temps. Une prime de pré­sen­téisme était pro­po­sée aux sala­riés, trois cents euros. Le recours aux inté­ri­maires était mul­ti­plié pour main­te­nir le niveau de la pro­duc­tion. Laquelle n’avait guère bais­sé de plus de 20 à 30 %, selon le degré d’automatisation des pro­ces­sus. Mi-mars, La CGT deman­dait donc la mise en veille de la pro­duc­tion.

David Majews­ki, délé­gué CGT à ST Micro Crolles : « Notre inter­ven­tion a ren­for­cé la sécu­ri­té ».

Cette pro­cé­dure de dan­ger grave et immi­nent a pour­tant fait bou­ger les choses. « Depuis, trente-une mesures bar­rière ont été prises, en plus de ce qui exis­tait déjà », sou­ligne David Majews­ki. Camé­ra ther­mique à l’entrée, adap­ta­tion des croi­se­ments entre équipes mon­tantes et des­cen­dantes, ins­tal­la­tion de dis­tri­bu­teurs de gel, ren­for­ce­ment de l’équipement en masques, évo­lu­tion de la ges­tion des pla­teaux à la can­tine… « Ce que nous avons fait a été utile. »

Reste pour­tant un motif d’inquiétude, celui de la rapi­di­té de la reprise de l’activité. « Aujourd’hui (le 24 avril, ndlr), même si c’est dif­fi­cile d’être pré­cis, nous attei­gnons les mille per­sonnes pré­sentes par tranche de 24 heures sans comp­ter les sala­riés exté­rieurs à ST Micro tra­vaillent sur le site », note David Majews­ki. Les tra­vaux de déve­lop­pe­ment de l’outil de pro­duc­tion, un temps sus­pen­dus, ont repris leur cours. Des sala­riés en télé­tra­vail sont reve­nus.

Alors la CGT pour­suit son tra­vail de pro­tec­tion des sala­riés. Pour les inté­ri­maires, par exemple. « La règle, pour les sala­riés de ST, c’est une jour­née de ‘‘mise à l’écart’’ par semaine ; pour les inté­ri­maires, c’est une tous les quinze jours : nous deman­dons qu’ils béné­fi­cient de la même règle que nous. » Le syn­di­cat CGT de Man­po­wer a d’ailleurs à son tour sus­ci­té une pro­cé­dure de dan­ger grave et immi­nent pour les inté­ri­maires. Mi-avril, l’une d’entre eux était tes­tée posi­tive au virus.

De nouveaux contacts, un atout de plus pour l’activité syndicale

Sur le site crol­lois, l’instruction du dan­ger grave et immi­nent suit son cours. L’inspection du tra­vail s’est ren­due sur place le mar­di 21 avril, des entre­tiens ont eu lieu avec la direc­tion. « La situa­tion évo­lue plus vite que la pro­cé­dure, note David Majews­ki, mais tout ce que nous avons acquis est utile pour aujourd’hui et le sera évi­dem­ment demain si la hâte avec laquelle s’organise le décon­fi­ne­ment devait contri­buer à une deuxième vague pan­dé­mique – notre action syn­di­cale, c’est aus­si pour ten­ter d’éviter d’en arri­ver là. »

Action syn­di­cale, c’est aus­si ce qui aura mar­qué ces jours inédits. « Bien sûr, nous ne pou­vions pas nous rendre dans les ate­liers et les bureaux comme nous le fai­sons d’habitude », explique David Majews­ki. Reste une réa­li­té, celle de l’efficacité syn­di­cale : les sala­riés ont pu consta­ter dans leur vie au tra­vail les fruits de l’activité de la CGT. « Le déve­lop­pe­ment des mesures bar­rière, c’est un vrai résul­tat. » Ces deux mois ont aus­si per­mis de déve­lop­per de nou­velles formes de lien avec les sala­riés. « Nous avons mul­ti­plié les canaux d’information, avec les syn­di­qués comme c’est l’habitude, mais aus­si avec des sala­riés qui vou­laient être infor­més par le syn­di­cat et nous avons pu le faire par voie élec­tro­nique, un outil sup­plé­men­taire que nous pour­rons uti­li­ser à l’avenir. » Le site inter­net de la CGT Crolles a éga­le­ment joué un rôle impor­tant, « sa fré­quen­ta­tion a été mul­ti­pliée par trois ». Certes, « nous ne sommes pas au niveau de ce qu’a pu faire la direc­tion avec ses envois de cour­riels qua­si quo­ti­diens, mais une infor­ma­tion syn­di­cale a pu réel­le­ment exis­ter ».

Et puis il reste le cœur de l’action au quo­ti­dien : « le syn­di­cat inter­vient sur toutes les situa­tions dan­ge­reuses, nous fai­sons évo­luer les choses ; c’est ce qui est essen­tiel ».

Eli­sa Bales­trie­ri, secré­taire de l’u­nion dépar­te­men­tale CGT.

Qui va payer la crise sanitaire ?

Quelle place pour la vie humaine quand il faut sauver l’économie ? Sur le terrain du travail, deux logiques s’affrontent. Protéger les salariés ou les bénéfices, il faut choisir.

Le 16 mars, le pre­mier dis­cours de Macron sem­blait clair : res­tez chez vous, télé­tra­vaillez si vous le pou­vez, et ne vous ren­dez pas sur votre lieu de tra­vail. Si clair que beau­coup d’entreprises ont pris l’initiative de fer­mer. Mais dès qu’il appa­raît que le confi­ne­ment va durer et que l’État ne paie­ra pas tout, les boîtes rouvrent les unes après les autres : il faut faire entrer du chiffre d’affaires.

Très rapi­de­ment, la CGT est sol­li­ci­tée sur tout le ter­ri­toire. « Je dois retour­ner bos­ser, on est à quatre dans un camion sans savoir si l’un de nous est por­teur du virus. » « Mon entre­prise ne met pas grand chose en place : ni gants, ni masques. Ils nous demandent juste de tra­vailler à un mètre les uns des autres. » Les appels se suc­cèdent, et la CGT éla­bore un plan de bataille : les syn­di­cats déposent des droits d’alerte pour dan­ger grave et immi­nents (DGI), encou­ragent les sala­riés à exer­cer leur droit de retrait et demandent au gou­ver­ne­ment de dres­ser une liste des entre­prises stra­té­giques, pour faire fer­mer les autres. « A ST Micro, ça fait trois semaines que la pro­cé­dure est en cours d’instruction : com­bien de nou­velles conta­mi­na­tions pen­dant ce temps ? » s’interroge Eli­sa Bales­trie­ri, secré­taire de l’UD-CGT. Et des batailles sont gagnées : « chez Bec­ton Dikin­son, le DGI a obli­gé la direc­tion à mettre en place des mesures d’hygiène ren­for­cées. A Saint-Egrève, la rou­ver­ture de Noz, elle, n’aura tenu que deux jours face à la pres­sion des sala­riés accom­pa­gnés de la CGT com­merce. »

Des fermetures, des protections supplémentaires

Si la crise sani­taire a un coût, il ne doit pas être sup­por­té par les sala­riés : des employeurs n’ont payé que la par­tie prise en charge par la sécu en cas d’arrêt pour garde d’enfant, obli­geant les parents à vivre avec 50 % de leur salaire. Et depuis que le gou­ver­ne­ment a auto­ri­sé les employeurs à fixer uni­la­té­ra­le­ment les dates de congé, avec une prime poten­tielle pour ceux qui vont bos­ser, le mes­sage est encore plus clair : les entre­prises n’ont pas les moyens, les sala­riés doivent payer. « Ça, c’est ce qu’affirment le Medef et le gou­ver­ne­ment, mais la réa­li­té est tout autre : le CAC 40 dis­tri­bue des mil­liards de divi­dendes et les assu­rances réa­lisent des pro­fits mons­trueux avec la dimi­nu­tion des acci­dents de la route : c’est là qu’il faut prendre l’argent pour inves­tir mas­si­ve­ment dans l’hôpital, les ser­vices publics et garan­tir à cha­cun un reve­nu sans ris­quer de se tuer, lit­té­ra­le­ment, au tra­vail » mar­tèle Eli­sa.

Louis Zarans­ki

Sanction pour refus de transport de virus

Eric (le pré­nom a été modi­fié) est trans­por­teur. Le 14 mars, alors que la crise explose en Ita­lie, son employeur lui demande d’aller y faire une livrai­son. Il refuse, pour ne pas prendre de risque et évi­ter de rame­ner le virus à son retour. Deux semaines plus tard, en plein confi­ne­ment, il est convo­qué à un entre­tien préa­lable au licen­cie­ment. Aler­tée par le sala­rié qui voit déjà sa vie s’effondrer, la CGT accom­pagne ce sala­rié en vue de por­ter l’affaire devant les prud’hommes, dont l’activité juri­dic­tion­nelle est à l’arrêt.

Des droits à défendre

Le confi­ne­ment, occa­sion de bri­ser les syn­di­cats ? C’est en tout cas ce que fai­sait la direc­tion de la Sécu­ri­té sociale jusqu’à fin avril : depuis le 16 mars, elle inter­di­sait aux délé­gués syn­di­caux d’accéder aux sites, les empê­chant du même coup d’envoyer des mails aux sala­riés. « C’est aus­si pour ça que la CGT a créé un numé­ro vert pour accom­pa­gner les sala­riés dans la défense de leur droit : dif­fu­sez par­tout le 0 805 384 899 ! »

Sur le télé­tra­vail, un télé­en­tre­tien – ici avec Isa­belle Krzyw­kows­ki –, quoi de plus nor­mal.

Le télétravail ne peut pas tout

Le télétravail existait déjà, à petite dose dans certaines professions. Qu’en est-il lorsque que le passage obligé par le filtre de l’écran se généralise ?


Per­sonne n’était prêt. Évi­dem­ment. Il a fal­lu com­men­cer par tra­quer les ordi por­tables dis­po­nibles, les équi­per pour le télé­tra­vail. A la Métro, par exemple. Isa­belle Krzyw­kows­ki, ensei­gnante cher­cheuse en lettres, confirme cette impré­pa­ra­tion : « Les outils mis en œuvre sont inadap­tés, notam­ment pour l’enseignement. » D’où une « perte de temps », rele­vée par Sté­pha­nie Prasse, cadre au Centre tech­nique du papier (CTP).

Orga­ni­ser le tra­vail à domi­cile avec cette ampleur, ce fut aus­si une décou­verte. Fré­dé­ric Noël, ensei­gnant-cher­cheur à l’Institut natio­nal poly­tech­nique (INP), syn­di­ca­liste, relève qu’un « un accord pour un à deux jours par semaine exis­tait ; nous sommes aujourd’hui dans le flou régle­men­taire ». Et Isa­belle Krzyw­kows­ki note qu’il n’y a « aucun cadre défi­ni (horaires, pauses…) ». Avec, dans le contexte spé­ci­fique du confi­ne­ment, une dif­fi­cul­té sup­plé­men­taire : « pour les col­lègues qui ont charge d’enfants, il est dif­fi­cile de déga­ger 8 heures en conti­nu. Le tra­vail frag­men­té, c’est rude. Aucune réflexion n’a été menée sur l’allègement des tâches. »

Ceux qui peuvent travailler à la maison et les autres

Autre constat de Chris­tophe Ney­ret, cadre au CTP : « C’est un élé­ment de rup­ture sociale, rapi­de­ment la dif­fé­rence s’est mar­quée entre tech­ni­ciens et ingé­nieurs. » Ceux qui peuvent tra­vailler à la mai­son et les autres. A l’INP, les tech­ni­ciens ont été auto­ri­sés à res­ter chez eux. C’est loin d’être par­tout le cas.

Les condi­tions de télé­tra­vail, un autre aspect. Isa­belle Krzyw­kows­ki com­mente : « Nous vivons depuis long­temps avec des horaires exces­sifs, à dix heures par jour ; ce qui change, c’est que c’est dix heures d’écran ». La com­mis­sion hygiène et sécu­ri­té du CSE de l’INP a noté « une aug­men­ta­tion du stress ».

Mais la période est pro­pice à la réflexion. Marianne Pré­vost, biblio­thé­caire à l’université, l’indique : « Beau­coup de nos acti­vi­tés sont arrê­tées, ça laisse du temps : on mesure les prio­ri­tés, le rôle de chaque sala­rié ». Pers­pec­tive d’une reva­lo­ri­sa­tion du tra­vail de cha­cun, d’une orga­ni­sa­tion uti­li­sant à la fois les pos­si­bi­li­tés d’un tra­vail à dis­tance mieux défi­ni et la réha­bi­li­ta­tion du col­lec­tif de tra­vail ?

Edouard Schoene

Le travail, c’est collectif

« Les visio­con­fé­rences réduisent les échanges, accroissent les ten­sions. » Un constat : on se com­prend mieux quand on est phy­si­que­ment pré­sent. L’expérience du confi­ne­ment à domi­cile met en lumière l’importance du col­lec­tif de tra­vail et la vigi­lance néces­saire sur le droit du tra­vail. « La créa­ti­vi­té, c’est le fruit de col­lec­tifs de tra­vail, elle est affai­blie par l’absence de ren­contres. »

Tirer bénéfice de l’expérience, aussi

Si la ren­contre phy­sique est indis­pen­sable à l’efficacité du col­lec­tif de tra­vail, l’expérience du télé­tra­vail ouvre aus­si des pers­pec­tives. « On pol­lue moins en se dépla­çant moins et je gagne 1 h 30 de trans­port quo­ti­dien. Les visio­con­fé­rences pour­raient être uti­li­sées pour réduire des dépla­ce­ments coû­teux et chro­no­phages. » « Dans cer­tains cas, le télé­tra­vail per­met de se concen­trer sur une tâche. » Une condi­tion : « le télé­tra­vail, les visio­con­fé­rences, ce ne sont que des outils sup­plé­men­taires, pas alter­na­tifs. »

Marie Menut, adjointe en charge du déve­lop­pe­ment éco­no­mique à Fon­taine.

Les marchés, le bol d’air du confinement

« Quand on a appris que les marchés devaient fermer, ça a été le choc : comment vont survivre les petits producteurs ? Comment les gens vont-ils pouvoir continuer à bien manger à un prix abordable ? »


C’est par ces mots que réagit Marie Menut, adjointe en charge du déve­lop­pe­ment éco­no­mique, des locaux d’activité, de l’économie sociale et soli­daire à Fon­taine.

La ville de Fon­taine s’est donc mobi­li­sée pour sau­ver ses mar­chés et a sai­si la brèche ouverte par la pré­fec­ture, quand celle-ci a annon­cé que des déro­ga­tions seraient pos­sibles. Sur les sept demi-jour­nées de mar­ché que compte la ville, la demande porte sur la réou­ver­ture de quatre : « pour nous, il fal­lait en deman­der le maxi­mum pour en obte­nir au moins une ou deux », confie Marie. A sa sur­prise, la pré­fec­ture valide toutes les demandes : le mar­ché Mar­cel Cachin s’installe les mar­di, same­di et dimanche matin, et le mar­ché de pro­duc­teurs reprend sa place le mer­cre­di après-midi dès la semaine du 23 mars.

Tout Fontaine est là

Le mar­ché n’a pas qu’un rôle éco­no­mique : il a éga­le­ment un rôle social. C’est pour beau­coup la seule sor­tie de la semaine, l’occasion de par­ler à quelqu’un d’autre que son conjoint ou ses enfants au télé­phone. A 1m50 de dis­tance, les conver­sa­tions n’en finissent plus, preuve que ce bol d’air est néces­saire.

Les mar­chés ont un suc­cès dingue, avec une clien­tèle extrê­me­ment variée : tout Fon­taine est là, et même des rive­rains qui n’avaient pas l’habitude de faire leurs courses au mar­ché. « Le grand air est moins anxio­gène qu’une grande sur­face », sou­ligne Marie.

Quand les com­mer­çants non séden­taires pour­ront-ils reve­nir ? « L’État doit fixer les règles : c’est la seule pos­si­bi­li­té pour que tout le monde soit trai­té sur un pied d’égalité. »

Louis Zarans­ki

Le lait n’attend pas

Marion Cal­vat est fro­ma­gère et vend sa pro­duc­tion sur les mar­chés de La Mure, Pierre-Châ­tel et Vizille. Quand elle a appris leur fer­me­ture, ça a été la panique. Et l’incompréhension, aus­si : les grandes sur­faces res­taient ouvertes. « La traite, c’est tous les jours ; la cave n’est pas exten­sible et si les fro­mages ne sont pas écou­lés, nous ne pou­vons plus en fabri­quer et le lait doit être jeté », explique Marion. C’est donc avec sou­la­ge­ment qu’elle apprend que les mar­chés de Pierre-Châ­tel et Vizille sont main­te­nus. « La Mure n’a même pas pris le temps de nous pas­ser un coup de fil : c’est en regar­dant sur inter­net qu’on a su qu’ils n’avaient pas fait la demande de déro­ga­tion. » Marion sou­ligne l’investissement des villes : « Les mar­chés de Pierre Châ­tel et Vizille ont été dédou­blés, et les agents assurent la sécu­ri­té ». Et les gens sont contents : ils retrouvent leurs bons pro­duits et ont besoin de dis­cu­ter.

Les mar­chés, aus­si essen­tiels pour les consom­ma­teurs que pour les pro­duc­teurs.
Les marchés du monde d’après

Beau­coup d’habitués n’étaient pas là, dans les mar­chés du confi­ne­ment. Mais Marion, fro­ma­gère mathey­sine, note qu’ils ont accueilli une nou­velle clien­tèle : « La libé­ra­tion du temps a don­né envie de s’intéresser à ce qui se fai­sait à côté de chez soi. Ça ouvre les yeux, ça montre qu’on peut man­ger local à des prix abor­dables ». Marion l’espère : « L’habitude va être gar­dée, car cette nou­velle clien­tèle a eu le temps de décou­vrir de bons pro­duc­teurs ».

Agents, producteurs, clientèle, la solidarité

A Fon­taine, après une mise en place un peu chao­tique, tout s’est rapi­de­ment rodé : les ser­vices tech­niques ins­tallent les bar­rières et font res­pec­ter les normes sani­taires. « C’est un inves­tis­se­ment humain lourd pour les agents, com­pli­qué pour les gens, mais ensemble nous avons démon­tré que tout le monde est suf­fi­sam­ment res­pon­sable pour que ça se passe bien. » Marie Menut insiste sur l’engagement des agents de la ville et sur la soli­da­ri­té des pro­duc­teurs : « Ils orga­nisent eux-même le rou­le­ment, pour que tous les habi­tués aient la pos­si­bi­li­té de vendre. Cer­tains vendent les pro­duits de ceux qui ne peuvent pas venir, le maraî­cher bio a embau­ché trois per­sonnes de plus pour limi­ter le temps d’attente : nous vivons un moment de soli­da­ri­té aus­si excep­tion­nel que la crise. »

Le groupe sco­laire Fer­ry Casa­no­va, à Fon­taine.

La continuité pédagogique discontinue

Dès l’annonce du confinement et de la fermeture des établissements scolaires, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, l’avait dit fièrement : l’école continuera. Grâce au numérique et au savoir-faire des enseignants, tout ou presque, devait continuer comme si de rien n’était. La réalité a été tout autre.


Quelques heures à peine avant l’allocution d’Emmanuel Macron du 16 mars, Jean-Michel Blan­quer avait assu­ré qu’une fer­me­ture totale n’était pas à l’ordre du jour. Il annon­ça immé­dia­te­ment après, fiè­re­ment, que tout était prêt pour que l’école conti­nue à la mai­son, la fameuse « conti­nui­té péda­go­gique ».

Concrè­te­ment, dans les familles, c’est au mieux se par­ta­ger les ordi­na­teurs et la connexion entre les deux ou trois enfants, un ou deux parents en télé­tra­vail, tout en gérant le quo­ti­dien. Cela signi­fie clai­re­ment des ampli­tudes de tra­vail déme­su­rées. Beau­coup de ces enfants y ont fait preuve d’une auto­no­mie remar­quable. Beau­coup de parents se sont aus­si ren­du compte qu’enseigner était un vrai métier !

Mais ça, c’est quand tout va bien. Pour d’autres familles, c’est l’absence totale d’équipement, l’absence de maî­trise des outils, des parents n’étant pas for­cé­ment en mesure de com­prendre ce qui est deman­dé, ayant par­fois d’autres prio­ri­tés : tout sim­ple­ment man­ger. En l’absence de res­tau­ra­tion sco­laire, les dis­tri­bu­tions ali­men­taires des asso­cia­tions huma­ni­taires explosent !

Pour ceux-là, les équipes ensei­gnantes ont déployé des tré­sors d’imagination. En lien avec les com­munes, ils ont per­mis à cha­cun de rece­voir si besoin en était, les acti­vi­tés en for­mat papier. De véri­tables « drive édu­ca­tifs » on été par­fois créés dans les écoles. On a même four­ni des kits de « pre­mier équi­pe­ment » : sty­los, crayons, ciseaux, règle… À Fon­taine, on peut affir­mer qu’aucun enfant sco­la­ri­sé n’est res­té sans contact du tout avec son école, au moins une fois par télé­phone. Dans leur immense majo­ri­té, les ensei­gnants ont tra­vaillé beau­coup plus, pas tou­jours aidés par l’institution.

Mais ce tra­vail remar­quable, ce n’est pas « l’école qui conti­nue ». Tout le monde le dit, il aurait fal­lu se l’avouer dès le début. Cela pour­rait être aus­si une for­mi­dable occa­sion de repen­ser le sens des appren­tis­sages.

Car faire école, c’est aus­si s’appuyer sur d’autres acteurs : Atsem, édu­ca­teurs ter­ri­to­riaux, CPE, assis­tants d’éducation, psy­cho­logues, ensei­gnants spé­cia­li­sés, per­son­nels de san­té sco­laire… autant de pro­fes­sion­nels mal­trai­tés par ce gou­ver­ne­ment. L’expérience dou­lou­reuse de l’absence d’école nous l’aura rap­pe­lé à tous.

Laurent Jadeau

Fon­taine se mobi­lise pour les enfants en dif­fi­cul­té

Tou­jours en pre­mière ligne sur les ques­tions d’aide aux plus fra­giles, Fon­taine à très vite réagi face au risque de creu­ser encore les inéga­li­tés. Un pre­mier tra­vail, à tra­vers le dis­po­si­tif de réus­site édu­ca­tive, les centres sociaux, le ser­vice éga­li­té, fut d’identifier, en lien avec les ensei­gnants, les enfants les plus éloi­gnés de l’école. Four­nir des « kits » de maté­riel édu­ca­tif de base, mobi­li­ser la média­thèque, mettre en place des solu­tions pour palier l’absence de res­tau­ra­tion sco­laire… l’équipe muni­ci­pale, avec l’engagement remar­quable des agents, a déployé tout son savoir-faire pour gar­der le lien avec tous les enfants.

La mai­son d’accueil spé­cia­li­sée le Champ rond accueille une qua­ran­taine de per­sonnes adultes poly­han­di­ca­pés.

Empêcher à tout prix l’entrée du virus

Les hôpitaux et les Ehpad sont sous le feux des projecteurs. D’autres structures ont dû s’adapter aux contraintes de la lutte contre l’épidémie.

« La prio­ri­té a été de réduire au maxi­mum tout contact exté­rieur, dont les visites des familles et les inter­ve­nants, si bien qu’il a fal­lu répar­tir autre­ment le tra­vail et mettre en œuvre des contacts par télé­phone et en visio entre les rési­dents et leurs familles. » Chris­telle, chef de ser­vice, Johan­na, aide-soi­gnante, et Péné­lope, édu­ca­trice spé­cia­li­sée, tra­vaillent à la mai­son d’accueil spé­cia­li­sée (MAS) le Champ rond, à Saint-Ismier, dans la val­lée du Gré­si­vau­dan. Un lieu de vie pour une qua­ran­taine de per­sonnes adultes poly­han­di­ca­pés, répar­ties en quatre uni­tés, accom­pa­gnées par une équipe de pro­fes­sion­nels, soi­gnants, infir­miers, méde­cin, psy­cho­logue, édu­ca­teurs spé­cia­li­sés, admi­nis­tra­tifs, tech­ni­ciens.

Se partager le travail pour assurer l’indispensable

La sécu­ri­té a été la prio­ri­té et les mesures de pro­tec­tion bien mises en œuvre. Mais, ajoute Johan­na, « nous vivons un alour­dis­se­ment du tra­vail, pro­vo­qué par l’absence d’une par­tie des per­son­nels (malades ou à risques) et la néces­si­té de pri­vi­lé­gier le volet pro­tec­tion et soins aux rési­dents ». Ain­si, pré­cise Péné­lope, « toutes les acti­vi­tés édu­ca­tives internes ou externes ayant été sus­pen­dues, mon tra­vail qui se par­ta­geait entre soins et accom­pa­gne­ment édu­ca­tif est désor­mais consa­cré aux soins ». « Cer­taines tâches tech­niques (lin­ge­rie, entre­tien) ont dû faire l’objet d’un par­tage entre per­son­nels volon­taires », indique aus­si Chris­telle.

Mi-avril, toutes trois avaient cepen­dant bien conscience que ces condi­tions pour­raient se dégra­der bru­ta­le­ment si jamais l’épidémie venait à tou­cher les rési­dents de la MAS, d’où l’obsession de la sécu­ri­té sani­taire. Une dis­po­ni­bi­li­té pour les rési­dents et leur famille de tests et de masques aide­rait à amé­lio­rer les choses.

Clau­dine Kahane

Johanna Renaud Bataillard, aide soignante

« Com­ment les rési­dents res­sentent-ils cette situa­tion ? Pas facile à dire ; à de très rares excep­tions, ils ne peuvent pas par­ler. Il est pro­bable qu’ils ont per­çu l’arrêt des acti­vi­tés édu­ca­tives et la res­tric­tion des dépla­ce­ments – même s’ils peuvent encore se retrou­ver en très petits groupes – ; la dis­tan­cia­tion des contacts avec les familles, aus­si. Mais à ce stade du moins, nous n’avons pas noté de signe spé­ci­fique de souf­france ou de malaise. »

Pénélope Lachello, éducatrice spécialisée

« Para­doxa­le­ment, la dégra­da­tion de nos condi­tions de tra­vail, avec la prio­ri­té, pour ne pas dire l’exclusivité mise sur les soins de pre­mière néces­si­té et l’arrêt des acti­vi­tés édu­ca­tives, ain­si que la sus­pen­sion de réunions d’équipes, a géné­ré une ambiance de tra­vail plus soli­daire et moins cloi­son­née. J’ai l’espoir que cela nous per­met­tra, dans l’après, de conti­nuer à réflé­chir sur l’organisation et le par­tage du tra­vail au sein de la MAS. »

Christelle Wach, chef de service

« Une réunion de crise, ras­sem­blant des repré­sen­tants de chaque uni­té et de chaque corps de métier, a été orga­ni­sée le mar­di 17 mars, au pre­mier jour du confi­ne­ment, avec comme objec­tif numé­ro 1 d’empêcher que les rési­dents soient atteints par l’épidémie. Tous les per­son­nels se sont for­te­ment impli­qués et les dix pre­miers jours du confi­ne­ment ont été uti­li­sés à repen­ser col­lec­ti­ve­ment l’organisation de la MAS, et à ce jour l’ambiance est plu­tôt sereine. »

Secou­ristes prêts au départ en inter­ven­tion, et logis­ti­ciens pour veiller à la pré­pa­ra­tion et à la décon­ta­mi­na­tion du maté­riel.

Les secours, ce sont aussi des bénévoles

A Vizille, une permanence a été assurée pendant le confinement par les secouristes de la Fédération française de sauvetage et de secourisme, au centre de loisirs des Corniers.

Les béné­voles de la Fédé­ra­tion fran­çaise de sau­ve­tage et de secou­risme (FFSS) étaient à pied d’œuvre. Un centre dans lequel ils se sont relayés jours et nuits pour faire face à leurs mis­sions habi­tuelles, mais aus­si bien sûr celles qui découlent de l’épidémie de coro­na­vi­rus.

Depuis le 17 mars, date du début du confi­ne­ment, jusqu’au début du mois d’avril, ils ont réa­li­sé une ving­taine d’interventions, dont une dizaine liée à une sus­pi­cion de covid-19. Ils se tenaient prêts à toute éven­tua­li­té, opé­ra­tion­nels sept jours sur sept et 24 heures sur 24.

Les secou­ristes se sont orga­ni­sés en deux équipes, l’une de jour, l’autre de nuit. Chaque équipe est com­po­sée de trois secou­ristes opé­ra­tion­nels et deux logis­ti­ciens. Les secou­ristes opé­ra­tion­nels effec­tuent les inter­ven­tions et les logis­ti­ciens pré­parent les équi­pe­ments, ain­si que le maté­riel de dés­in­fec­tion et les douches de décon­ta­mi­na­tion.

Deux équipes se sont relayées jour et nuit

Une opé­ra­tion com­mence par l’appel aux urgences d’une per­sonne en détresse, soit au 18, au 15 (à pri­vi­lé­gier pour les appels liés à la san­té) soit au 112. Un assis­tant de régu­la­tion médi­cale lui répond. Dans les cas les moins graves, cela se tra­duit par un simple conseil médi­cal. Si détresse vitale il y a, il met en place une inter­ven­tion médi­cale (Fédé­ra­tion des secou­ristes ou ambu­lance pri­vée, pom­piers et SMUR).

Lorsque les secou­ristes de la FFSS inter­viennent, ils réa­lisent un bilan secou­riste qui est trans­mis à l’assistant de régu­la­tion médi­cale, et, si cela est néces­saire, la per­sonne est trans­por­tée à l’hôpital. Au retour de l’intervention, si une pos­si­bi­li­té de pré­sence du virus est détec­tée, les secou­ristes passent en zone rouge (douches de décon­ta­mi­na­tion pour les béné­voles, dés­in­fec­tion des vête­ments, des maté­riels et des véhi­cules) avant de réin­té­grer la zone verte. Au cours du mois de mars et jusqu’à la mi-avril, une ving­taine de secou­ristes a été mobi­li­sée sur la tren­taine que compte la sec­tion FFSS de Vizille.

Les équipes vizilloises inter­viennent de l’Oisans jusqu’aux limites de l’agglomération gre­no­bloise et peuvent être appe­lés sur un sec­teur plus large en cas de besoin, si d’autres secou­ristes étaient déjà en cours d’intervention.

Leur mobi­li­sa­tion béné­vole consti­tue une com­plé­ment évi­dem­ment impor­tant en période de crise sani­taire, même s’ils ne sont pas sous les feux de la rampe.

Gré­go­ry Grand

Accompagnés par de nombreux gestes de solidarité

C’est une réa­li­té : le bud­get de l’association vizilloise des secou­ristes de la FFSS ne lui per­met pas d’assurer que quoi man­ger aux équipes de per­ma­nence 24 h sur 24. Ce sont des Vizillois qui se sont mobi­li­sés pour livrer des repas. Ce dont les secou­ristes les remer­cient cha­leu­reu­se­ment. Pour mener à bien cette opé­ra­tion, les béné­voles ont éga­le­ment reçu des aides finan­cières du dépar­te­ment ain­si que de leur fédé­ra­tion natio­nale. Plu­sieurs entre­prises vizilloises ont aus­si four­ni la per­ma­nence de secours en com­bi­nai­sons de pro­tec­tion, gel hydro­al­coo­lique, ins­tal­lé le chauf­fage des struc­tures mon­tées en exté­rieur, contri­bué à l’approvisionnement en nour­ri­ture, prê­té le cha­pi­teau uti­li­sé pour la zone rouge de décon­ta­mi­na­tion…

Une pra­tique qu’il a fal­lu réin­ven­ter à l’aune de la dis­tan­cia­tion.

Du champ à l’assiette, la voie directe

Concilier l’approvisionnement en produits frais du terroir et le respect des normes sanitaires en période d’épidémie, c’est la préoccupation des maraîchers isérois. Exemple à Murianette, à la Ferme des saisons.


L’épidémie sur­ve­nant, il a fal­lu trou­ver d’autres pra­tiques de vente directe. Car pen­dant la crise, les légumes conti­nuent à pous­ser ! Et les clients à vou­loir s’en pro­cu­rer. D’autant que l’on nous incite à faire tra­vailler les pro­duc­teurs locaux. Et la solu­tion été inven­tée : le client ne sort pas de sa voi­ture et tout contact est évi­té.

Une affaire qui tourne allè­gre­ment. Il n’y a qu’à voir la file des véhi­cules qui se pressent doré­na­vant en fin de semaine pour pro­fi­ter de cette aubaine, béné­fi­ciant d’un bouche à oreilles flat­teur.

La découverte de légumes de saison

Une sélec­tion de filets de légumes du moment (riche de décou­vertes) a été pré­pa­rée à l’avance. Puis, un « ser­vice au volant » (« un drive » pour les anglo­philes) a été orga­ni­sé avec l’aide de toute la famille mobi­li­sée. Les véhi­cules des ache­teurs pénètrent les uns der­rière les autres sur le ter­rain de la ferme en une lente pro­ces­sion les jours d’ouverture. Sans des­cendre de leur auto­mo­bile, les ache­teurs sont ques­tion­nés sur leur choix entre les filets pro­po­sés, concré­ti­sé par une note glis­sée sous l’essuie-glace. Elle sera rele­vée au bout de la chaîne, là où, gan­tés et mas­qués, et avec beau­coup de célé­ri­té, les com­mandes seront pla­cées à l’intérieur du coffre de la voi­ture, sans contact avec l’occupant, en échange du chèque préa­la­ble­ment rem­pli.

« C’est un dis­po­si­tif qui nous semble pré­sen­ter le maxi­mum de sécu­ri­té, même s’il exige beau­coup de tra­vail et d’organisation », se féli­cite Babette dans un large sou­rire.

Dans le dépar­te­ment, d’autres expé­riences se sont mises en place avec aus­si l’organisation par des asso­cia­tions de livrai­sons de fruits et légumes à domi­cile.

Le confi­ne­ment, c’est aus­si l’imagination au pou­voir.

Max Blan­chard

De saison, toute l’année

« Nous culti­vons une sur­face de quinze hec­tares dont deux hec­tares sont consa­crés à notre pro­duc­tion maraî­chère en agri­cul­ture tra­di­tion­nelle et dans le res­pect de l’environnement. Les treize autres hec­tares sont exploi­tés en culture céréa­lières : maïs, blé et soja. Ain­si nous pro­cé­dons à une rota­tion des cultures sur les par­celles chaque année. Cette méthode de tra­vail nous per­met d’avoir une meilleure qua­li­té de culture légu­mière », expliquent Ber­nard et Babette Per­ot, pro­prié­taires de l’exploitation. Une pro­duc­tion pro­po­sée à la vente durant l’année à tous ceux qui appré­cient la fraî­cheur des pro­duits et qui sou­haitent s’approvisionner en légumes de sai­son. Infos : lafermedessaisons.fr

La sor­tie du papier au bout d’un groupe de rota­tives du Dau­phi­né libé­ré.

Sortir le journal, quoi qu’il arrive

La presse a dû réagir en quelques heures. Trois salariés du DL, syndicalistes, ont raconté leur aventure professionnelle. *


Un jour­nal n’est pas une entre­prise comme une autre. De par l’attachement de tous les sala­riés au titre, notam­ment. Par delà leur opi­nion sur sa ligne édi­to­riale.

Au Dau­phi­né comme dans toute la presse, il a fal­lu faire front, tous métiers confon­dus. Nico­las Pope­lin, rota­ti­viste, syn­di­ca­liste CGT, l’explique : « l’objectif de sau­ver la pro­duc­tion du jour­nal papier, nous le par­ta­geons tous ». Pen­dant le confi­ne­ment, une ligne de rota­tive a été mise à l’arrêt – le nombre d’éditions est pas­sé de 27 à 9, consé­quence de l’arrêt de la vie locale. Deux équipes de rotos tra­vaillent avec des horaires modi­fiés et des consignes d’hygiène strictes.

« Les pré­co­ni­sa­tions des élus hygiène et sécu­ri­té ont été prises en compte par la direc­tion, qui est bien plus à l’écoute des élus qu’en temps nor­mal. Nous en pre­nons acte et veille­rons à l’avenir pour que cela se pour­suive », com­mente Nico­las Pope­lin qui sou­ligne que l’activité syn­di­cale ne s’est pas inter­rom­pue avec le confi­ne­ment.

De vingt-sept à neuf éditions

Côté rédac­tion, là aus­si, il a fal­lu s’organiser. Agnès Brian­çon, jour­na­liste à Anne­cy, est délé­guée syn­di­cale SNJ : « le soir des muni­ci­pales, le 15 mars, je suis allée en pré­fec­ture… le 17, c’était le confi­ne­ment. Le télé­tra­vail a été mis en place en 24 heures. » Ain­si, à l’agence d’Annecy, ils étaient trois sur vingt à tra­vailler dans les locaux.

Ce qui change, c’est d’abord de devoir tra­vailler par télé­phone. « On n’a pas le même contact, c’est plus dif­fi­cile, moins pré­cis. » Et puis aus­si l’importance des pho­to­graphes de presse, qui ne sont plus qu’une poi­gnée. « Leur tra­vail sur le ter­rain est indis­pen­sable. »

Une expé­rience utile pour le « monde d’après ». Pour l’heure, les contrats de jour­na­listes à durée déter­mi­née n’ont pas été renou­ve­lés.

* La direc­tion du DL n’a pas don­né suite à notre demande d’entretien.

Des cas « positifs »

Au 21 avril, une quin­zaine de sala­riés ont été signa­lés atteints du coro­na­vi­rus, dont un de manière sévère.

Le coup dur, c’est la publicité

Chris­tophe Gigan­ti, élec­tri­cien, res­pon­sable syn­di­cal CGT, le rap­pelle : « Depuis des mois, notre crainte porte sur le deve­nir des édi­tions papier aux­quelles nous tenons. » Le Cré­dit mutuel, qui pos­sède le DL via le groupe de presse Ebra, a main­te­nu le tirage papier qui, pour le DL repré­sente 90% du chiffre d’affaires. « Le coup dur c’est l’arrêt de la publi­ci­té, 40 sala­riés à Veu­rey, une cen­taine dans les ter­ri­toires. Les annon­ceurs ont pour la plu­part repous­sé leurs cam­pagnes. Nous serons vigi­lants pour que nos direc­tions n’envisagent pas de com­pen­ser les pertes par une réduc­tion de la masse sala­riale. » Car l’effort pour « sor­tir le jour­nal » a été celui de tous les sala­riés.

Les pigistes sur le carreau

« Nous avons obte­nu du chô­mage par­tiel dès le 18 mars et les petits salaires seront main­te­nus à 100 %. » Mais « c’est dif­fi­cile pour les jour­na­listes pigistes, pri­vés de reve­nu ».

Abonnements

Le tirage du Dau­phi­né libé­ré a peu varié, 180 à 190 000 en semaine, 260 000 le dimanche. Une satis­fac­tion, la hausse des abon­ne­ments. Un point noir, la dis­tri­bu­tion pos­tale. Par por­tage, elle s’est pour­sui­vie nor­ma­le­ment.

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *