Vencorex. Près de 700 manifestants à Pont-de-Claix pour sauver les emplois et les plateformes chimiques

Par Manuel Pavard

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Les manifestants ont défilé dans les rues de Pont-de-Claix, jusqu’à l’entrée nord de la plateforme chimique.

Près de 700 personnes ont manifesté ce mardi 1er octobre à Pont-de-Claix, à l’appel de l’intersyndicale, pour soutenir les salariés de Vencorex, placée en redressement judiciaire le 10 septembre. L’enjeu ? Sauver les emplois et l’usine, mais aussi, plus globalement, les deux plateformes chimiques du sud grenoblois. Et ce, alors que les repreneurs potentiels ont jusqu’au 17 octobre pour déposer leur offre.

Dans le cor­tège, les sala­riés de Ven­co­rex Pont-de-Claix sont bien sûr majo­ri­taires. Mais leurs cama­rades du site de Saint-Fons — de Ven­co­rex mais aus­si Air Liquide ou Sol­vay — sont éga­le­ment pré­sents, venus à deux bus du Rhône, ain­si que des sala­riés des Salins ou d’Arkema Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Ils étaient près de 700, dont plu­sieurs élus locaux ceints de leur écharpe tri­co­lore, à l’image du maire de Pont-de-Claix et pré­sident de la Métro­pole Chris­tophe Fer­ra­ri, à avoir répon­du à l’appel de l’intersyndicale (CGT, CFDT, CFE-CGC) et de la Fédé­ra­tion natio­nale des indus­tries chi­miques (FNIC-CGT), ce mar­di 1er octobre. Par­tis du rond-point des pape­te­ries, au bout de l’avenue des Maquis-de‑l’Oisans, les mani­fes­tants ont défi­lé dans les rues de Pont-de-Claix, jusqu’à l’entrée nord de la pla­te­forme chi­mique. Les mots d’ordre, eux, étaient par­fai­te­ment résu­més par la ban­de­role de tête : « Sau­vons les pla­te­formes, nos emplois et notre savoir-faire fran­çais ; pré­ser­vons l’écosystème indus­triel régio­nal ». Un enjeu à la fois local et glo­bal donc.
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Les repré­sen­tants de l’in­ter­syn­di­cale au départ de la mani­fes­ta­tion.

Depuis l’annonce de la ces­sa­tion de paie­ments, puis du pla­ce­ment en redres­se­ment judi­ciaire, le 10 sep­tembre, de Ven­co­rex, la crainte d’un « effet domi­no » est en effet bien réelle. La menace pèse non seule­ment sur le site de Pont-de-Claix, mais éga­le­ment, plus glo­ba­le­ment, sur la pla­te­forme voi­sine de Jar­rie, du fait de la forte inter­dé­pen­dance des acti­vi­tés. C’est ain­si l’ensemble du sec­teur de la chi­mie du sud gre­no­blois qui se retrouve en dan­ger. Soit quelque 1 000 emplois directs, et même près de 6 000 au total en comp­tant les emplois induits.

« On sou­haite un repre­neur glo­bal pour l’en­semble de l’u­sine »

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Des élus locaux étaient pré­sents, avec leur écharpe tri­co­lore, à l’ins­tar de Chris­tophe Fer­ra­ri.

La situa­tion est en tout cas cri­tique avec un action­naire majo­ri­taire, le groupe thaï­lan­dais PTT-GC, qui a déci­dé de plier bagage. En cause, « les dettes » de Ven­co­rex et « le coût d’une remise en état de l’usine », le tout dans « un mar­ché très dif­fi­cile » en rai­son d’une forte concur­rence, notam­ment chi­noise, sur les prix, explique Denis Car­ré, délé­gué syn­di­cal CGT de la pla­te­forme chi­mique de Pont-de-Claix. « Notre action­naire ne veut plus nous suivre, on n’a plus d’argent pour fonc­tion­ner et il fau­drait de l’investissement pour pou­voir per­du­rer », ajoute-t-il. Un scé­na­rio catas­trophe n’est donc pas à exclure, avec quelque « 500 sala­riés poten­tiel­le­ment licen­ciés à Pont-de-Claix… Sauf si on a des repre­neurs », pour­suit le syn­di­ca­liste. Mais le temps presse, une véri­table course contre-la-montre étant enga­gée jusqu’au 17 octobre, la « date butoir » fixée aux can­di­dats décla­rés pour dépo­ser leur offre de reprise. Des pro­po­si­tions qu’attendent les sala­riés, mais à cer­taines condi­tions, sou­ligne Denis Car­ré : « On sou­haite un repre­neur glo­bal pour l’ensemble de l’usine. »
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Les mani­fes­tants ont remon­té le cours Saint-André.

De fait, les socié­tés ayant affi­ché leur inté­rêt récem­ment, comme Arke­ma ou le groupe Salins, sus­citent énor­mé­ment de réserves de la part des sala­riés. Celles-ci ne s’intéressent en effet qu’à une petite par­tie de l’activité, à savoir le sel, lais­sant de côté les iso­cya­nates pour le revê­te­ment de sur­face (ver­nis et pein­ture pour l’industrie auto­mo­bile ou aéro­nau­tique, par exemple), soit « le cœur de métier de Ven­co­rex », pré­cise Adrien Poi­rieux, réfé­rent Isère de la FNIC-CGT. « Pour nous, ce n’est pas suf­fi­sant car ça ne repré­sente que quelques dizaines d’emplois », confirme Séve­rine Dejoux, sala­riée de Ven­co­rex à la R&D à Saint-Fons, élue au CSE et sur­tout repré­sen­tante des sala­riés dans le cadre du redres­se­ment judi­ciaire. « Sau­ver l’activité, c’est main­te­nant mais aus­si dans le futur. Aujourd’hui, reprendre une acti­vi­té avec trente per­sonnes sur la pla­te­forme de Pont-de-Claix, ça n’a pas de sens en matière de péren­ni­té pour l’avenir », assène-t-elle.
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Les sala­riés de Ven­co­rex étaient pré­sents en nombre dans le cor­tège, aux côtés de sala­riés d’autres dépar­te­ments.

Ber­nard Ughet­to-Mon­frin, adjoint PCF à Vizille et ancien diri­geant de la fédé­ra­tion chi­mie, abonde, par­ta­geant les mêmes craintes : « S’il y a un repre­neur uni­que­ment pour la pro­duc­tion de sel pour Jar­rie, ça veut dire qu’ils se sont mis d’accord pour faire un arrêt en sif­flet de l’ensemble de la chi­mie du sud gre­no­blois. Sur la pla­te­forme de Pont-de-Claix, avec les prix fixes qui sont atte­nants, ça ne peut pas tenir juste avec la pro­duc­tion de sel », estime-t-il. L’élu com­mu­niste ne voit qu’une seule issue : « Il faut impé­ra­ti­ve­ment sau­ver les “Tolo­nate” (NDLR : iso­cya­nates ali­pha­tiques éla­bo­rés par Ven­co­rex), le pro­duit de base pour les ver­nis et pein­tures à très haute qua­li­té et le pro­duit à plus forte valeur ajou­tée sur la pla­te­forme. Il faut aus­si sau­ver l’acide chlor­hy­drique, qui ali­mente l’atelier de chlo­rure de méthyle de Jar­rie et qui est l’amont des ate­liers sili­cones de Lyon. » En effet, pré­vient-il, « si on casse cette chaîne, on va tout fra­gi­li­ser ». Autre illus­tra­tion de ces liens très étroits, les besoins en chlore de Fra­ma­tome, des­ti­né in fine au gai­nage des com­bus­tibles des cen­trales nucléaires. « La ques­tion, c’est com­ment le chlore va arri­ver jusqu’à Fra­ma­tome ? », expose Ber­nard Ughet­to-Mon­frin. Car « faire cir­cu­ler sur des voies fer­rées des citernes et des citernes de chlore liquide » est impen­sable. Pour lui, il est « inter­dit de prendre un tel risque pour les sala­riés et les popu­la­tions. Le chlore doit être pro­duit et consom­mé sur le site ou en direct », insiste-t-il, évo­quant une « bombe rou­lante ».
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Des ban­de­roles visant l’ac­tion­naire acro­chées à l’en­trée de la pla­te­forme.

Quid de la suite ? En atten­dant l’échéance cru­ciale du 17 octobre, d’autres ren­dez-vous sont au pro­gramme pour les repré­sen­tants syn­di­caux, dont une nou­velle réunion pré­vue ce ven­dre­di 4 octobre à Ber­cy, avec la délé­ga­tion inter­mi­nis­té­rielle aux restruc­tu­ra­tions d’entreprises (Dire). « On actionne tous les leviers pos­sibles, main­te­nant on n’a pas la main sur les poten­tiels dos­siers de repre­neurs », indique Séve­rine Dejoux, ajou­tant avoir man­da­té un expert pour éplu­cher les offres des can­di­dats. « C’est le com­bat de tout le monde » Les élus locaux témoignent eux aus­si aux sala­riés de Ven­co­rex du « sou­tien de tout le ter­ri­toire », comme l’a assu­ré Chris­tophe Fer­ra­ri dans son dis­cours, à l’arrivée de la mani­fes­ta­tion, devant l’entrée de la pla­te­forme chi­mique. Pour le maire de Pont-de-Claix et pré­sident de la Métro­pole, hors de ques­tion d’accepter « une vente à la découpe ». Au contraire, « l’ensemble des emplois doivent être pré­ser­vés », affirme-t-il. « On ne jette pas par la fenêtre plu­sieurs cen­taines d’années d’histoire. » À l’instar de Salim, redou­tant de « ne jamais réus­sir à retrou­ver un tra­vail à 60 ans », les sala­riés sont déter­mi­nés à lut­ter pour sau­ver l’usine et leurs emplois. « Aujourd’hui, c’est la pre­mière marche mais ce n’est pas seule­ment le com­bat de Ven­co­rex, c’est le com­bat de tout le monde ! On est tous des Ven­co­rex », lance Serge Allègre, secré­taire géné­ral de la FNIC-CGT, accla­mé par les mani­fes­tants ras­sem­blés devant les grilles. « Ça fait des années qu’on en prend plein la “gueule” (sic) », s’indigne ce der­nier, fus­ti­geant les 130 mil­lions d’euros d’argent public per­çus par PTT-GC. « Ça veut dire qu’on est tous un peu pro­prié­taires puisque c’est notre argent qui est inves­ti », sou­ligne de son côté Ber­nard Ughet­to-Mon­frin, éga­le­ment très remon­té contre le groupe thaï­lan­dais : « Dès qu’on a vu qu’ils avaient pris les bre­vets pour mon­ter la même usine chez eux, on s’est dit “ça sent pas bon” ! » Et Séve­rine Dejoux d’ironiser : « Il y en a qui nous parlent de réin­dus­tria­li­sa­tion de la France, on va déjà essayer de ne pas la dés­in­dus­tria­li­ser. »
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Serge Allègre, secré­taire géné­ral de la FNIC-CGT, a pro­non­cé un dis­cours à l’ar­ri­vée du défi­lé, devant la pla­te­forme.

Un vœu du groupe communiste à la Région

« Le groupe com­mu­niste va por­ter un vœu à la Région pour Ven­co­rex », annonce Eric Hours, conseiller régio­nal PCF d’Au­vergne-Rhône-Alpes. « Mais on a aus­si Pho­to­watt, on a Valeo qui ferme… La région est sinis­trée aujourd’hui au niveau de l’emploi. Il y a un plan de relo­ca­li­sa­tion mais si on relo­ca­lise une boîte et qu’on en ferme quatre, ça n’ira pas », déplore-t-il, appe­lant dans un pre­mier temps à « sau­ver la chi­mie ».

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