Élections européennes. L’enjeu industriel

Par Luc Renaud

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Marc Dorel, ingénieur à Moirans, est candidat sur la liste conduite présentée par le PCF aux élections européennes. Outre les enjeux démocratiques d’un fonctionnement de l’Union européenne aujourd’hui confisqué aux peuples, il met en cause des stratégies industrielles soumises aux marchés financiers et contraires aux intérêts de la France et du monde.

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Marc Dorel, candidat aux élections européennes sur la liste conduite par Léon Deffontaines.

« Dès qu’on lâche l’expérimentation, on commence à dire des bêtises ; je suis de formation scientifique », sourit Marc Dorel. Marc Dorel ne s’attendait pas à ce qu’on lui demande d’être candidat à l’élection européenne, sur la liste conduite par Léon Defffontaines. Et s’il a accepté, c’est justement pour rencontrer et débattre. L’expérimentation.

Scientifique, il l’est de formation. Ingénieur issu de l’École centrale. De formation et de métier : il a d’abord travaillé chez Thomson CSF, puis dans un centre de recherche de Thalès en région parisienne avant d’intégrer Trixell, à Moirans. Un parcours au cœur de l’évolution des technologies : le stockage des données numériques à ses tout débuts – l’invention du disque de musique numérique, par exemple –, aujourd’hui la radiologie médicale avec dernièrement la mise au point d’un procédé qui a valu à son équipe une distinction au niveau du groupe Thalès.

Au cœur de la recherche et de la recherche développement, et par suite, directement confronté aux stratégies industrielles et à leurs conséquences. La lecture optique de données numériques pour le grand public a été industrialisée par Philips et Sony, non par Thomson. « Si l’on veut prendre un peu de recul, note Marc Dorel, Thales s’est concentré dans des technologies de niche, notamment militaires, à forte valeur ajoutée, délaissant les marchés grands publics à valeur ajoutée plus faible, mais aux volumes importants et en plein développement au cours de l’histoire récente ; qui plus est, ce sont ces branches grands publics qui constituent aujourd’hui une part essentielle de la dynamique de l’innovation. » Thomson-CSF est devenu Thalès en 2000 et Thomson multimédia, aujourd’hui Vantiva, est sorti de ses activités grand public après plusieurs cessions au début des années 2000.

Un enjeu pour la paix dans le contexte du réchauffement climatique

L’Europe, dans tout ça ? « Elle a été construite sur une escroquerie ; on nous a vendu une construction mythique autour de la souveraineté et de la coopération notamment industrielle alors qu’il ne s’agissait que d’un ensemble de normes communes en faisant croire que ce marché normé allait développer l’activité économique : la « logique » néolibérale. On voit aujourd’hui ce qu’il en est : nous avons fait place aux multinationales américaines, tandis que nombre de PME innovantes, de groupes industriels français et européens ont été vendus à la découpe à des multinationales. Alstom à General electric, par exemple. » Aucune stratégie des Etats à l’échelle européenne, pas plus que du Conseil de l’Europe – qui prend les décisions – ou de la Commission européenne – qui les applique – « parce que l’objectif n’est pas le développement économique, mais la croissance de la rentabilité financière dans un marché néolibéral ». Airbus ? « C’est le contre exemple. Sa création, c’est au départ un projet industriel, parti de savoir faire et de décisions politiques d’après guerre qui a grandi avec des entreprises et leurs salariés ; l’Union européenne aujourd’hui, c’est celle de Thierry Breton et de son dépeçage d’Atos, fleuron de l’informatique », commente Marc Dorel. Réindustrialiser la France et l’Europe implique la coopération entre les Etats et les entreprises ce qui suppose des stratégies industrielles de long terme débarrassées du poids des actionnaires et des marchés financiers.

L’Europe, c’est aussi une relation avec le reste du monde. « Construire des filières industrielles en Europe, ça ne veut pas dire exclure du développement le reste du monde, et notamment l’Afrique. Nous fonctionnons toujours sur les règles du néocolonialisme : le pillage des matières premières que nous n’avons pas pour nous réserver les activités à haute valeur ajoutée : la coopération en Europe doit être conçue avec une dimension internationale pour assurer la réponse aux besoins de l’ensemble des populations sur la planète ; c’est évidemment un enjeu pour la paix dans un contexte de difficultés accrues par le réchauffement climatique. »

Une analyse et des perspectives qui font l’originalité de la proposition de la liste Desffontaines pour le scrutin du 9 juin, « sortir la politique de la dictature des marchés pour construire l’avenir avec les possibilités offertes par les avancées scientifiques ». Une démarche dans laquelle des syndicalistes et différentes organisations politiques se sont retrouvées  : la Gauche républicaine et socialiste (GRS) fondée par l’eurodéputé Emmanuel Maurel, L’Engagement, mouvement créé par l’ancien ministre socialiste Arnaud Montebourg, et Les Radicaux de Gauche.
« Notre point commun se retrouve dans l’intitulé de notre liste : « La gauche unie pour le monde du travail ». »

2240

milliards de dollars

en 2022, c’est le montant des dépenses d’armement dans le monde (source : Institut international de recherche sur la paix), soit 5,5 fois le budget de la France. Avec 11 % des ventes d’armes, la France est passé au deuxième rang – devant la Russie – derrière les Etats-Unis – 42 % du total.

Initiatives pour la paix

« Il est frappant que l’Europe n’ait toujours engagé aucune initiative en faveur de la paix (à l’inverse de la Chine, du Brésil, de la Turquie, de l’Afrique-du-Sud et de plusieurs autres pays). Cette guerre a été préparée depuis longtemps. En déclarant que les accords qu’ils avaient signés à Minsk étaient destinés à mieux préparer la guerre, Angela Merkel et François Hollande ont du reste levé le voile… et durablement entaché la signature de leurs pays », note Denis Anselmet.

Afrique

La guerre la plus meurtrière au monde se déroule dans la République démocratique du Congo avec six millions de morts et plus de quatre millions de déplacés depuis 1998.

842

milliards de dollars

c’est le budget militaire des Etats-Unis. Ce pays déploie 200 000 hommes dans 800 bases militaires partout dans le monde. Le budget militaire de la Chine est d’un peu plus de 200 milliards de dollars.

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Denis Anselmet, président de l’association Initiatives, citoyenneté, défense.

Une Europe ayant la volonté d’agir pour la paix

Une Europe capable de prendre des initiatives pour la paix, c’est l’un des enjeux du scrutin du 9 juin. Denis Anselmet nous en précise les contours.

En quoi l’Europe est-elle concernée par la guerre en Ukraine?

Denis Anselmet : Cette guerre se déroule sur le territoire européen, ses populations en paient l’addition : le prix du sang pour les Ukrainiens et les Russes, le prix de l’austérité et de la récession pour tous. Comme souvent, seules les industries d’armement et de grandes fortunes (dont celles liées au gaz de schiste états-unien) en tirent profit.

Pourquoi l’Europe est-elle si passive ?

D.A. : Tant qu’elle sera prisonnière de son alignement sur Washington (via l’Otan), l’Europe n’aura guère de marge de manœuvre. L’objectif géopolitique des Etats-Unis est d’affaiblir la Russie et de découpler durablement l’Europe de la Russie – vieille hantise stratégique états-unienne. D’où la crainte des Ukrainiens d’être abandonnés en « rase campagne » en fonction des intérêts américains.

Y a-t-il des inquiétudes pour les Européens ?

D.A. : Il faut toujours être vigilant lorsqu’un conflit implique des puissances majeures – qui plus est nucléaires. Les emballements peuvent aller très vite. C’est pourquoi les propos d’Emmanuel Macron sur l’engagement direct de la France enfreignent dangereusement l’esprit de responsabilité. Les Européens peuvent être d’ores et déjà inquiets des conséquences économiques, et donc humaines et sociales, de ce conflit. Inévitablement, la question sera posée : qui paie ?

Des propos dangereux

Que pourraient faire les Européens pour sortir de cette situation ?

D.A. : Les conditions d’une paix sont assez bien cernées : retrait des troupes russes et neutralité de l’Ukraine. Un tel accord aurait pu aboutir dès mars 2022, si les États-Unis et Boris Johnson n’avaient pas enjoint Vladimir Zelenski de ne pas signer… contre la chimère d’une « victoire totale ». Il faudrait donc une volonté politique pour revenir au plus vite sur ce chemin de la paix.
Envoyer des députés résolument engagés dans cette voie de la paix et d’une architecture de sécurité durable en Europe, affranchie du carcan de l’Otan, serait une sacrée éclaircie.
En Isère, c’est ce que défend notre candidat, Marc Dorel, au sein de la liste conduite par Léon Deffontaines.

Propos recueillis par Martine Briot

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André Chassaigne et les vaches d’Hérens, reines des alpages du Valais.

Beaucroissant marathon pour André Chassaigne

Le président du groupe des députés communistes était présent à la foire de printemps de Beaucroissant, pendant huit heures.

Au pas de course il a rejoint Antoine Reboul, maire de Beaucroissant, non sans avoir salué auparavant la centaine de militants qui préparait les repas au stand La Terre / Travailleur Alpin. Puis il a arpenté les allées de la foire (environ 700 stands) avec la délégation assurant la visite inaugurale.

Un des premiers stands où le candidat communiste aux européennes a fait un détour est celui de la CGT où il a échangé avec des syndicalistes bergers. Dans l’après-midi il est revenu en réunion publique pour soutenir les revendications de ces travailleurs, dont les employeurs sont subventionnés pour l’emploi de bergers… payés au SMIC. Il a émis la proposition de droit de préemption de logements, en vente en montagne, pour loger les saisonniers.

Un autre moment fort fut celui de la rencontre avec Max Josserand, éleveur, défenseur de la vache d’Hérens, expérimentée pour protéger les troupeaux du loup.

Un tour de foire riche de rencontres

Un repas, au stand du Travailleur alpin a ensuite réuni le député, des militants communistes engagés sur l’économie sociale et solidaire et des acteurs de la Sécurité sociale alimentaire (réseau salariat, Confédération paysanne, Scop). Le PCF Isère est engagé sur la réflexion, la vulgarisation et l’expérimentation – notamment à Grenoble – de projets pour donner accès à une alimentation de qualité, produite par des paysans locaux, sur le modèle de la Sécurité sociale.

La journée s’est conclue par un très riche débat avec un public nombreux venu discuter d’une perspective de réformes profondes de l’agriculture.

Edouard Schoene

André Chassaigne et l’agriculture

La gauche du monde du travail

André Chassaigne est candidat en cinquième position sur la liste « La gauche unie pour le monde du travail » conduite par Léon Desffontaines. Il sera donc élu si cette liste obtient plus de 5% des exprimés.

Politique agricole commune

« La grande faiblesse de l’Europe, c’est d’ignorer l’alimentation et l’agro écologie. 90 millions d’Européens sont mal nourris, 7 millions de Français recourent à l’aide alimentaire. Il faut que les paysans vivent de leur travail et que l’on mettre un terme aux échanges libéraux internationaux. Le ministre ne répond pas à ces questions dans la loi prochaine, en particulier le revenu paysan. »

Retraites

« Les deux lois promues à mon initiative sur la retraite paysanne (85 % du SMIC) sont une étape mais nous devons aller plus loin dans la mise en œuvre de la loi car ces retraites demeurent indignes. »

Revenus

En moyenne sur la période 2010 à 2022, le revenu avant impôts s’élevait à 2 600 € mensuels par emploi agricole non salarié, toutes exploitations confondues – euros constants 2022. Les 20% des revenus les plus faibles sont inférieurs à 508 euros mensuels et supérieurs à 4 508 mensuels pour les 20 % les plus aisés (sources INRAE).

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