Grenoble. 17 octobre 1961, reconnaître un crime d’État

Par Maryvonne Mathéoud

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Image principale
Le cortège s’est rendu sur la passerelle Saint-Laurent où des fleurs ont été lancées dans l’Isère.

L’hommage rendu aux victimes algériennes du 17 octobre 1961 a réuni plusieurs centaines de personnes ce 17 octobre 2023 à Grenoble.

Ce 17 octobre, c’est un hom­mage plein d’é­mo­tions qui a été ren­du aux Algé­riens vic­times de la répres­sion le 17 octobre 1961 alors qu’ils mani­fes­taient paci­fi­que­ment pour le droit à l’indépendance de l’Algérie, pour leur droit à l’égalité et à la digni­té, contre le couvre-feu raciste qui leur était impo­sé. 200 à 250 per­sonnes avec beau­coup de jeunes ont par­ti­ci­pé à cet hom­mage.

Depuis plus de trente ans, le sou­ve­nir du 17 octobre 1961 est hono­ré chaque année à Gre­noble par des ras­sem­ble­ments. Le pre­mier ras­sem­ble­ment eut lieu dès le 18 octobre 1961, auquel Jo Briant par­ti­ci­pait, avec déjà des jets de fleurs dans l’Isère pour rendre hom­mage aux vic­times.

Gerbe/

Plu­sieurs asso­cia­tions ont dépo­sé des gerbes devant la plaque com­mé­mo­ra­tive.

Depuis 2016, cet hom­mage se déroule à côté de la plaque com­mé­mo­ra­tive posée par la ville de Gre­noble, geste d’engagement et de soli­da­ri­té que trop peu de villes ont fait. Cette ques­tion des plaques n’est pas anec­do­tique. Il est impor­tant que les murs des rues et des places portent d’autres traces que celles de géné­raux qui « s’illustrèrent » de façon san­glante lors de la colo­ni­sa­tion.

Ce ras­sem­ble­ment est désor­mais coor­ga­ni­sé par le col­lec­tif 17 octobre 1961 Isère et la ville de Gre­noble, ce qui marque un pas sup­plé­men­taire impor­tant dans l’engagement de la com­mune. Aux côtés du « col­lec­tif 17 octobre 1961 Isère », cin­quante-et-une orga­ni­sa­tions sont ins­crites pour cet hom­mage.

Eric-Piolle/

Eric Piolle, maire de Gre­noble.

Extrait de l’allocution du maire Eric Piolle

…Qui étaient les Algé­riens pré­sents à Paris le 17 octobre 1961 ? Qui mani­fes­tait contre les mesures de couvre-feu racistes décré­tées par Mau­rice Papon, pré­fet de police de Paris, à l’endroit des seuls Algé­riens musul­mans ?
Des per­sonnes modestes, des per­sonnes dignes. Fat­na Sou­ni, venue de Nan­terre vêtue d’une de ses plus belles robes pour mani­fes­ter avec son mari et son fils de 7 ans. Des enfants qui accom­pa­gnaient leurs parents, comme l’écrivain Akli Tad­jer, pour pro­tes­ter contre une mesure de mépris de l’État fran­çais à leur endroit….
…Petit à petit, nous avons pu entendre la parole des vic­times. Jean-Luc Einau­di a enten­du 120 témoi­gnages. Il a recueilli 71 noms d’Algériens morts « par noyades, par balles ou suite à des vio­lences poli­cières, .…
…Car Mau­rice Papon avait impor­té ses méthodes racistes et colo­niales d’Algérie, où il avait exer­cé aupa­ra­vant et le mot d’ordre était lan­cé : « Pour un coup por­té, nous en por­te­rons 10 ». 10 000 poli­ciers avaient été mobi­li­sés en vue de cette mani­fes­ta­tion paci­fiste….

Mariano/

Maria­no Bona, pré­sident du col­lec­tif du 17 octobre Isère.

Maria­no Bona, pré­sident du col­lec­tif du 17 octobre 61, indique que « 62 ans après les faits, du che­min a été par­cou­ru. Mais il reste tou­jours impor­tant d’être mobi­li­sés et d’agir. A l’occasion du 17 octobre 2022, le pré­sident de la Répu­blique, Emma­nuel Macron, a certes recon­nu les faits qui se sont dérou­lés dans la nuit du 17 octobre 1961, en pour­sui­vant  »les crimes com­mis sous l’autorité de Mau­rice Papon, entraî­nant la mort de dizaines d’Algériens, sont inex­cu­sables pour la Répu­blique. »

Recon­naître qu’il a eu un crime est un pro­grès, même si on peut déplo­rer qu’il ait fal­lu plus de 60 ans pour le faire. Mais Mau­rice Papon, nom­mé­ment dési­gné, était-il le seul res­pon­sable de crime ?

Où était donc la  »Répu­blique » pen­dant ces mas­sacres com­mis en plein Paris par des poli­ciers sous   »l’autorité de Mau­rice Papon » ?

La réa­li­té, c’est qu’il s’agit d’un crime d’État, et c’est au nom de la rai­son d’État que le silence fut orga­ni­sé sur cette tra­gé­die. C’est la res­pon­sa­bi­li­té de l’État qu’il s’agit de recon­naître pour en tirer toutes les consé­quences.

C’est pour­quoi nous mani­fes­te­rons pour :
exi­ger de l’É­tat fran­çais qu’il recon­naisse offi­ciel­le­ment sa res­pon­sa­bi­li­té dans les mas­sacres liés à la colo­ni­sa­tion ;
exi­ger la recon­nais­sance des mas­sacres du 17 octobre comme crime d’État ;
récla­mer l’ou­ver­ture des archives de la Guerre d’Al­gé­rie et de la colo­ni­sa­tion aux cher­cheurs fran­çais et étran­gers, sans res­tric­tions, ni exclu­sives ;
refu­ser les dis­cours xéno­phobes, racistes, colo­nia­listes. »

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