Grenoble. Rififi à la Métropole : décryptage

Par Travailleur Alpin

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La cuvette grenobloise et ses débats politiques locaux aux contours parfois byzantins.

Depuis le 17 juillet 2020 et l’élection de Christophe Ferrari à la présidence – avec les voix de la droite et contre une majorité de suffrages de gauche –, c’est compliqué à la Métropole… Entre les soutiens du président d’obédience socialiste et le groupe écologistes/insoumis, le torchon brûle et les polémiques par médias interposés se succèdent. On fait le point sur le dernier épisode en date.

Une majo­ri­té plu­rielle, ce n’est pas nou­veau à Gre­noble-Alpes-Métro­pole. De mémoire de cette col­lec­ti­vi­té ancrée à gauche depuis les années 90, aucune force poli­tique n’a pu y comp­ter sur une majo­ri­té abso­lue. Ce qui a favo­ri­sé une culture par­ti­cu­lière de res­pect des ter­ri­toires, per­pé­tuée par Didier Migaud comme par Marc Baïet­to, et reven­di­quée offi­ciel­le­ment aujourd’hui par Chris­tophe Fer­ra­ri. Mais ce man­dat aura mar­qué un tour­nant, indé­nia­ble­ment. Un pré­sident mino­ri­taire dans sa majo­ri­té Le 17 juillet 2020, deux can­di­dats de gauche s’opposent pour la pré­si­dence : d’un côté, l’écologiste gre­no­blois Yann Mon­ga­bu­ru, alors pré­sident du SMAAG, sou­te­nu par les com­munes de Gre­noble, Cham­pa­gnier, Saint-Egrève et Eybens, mais aus­si par celles d’Echirolles et Saint-Martin‑d’Hères qui reven­di­quaient une plus grande équi­té vis-à-vis des com­munes ayant his­to­ri­que­ment contri­bués à réa­li­ser les grands équi­pe­ments métro­po­li­tains ; de l’autre, le pré­sident sor­tant, fort de l’appui des petites com­munes et des mai­ries socia­listes. C’est fina­le­ment le second qui rem­por­te­ra la mise, au terme d’un match de plu­sieurs heures, dont les suf­frages des groupes LREM, LR/UDI, Car­ri­gno­niste et RN arbi­tre­ront l’issue. Pas ques­tion pour autant de consti­tuer une majo­ri­té avec ces der­niers. Chris­tophe Fer­ra­ri le réaf­firme dès le len­de­main de son élec­tion contro­ver­sée : il gou­ver­ne­ra avec la gauche uni­que­ment. De quoi irri­ter pro­fon­dé­ment le groupe centriste/macroniste, sou­tien de la pre­mière heure du pré­sident, dont les élus esti­me­ront alors par la voix de Laurent Tho­viste être « les din­dons de la farce ». De longues trac­ta­tions auront donc lieu pour accou­cher d’un exé­cu­tif métro­po­li­tain équi­li­bré. Et pour cause, puisque les groupes UMA (éco­lo­gistes et insou­mis, ndlr) et CCC (com­mu­nistes et appa­ren­tés) dis­po­saient alors d’une « majo­ri­té dans la majo­ri­té ». L’ensemble des vice-pré­si­dents et conseillers délé­gués seront fina­le­ment élus en octobre, autour d’un contrat de majo­ri­té fruit d’un tra­vail col­lec­tif.

Fric­tions poli­tiques et règle­ments de comptes

Le man­dat s’engageait donc sur fond de riva­li­té, mais les choses allaient rapi­de­ment se tendre autour de nom­breux sujets d’orientations, notam­ment dans le domaine des trans­ports. Ain­si, les éco­lo­gistes ne digèrent pas la perte de la pré­si­dence du SMMAG face à Syl­vain Laval, le nou­veau maire de Saint-Mar­tin-le-Vinoux, qui a fait ses classes au cabi­net de Nicole Bel­lou­bet, ministre de la Jus­tice d’Emmanuel Macron de 2017 à 2020. Ni ce qu’ils dénoncent comme un « tour­nant de la rigueur » dans la poli­tique des dépla­ce­ments. Les sor­ties média­tiques se mul­ti­plient, sur ce sujet comme sur d’autres, et les coups bas aus­si, sou­vent résu­més dans les médias à un match « Piolle contre Fer­ra­ri ».

Des équi­libres mou­vants

En paral­lèle, le groupe UMA s’effrite, tri­bu­taire des aléas poli­tiques gre­no­blois. Ain­si, après plu­sieurs départs indi­vi­duels, le der­nier évé­ne­ment en date aura été l’exclusion de sept élus gre­no­blois de la majo­ri­té muni­ci­pale, sur fond de ten­sions liées au débat bud­gé­taire. Sauf que cinq d’entre eux siègent aus­si à la métro­pole, et qu’ils ont logi­que­ment créé leur propre groupe, se rap­pro­chant du pré­sident Chris­tophe Fer­ra­ri. Un bou­le­ver­se­ment qui a per­mis à ce der­nier d’ouvrir la porte à une remise en ques­tion des accords qui régis­saient jusqu’alors la majo­ri­té plu­rielle, ouvrant une nou­velle crise poli­tique au sein de l’institution.
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La com­po­si­tion de l’as­sem­blée métro­po­li­taine en 2020 et aujourd’­hui : la majo­ri­té de gauche compte désor­mais en son sein les cinq « dis­si­dents » gre­no­blois.

Les com­mu­nistes appellent à la res­pon­sa­bi­li­té col­lec­tive

Pré­texte de la dis­corde : un man­dat de vice-pré­sident – sur le pla­teau de Télé­Gre­noble, il a même dit entre deux et trois – que le pré­sident entend reti­rer aux éco­lo­gistes et insou­mis pour l’attribuer à l’un de ses sou­tiens. Si les échanges entre chaque camp – par cour­riers inter­po­sés – se tendent, d’autres voix se font entendre. A l’image des com­mu­nistes, dont le groupe de treize élus tente de jouer les traits d’union depuis le début du man­dat. Ain­si, Jérôme Rubes, adjoint au maire de Saint-Martin‑d’Hères et conseiller délé­gué à la Métro­pole, a‑t-il pro­po­sé ce mar­di l’organisation d’un sémi­naire de l’ensemble des élus de la majo­ri­té de gauche, à l’image de ce qui avait été orga­ni­sé en sep­tembre 2020 pour éla­bo­rer le contrat de man­da­ture. Jéré­mie Gio­no, secré­taire dépar­te­men­tal du PCF, a enfon­cé le clou dans les colonnes du Dau­phi­né libé­ré du mar­di 23 mai, évo­quant « le spec­tacle déplo­rable » que donnent « ces guerres intes­tines au sein de la majo­ri­té métro­po­li­taine […] à un moment où l’extrême-droite monte de plus en plus ». Pour le diri­geant com­mu­niste, les dif­fé­rents qui tra­versent la majo­ri­té doivent se régler en interne, quitte à orga­ni­ser un vote entre les élus de cette der­nière, mais « il n’est plus pos­sible de lais­ser la droite arbi­trer dans l’hémicycle ». Une voix qui aurait un cer­tain écho auprès de nom­breux élus socia­listes comme éco­lo­gistes, les­quels n’en peuvent plus de ces conflits qui pol­luent la vie poli­tique de l’institution… « L’Isère, ce n’est pas la métro­pole » Cette crise n’agace pas uni­que­ment dans la cuvette gre­no­bloise. Un sou­tien du séna­teur Guillaume Gon­tard (Ras­sem­ble­ment de la gauche et des éco­lo­gistes, lui-même élu dans le Trièves) implan­té en zone rurale témoigne : « Il est temps que les col­lègues de la Métro règlent leurs affaires entre eux, et arrêtent de se don­ner en spec­tacle. L’Isère, ce n’est pas la métro­pole, et il y a besoin d’une gauche forte et ras­sem­blée pour por­ter nos valeurs dans le réel ». L’élu d’une com­mune de moins d’environ 6000 habi­tants de conclure « on a bien fait de se tenir éloi­gnés de ce bazar, nous on veut ras­sem­bler toutes les bonnes volon­tés par­tout sur le ter­ri­toire du dépar­te­ment et la gue­guerre Ferrari/Piolle, ce n’est pas notre sujet ». C’est dit. Quoi qu’il en soit, le conseil métro­po­li­tain du ven­dre­di 26 mai s’annonce – une nou­velle fois – très ten­du.

Robert W. Ewellnes

Dernière minute : le conseil du 26 mai ne statuera pas sur les délégations

Suite à la posi­tion expri­mée par le groupe com­mu­niste et à la demande conjointe for­mu­lée par les maires d’Ey­bens, Seys­si­net-Pari­set, Saint-Egrève et La Tronche (qui comptent des élus métro­po­li­tains membres des groupes UMA et ACTES dans leurs majo­ri­tés muni­ci­pales, ndlr), le pré­sident Chris­tophe Fer­ra­ri a fina­le­ment accep­té de lever son ulti­ma­tum à l’en­contre des éco­lo­gistes afin que les conflits au sein de la majo­ri­té puissent s’ar­bi­trer en interne de cette der­nière. Si le conseil du ven­dre­di 26 mai s’an­nonce tou­jours ten­du poli­ti­que­ment, notam­ment autour de l’é­pi­neux dos­sier de la zone à faibles émis­sions, il ne sera donc pas ques­tion de rema­nier l’exé­cu­tif à cette occa­sion. Affaire à suivre… (Com­plé­ment d’in­for­ma­tions ajou­té le 25 mai à 22h30)

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