Grenoble. Ce lundi matin, la Mut’ a sauvé 2,7 millions d’euros
Par Luc Renaud
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Plusieurs centaines de personnes ont participé au rassemblement organisé ce lundi 9 janvier devant la clinique mutualiste, à Grenoble.
Le conseil d’administration devait se réunir ce lundi 9 au matin. A menu des débats, un nouveau transfert de fonds en provenance de la clinique mutualiste et à destination du groupe Avec, via la mutuelle Doctocare. La réunion ne s’est pas tenue : Bernard Bensaïd, qui devait la présider, a été interpellé et mis en garde à vue.
« C’est un soulagement. » Nicolas Albin, chef du service de cancérologie à la clinique mutualiste et président de la commission médicale de l’établissement, s’exprimait en ces termes lors d’une conférence de presse ce lundi 9 janvier. Il livrait ainsi le sentiment de l’ensemble de la communauté médicale du Groupe hospitalier mutualiste dont la clinique est membre. Il y avait là le secrétaire du comité social et économique, Thierry Carron (F0), les représentants des usagers, ainsi que l’ensemble des chefs des différents services du GHM : urgences, cardiologie, oncologie, radiologie, médecine… Une unanimité qui venait de se manifester lors du rassemblement organisé devant la clinique entre midi et deux, les personnels étant invités à la grève au même moment. Plusieurs centaines de personnes et des prises de parole du comité de quartier – très en pointe dans la mobilisation pour la défense de la clinique mutualiste – de Thierry Carron pour FO, de Nicolas Benoit, secrétaire de l’union départementale CGT, de Nicolas Albin, président de la CME…L’ensemble des chefs de service, le président du CSE, les représentantes des usagers… réunis devant la presse locale.
Un soulagement partagé et une envie prégnante : que l’enquête aille au bout et permette au groupe hospitalier mutualiste de sortir des griffes de la société commerciale qu’est le groupe Avec. Mais reprenons le fil des événements. La mutuelle Adrea (aujourd’hui Aesio), majoritaire dans la direction du GHM, décide en 2019 de la vendre. En octobre 2020, elle choisit le candidat le plus éloigné des principes mutualistes, la société Doctegestio (devenue le groupe Avec) qui achète par le truchement de deux mutuelles qui lui appartiennent. Groupe présidé par Bernard Bensaïd. L’opposition à la gestion du nouveau propriétaire se développe, côté syndical, professionnels de santé et usagers. Car le groupe Avec « tape dans la caisse ». Quatre millions d’euros facturés au GHM pour des prestations dont médecins et agents hospitaliers contestent la réalité. Ou encore des « prêts » consentis, si l’on peut dire, par le GHM à sa « maison mère ». Des « contributions » au fonctionnement du « siège ». Au total, Thierry Carron chiffre à plus de dix millions d’euros le montant prélevé dans la trésorerie du CHM. Et ce qui devait se décider ce lundi matin, c’était une nouvelle ponction de 2,7 millions d’euros. Gestion qui n’est évidemment pas sans conséquences sur les salariés du GHM et les patients qu’il accueille. Nicolas Albin en citait un exemple : l’achat d’un CyberKnife – un appareil de radiothérapie qui permet le traitement de tumeurs inopérables – a été repoussé, faute d’argent. « Personne ne dispose de cet équipement dans la région grenobloise, avoir renoncé à cet achat est inadmissible », souligne le docteur Nicolas Albin.Le docteur Nicolas Albin, président de la commission médicale d’établissement.
C’est cette situation qui a motivé le déclenchement d’une procédure de droit d’alerte par le CSE, mais aussi du dépôt d’une plainte par les syndicats CGT et FO auprès du parquet national financier pour « prise illégale d’intérêts et détournement de fonds publics ». Qui s’ajoute à d’autres procédures en cours. Notamment celle qui fait suite aux alertes lancées par le commissaire aux compte du GHM, le cabinet KPMG. Procédure qui a déjà débouché sur la convocation d’une assemblée générale des actionnaires du GHM le 17 janvier prochain, à l’issue de laquelle le tribunal de commerce pourrait à son tour être saisi de la situation. Le président du groupe Avec, Bernard Bensaid, a donc été interpellé dans le cadre de l’enquête conduite par le PNF depuis juin dernier. Interpellation à Paris assortie d’un transfert à Grenoble pour une audition par la police judiciaire tandis que des perquisitions se déroulaient à son domicile ainsi que dans les locaux du groupe Avec. Et maintenant ? L’affaire est largement entre les mains de la justice. Ce que réclament les syndicats et la communauté médicale, c’est que le GHM soit mis « sous protection », selon les termes de Nicolas Albin, ou « sous tutelle », comme le réclame Thierry Carron. En clair, que Bernard Bensaid ne puisse plus toucher au carnet de chèque. Car il est très clair pour tous que le GHM n’a pas d’avenir s’il demeure sous la coupe d’une société plus soucieuse de profits que de santé publique. Or « il n’est pas imaginable que la population grenobloise et au-delà puisse se passer de la Mut’ », martèle Nicolas Albin qui rappelle avec ses collègues que les équipes médicales sont compétentes, travaillent, et ne demandent qu’à soigner leurs patients.Thierry Carron, secrétaire du CSE (FO).
La justice a d’ailleurs fort à faire avec les activités de Bernard Bensaid. Un représentant du collectif qui se bat à Chamrousse sur un autre front, celui des résidences de tourisme, est venu ce lundi raconter son combat contre le groupe Avec. Tandis que les procédures se multiplient dans le pays, là pour une clinique, plus loin pour un Ehpad, ailleurs pour des affaires immobilières… Ce lundi, les lignes de fractures ont commencé à se faire jour dans un édifice d’autant plus solide que Bernard Bensaïd n’a jamais manqué de faire la publicité – un peu trop peut-être – de sa proximité avec le pouvoir politique. Ainsi se vantait-il de tutoyer la Première ministre tandis que l’on retrouve à la direction du groupe Avec un ancien secrétaire d’État du quinquennat Sarkozy, Yves Jego. La mobilisation opiniâtre des syndicats, des salariés, des associations et de l’ensemble de la communauté médicale a fini par soulever le couvercle qui pesait sur ce qui est désormais aussi un dossier judiciaire.