MC2-Grenoble — Le Monde renversé. La figure de la sorcière, icône d’un nouveau féminisme. Gonflé et jubilatoire !

Par Régine Hausermann

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De gauche à droite : Marie-Ange Gagnaux, Clara Bonnet, Aurélia Lüscher et Itto Mehdaoui  © Dorothée Thébert-Filliger

Mardi 29 novembre — Elles sont quatre sur scène, les quatre membres du collectif Marthe, quatre jeunes femmes pleines d’énergie, en short ou tenue légère, les quatre créatrices du spectacle (texte, jeu et mise en scène). Leur projet : démystifier la figure de la sorcière du Moyen-Age à nos jours. Elles se sont documentées et s’en prennent aux misogynes et patriarches de tous bords, maniant la satire avec ardeur et drôlerie. Haro sur tous ceux qui contestent la liberté et l’indépendance de ces femmes rebelles ! Haro sur les sociétés qui s’emparent du corps de la femme pour la réduire à un outil de la domination capitaliste ! Le Petit Théâtre de la MC2 — rempli de jeunes et de moins jeunes, hommes et femmes — jubile.

Le col­lec­tif Marthe

Elles se sont ren­con­trées à l’Ecole de la Comé­die de Saint-Etienne d’où elles sont sor­ties en 2014 et 2015. Quelques années plus tard, en 2018, elles signaient leur pre­mière créa­tion, Le Monde ren­ver­sé. Un suc­cès qu’elles ont vou­lu confir­mer par une deuxième créa­tion. Ce sera Tiens ta garde pro­gram­mée le 13 mars 2020. Soit le jour fati­dique, celui où tous les lieux cultu­rels ont fer­mé pour cause de Covid. Pour les jeunes com­pa­gnies, le coup est par­ti­cu­liè­re­ment rude. Pas de repré­sen­ta­tion, pas de salaire – sauf excep­tion. Pas de salaire, risque de perdre le sta­tut d’intermittent.
En ce mois de novembre 2020, on est heu­reux de les retrou­ver debout, plus sor­cières que jamais.

Aux sources du spec­tacle

Un livre, Cali­ban et la sor­cière. Femmes, corps et accu­mu­la­tion pri­mi­tive, de l’universitaire état­su­nienne d’origine ita­lienne, Sil­via Fede­ri­ci. Publié en 2004, l’essai est tra­duit et publié en France en 2014 . (Paris, Entre­monde, 2014, tra­duc­tion de l’anglais par le col­lec­tif Seno­ne­ve­ro, revue et com­plé­tée par Julien Guaz­zi­ni.)

L’ouvrage théo­rise le lien entre le féo­da­lisme, l’avènement du capi­ta­lisme patriar­cal et la chasse aux sor­cières en Europe, entre les XVe et le XVIIe siècles. Au pro­ces­sus éla­bo­ré par Marx d’« accu­mu­la­tion pri­mi­tive du capi­tal », Sil­via Fede­ri­ci ajoute les femmes, en tant que « matrices à tra­vailleurs ».

Une mise en scène à cent à l’heure !

Avant le démar­rage effec­tif de la pièce, les quatre filles déam­bulent sur scène, haran­guant le public, décri­vant les repro­duc­tions de visages plus ou moins connus, de théo­ri­ciens du fémi­nisme, de vic­times ou de bour­reaux de femmes insou­mises. On se balade à tra­vers les siècles. On passe de pro­pos sérieux à des séquences lou­foques qui jouent avec la paro­die, l’humour et l’absurde.

On est sai­si par l’audace de ces quatre jeunes femmes, leur par­ler cru, leur enga­ge­ment à faire explo­ser les tabous.

« Ce pro­jet s’inscrit dans une logique de labo­ra­toire. Nous avons expé­ri­men­té une écri­ture de pla­teau où se mêlent impro­vi­sa­tions, textes écrits par nous et frag­ments de dif­fé­rentes sources lit­té­raires, avec en tête, celle de Sil­via Fede­ri­ci. Notre dra­ma­tur­gie de pla­teau se confronte sans cesse à la ques­tion para­doxale de la repré­sen­ta­tion de la « sor­cière ».

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