Municipales. Le Grenoble Alpes collectif veut « redonner le pouvoir aux citoyens »

Par Manuel Pavard

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Fabien Givernaud et Léonie Chamussy, membres du GAC, devant le local du collectif, avenue Félix-Viallet, et à côté d'une affiche appelant les Grenoblois à participer au plébiscite.
Le Grenoble Alpes collectif (GAC) organise ce samedi 15 novembre son premier meeting de campagne pour les municipales 2026. Une liste "citoyenne et participative", qui entend "redonner le pouvoir" aux habitants, en s'appuyant sur des concepts comme la démocratie directe, la parité sociale ou encore le plébiscite, expérimenté pour la première fois sur le territoire. Tout résident grenoblois peut ainsi être désigné pour intégrer la liste, dont la composition sera connue, comme la tête de liste, début décembre.

« Si on m’a­vait deman­dé il y a un an [NDLR : de mener une cam­pagne élec­to­rale, d’ac­cep­ter de faire par­tie d’une liste], j’au­rais dit que ce n’é­tait pas pour moi. C’est une bar­rière à dépas­ser. » Le constat de Léo­nie Cha­mus­sy ne fait pas seule­ment écho à son his­toire per­son­nelle mais illustre éga­le­ment la rai­son d’être et l’am­bi­tion du Gre­noble Alpes col­lec­tif (GAC). À savoir « redon­ner le pou­voir aux citoyennes et citoyens » afin que ceux-ci puissent déci­der ensemble de l’avenir de la ville. Ce qui implique un prin­cipe très simple, bran­di en éten­dard par le col­lec­tif : « Tout le monde peut être lu. »

Assis dans leur local de cam­pagne, sur l’a­ve­nue Félix-Vial­let, Léo­nie Cha­mus­sy et Fabien Giver­naud narrent tous deux des par­cours dif­fé­rents mais aux moti­va­tions très proches. La jeune mili­tante de 25 ans, ingé­nieure dans une Scop à 80 %, était « inté­res­sée par la poli­tique mais ne se recon­nais­sait pas dans les par­tis poli­tiques ». Avec le GAC, elle a « décou­vert une façon de faire la poli­tique plus col­lec­tive et inclu­sive ».

Léo­nie Cha­mus­sy et Fabien Giver­naud dans le local de cam­pagne du GAC.

Le second est, lui, une per­son­na­li­té recon­nue de la scène cultu­relle gre­no­bloise, direc­teur artis­tique de Mix’arts. Et l’un des co-fon­da­teurs du Gre­noble Alpes col­lec­tif. « L’i­dée est née, il y a un an et demi, d’un petit groupe de per­sonnes ayant des désac­cords sur pas mal de choses avec la mai­rie actuelle, raconte-t-il. À l’é­poque, à gauche, il ne se pas­sait pas grand chose et en face, Cari­gnon arri­vait très fort. On s’est donc dit qu’il fal­lait pro­po­ser une alter­na­tive. »

« Le plé­bis­cite ren­verse ce qui se fait tra­di­tion­nel­le­ment. (…) Tous les Gre­no­blois ou les per­sonnes impli­quées dans la vie de la com­mune peuvent pro­po­ser des noms de citoyen-nes sus­cep­tibles de faire par­tie de la liste. »

Léo­nie Cha­mus­sy, mili­tante du GAC

De fil en aiguille, le col­lec­tif s’é­toffe pour atteindre aujourd’­hui une tren­taine de membres actifs qui se réunissent régu­liè­re­ment, sui­vis par envi­ron 400 per­sonnes abon­nées aux infor­ma­tions heb­do­ma­daires. « Des pro­fils plu­tôt jeunes » pour la plu­part, confie Fabien Giver­naud qui, du haut de ses 39 ans, fait presque figure de vété­ran. Tous séduits par cette façon de « mili­ter dif­fé­rem­ment » et cette ambi­tion affi­chée « d’in­clure les habi­tants dans les déci­sions ».

L’ob­jec­tif est en effet de « sor­tir de ce for­mat clas­sique des élec­tions avec un chef ou deux, sou­vent des hommes blancs de plus de 50 ans, qui demande aux gens de se ral­lier à eux », indique le mili­tant. Lui comme ses cama­rades refusent caté­go­ri­que­ment ce type de sché­ma ver­ti­cal et planchent donc sur un sys­tème plus hori­zon­tal et plus démo­cra­tique. « On a tou­jours eu cette idée de choi­sir la tête de liste avec une élec­tion sans can­di­dats. Après, même à l’heure actuelle, on ne sait pas vrai­ment com­ment la liste va se déci­der », recon­naît Fabien Giver­naud.

Pro­cé­dé phare du GAC, au cœur de toute sa stra­té­gie, « le plé­bis­cite ren­verse ce qui se fait tra­di­tion­nel­le­ment, vante Léo­nie Cha­mus­sy. Ce n’est pas une per­sonne qui se pro­pose pour être sur la liste, mais une per­sonne qu’on a pro­po­sée. » Le pro­ces­sus de dési­gna­tion est ain­si ouvert à l’en­semble des habi­tants de la ville. « Tous les Gre­no­blois ou les per­sonnes impli­quées dans la vie de la com­mune peuvent pro­po­ser des noms de citoyen-nes sus­cep­tibles de faire par­tie de la liste », explique-t-elle. Libre à cha­cun d’ac­cep­ter ou non de figu­rer sur la pla­te­forme de plé­bis­cite citoyen.

Le binôme de têtes de liste désigné les 6 et 7 décembre

Seules contraintes, il faut être « éli­gible à Gre­noble et por­ter des valeurs concor­dant avec celles du Gre­noble Alpes col­lec­tif », défi­nies notam­ment dans une charte. Toutes les per­sonnes plé­bis­ci­tées à la date limite du 15 novembre (actuel­le­ment une qua­ran­taine) se retrou­ve­ront pour le week-end de ren­contre et for­ma­tion pré­vu same­di 15 et dimanche 16 novembre, avec en point d’orgue le grand mee­ting fes­tif orga­ni­sé ce same­di soir au local. Une pre­mière étape avant le week-end des 6 et 7 décembre, qui ver­ra les membres du GAC et les habi­tants plé­bis­ci­tés dési­gner la ou les deux têtes de liste ain­si que les autres can­di­dats de la liste.

Le Gre­noble Alpes col­lec­tif a signé un bail de six mois pour occu­per ces locaux situés ave­nue Félix-Vial­let, dans le centre de Gre­noble.

Si le dis­po­si­tif a déjà été expé­ri­men­té à Tou­louse par l’Ar­chi­pel citoyen, ce sera une grande pre­mière à Gre­noble et plus goba­le­ment en Isère. Un bon moyen de se démar­quer lors­qu’on a « des moyens finan­ciers et média­tiques bien plus faibles que ceux des autres can­di­dats ». Pour Fabiern Giver­naud, c’est aus­si une ques­tion de cohé­rence : « Dans la Ve Répu­blique, le maire ou le pré­sident ont tous les pou­voirs. Si on veut être cré­dible en prô­nant la sor­tie de la Ve Répu­blique, il faut mon­trer que notre sys­tème fonc­tionne à l’é­chelle locale. »

Dans la même veine, les mili­tant-es du Gre­noble Alpes col­lec­tif prônent éga­le­ment la pari­té sociale, thème qui sera l’ob­jet d’une soi­rée spé­ciale, le 4 décembre, en pré­sence du socio­logue Kevin Vacher. L’i­dée, là encore, est de démo­cra­ti­ser la poli­tique, notam­ment grâce aux cri­tères défi­nis pour le plé­bis­cite. « Ils sont beau­coup basés sur la classe sociale, l’o­ri­gine géo­gra­phique et eth­no-raciale… Ce qui per­met de pré­sen­ter des per­sonnes n’é­tant pas des pro­fes­sion­nels de la poli­tique », sou­ligne le res­pon­sable de Mix’arts.

« Dans une autre logique que les partis politiques »

Natu­rel­le­ment, une ques­tion brûle les lèvres : com­ment se posi­tionne poli­ti­que­ment le Gre­noble Alpes col­lec­tif ? « On est une liste citoyenne et par­ti­ci­pa­tive qui fait par­tie d’un réseau natio­nal, Actions com­munes, pré­sen­tant plus de trois cents listes pour les muni­ci­pales 2026, pré­cise Léo­nie Cha­mus­sy. En fait, on est dans une autre logique que les par­tis poli­tiques : on ne se défi­nit pas de droite ou de gauche, on pré­fère par­ler de valeurs. » Alors bien sûr, celles-ci sont « plu­tôt des valeurs de gauche », admet Fabien Giver­naud. « Mais comme la gauche ins­ti­tu­tion­nelle ne les porte pas réel­le­ment, on n’a pas envie d’être éti­que­té ain­si. »

Mal­gré tout, le GAC a déjà ren­con­tré toutes les listes de gauche et conti­nue à dis­cu­ter avec tout le monde « hors Cari­gnon et RN ». Mais pas ques­tion pour ses mili­tants d’ac­cep­ter les appels du pied et autres mains ten­dues aux airs de cadeau empoi­son­né. Car tous ont été échau­dés par l’ex­pé­rience du Réseau citoyen qui a, selon eux, sacri­fié son auto­no­mie et sa liber­té en inté­grant la muni­ci­pa­li­té Piolle.

« On veut désacraliser le statut des élus »

Pour les membres du col­lec­tif, tout cela découle de leur vision de l’é­lu, « dif­fé­rente de celle des autres par­tis ». Fabien Giver­naud et Léo­nie Cha­mus­sy décryptent : « On veut désa­cra­li­ser le sta­tut des élus qui ne sont pas légi­times à prendre les déci­sions pour les habi­tants, mais qui sont là pour orga­ni­ser les débats. L’argent public n’est pas le leur, c’est celui des gens ! »

Ce sou­ci de contrôle démo­cra­tique se retrouve d’ailleurs dans le pro­gramme, en cours d’é­la­bo­ra­tion au sein des groupes de tra­vail auto­nomes, qui réflé­chissent sur diverses thé­ma­tiques (culture, sécu­ri­té, ali­men­ta­tion, loge­ment…). Durant plus de six mois, le Gre­noble Alpes col­lec­tif a notam­ment tra­vaillé sur le bilan des acteurs des poli­tiques cultu­relles et sur celui des ins­tances démo­cra­tiques — lequel a don­né lieu à un épais dos­sier de plus de 70 pages.

« On s’est ren­du compte à cette occa­sion qu’on avait encore quelques gros points de blo­cage avec la muni­ci­pa­li­té », relève Fabien Giver­naud. « Mais ce n’est pas le cas sur tout », avoue-t-il hon­nê­te­ment, citant les exemples de poli­tiques posi­tives sur « le vélo ou les can­tines dans les écoles ».

Un budget citoyen géré à 100 % par les habitants

Dans le pro­gramme du GAC, l’un des points les plus emblé­ma­tiques et sym­bo­liques concerne sans conteste le bud­get citoyen. Autre­ment dit, un bud­get muni­ci­pal géré inté­gra­le­ment par une assem­blée citoyenne, les Gre­no­blois déci­dant eux-mêmes de l’usage de chaque euro. « La majo­ri­té actuelle nous dit que c’est impos­sible mais on a ren­con­tré Hakim Sabri [NDLR : l’an­cien adjoint aux finances démis­sion­naire] pour qu’il nous donne son avis. Non seule­ment il a vali­dé notre pro­po­si­tion mais en plus, il nous rejoint », se féli­cite Fabien Giver­naud, ravi de cette « prise de guerre » confé­rant une réelle « légi­ti­mi­té » au col­lec­tif.

Hakim Sabri (alors adjoint aux finances) au conseil muni­ci­pal en 2020, est aujourd’­hui un ren­fort de choix pour le GAC.

Ce der­nier entend éga­le­ment redon­ner toute sa place à la socié­té civile, au terme d’une décen­nie durant laquelle « la ville a énor­mé­ment muni­ci­pa­li­sé les choses », déplore le mili­tant. Celui-ci regrette ain­si « le fos­sé qui s’est creu­sé dans les quar­tiers popu­laires » entre les asso­cia­tions et la mai­rie, sans comp­ter la qua­si-dis­pa­ri­tion des struc­tures indé­pen­dantes (mai­sons des habi­tants, MJC…). Le GAC, lui, pro­pose notam­ment de « sup­pri­mer les grands évé­ne­ments orga­ni­sés par la ville, comme la Fête des Tuiles, Émer­gences ou la Bien­nale des villes en tran­si­tion ». Autant de pro­jets coû­teux dont le bud­get pour­rait être affec­té au monde asso­cia­tif.

« Quand les gens sortent de ce qu’on leur matraque à la télé­vi­sion, on réa­lise qu’ils sont capables de réflé­chir par eux-mêmes. »

Fabien Giver­naud, co-fon­da­teur du GAC

Très cri­tique sur la poli­tique cultu­relle sous les man­dats d’É­ric Piolle, le col­lec­tif n’é­pargne pas non plus l’é­dile sur la ques­tion de la sécu­ri­té, accu­sant « la majo­ri­té d’a­voir lais­sé le champ libre à la droite ». « C’est un sujet cen­tral », acquiesce Léo­nie Cha­mus­sy, qui appelle à « ren­for­cer les expé­ri­men­ta­tions en cours » sur la police de proxi­mi­té ou à « recréer des espaces de dis­cus­sion pour faire dia­lo­guer les habi­tants des quar­tiers avec les pro­fes­sion­nels de la sécu­ri­té (poli­ciers, pom­piers…) ». Et ce, pour faire remon­ter des pro­po­si­tions dans les CLSPD ou à la pré­fec­ture.

Tous sont en revanche très sévères sur les mesures défen­dues par la droite, comme le déve­lop­pe­ment des camé­ras de vidéo­sur­veillance ou l’ar­me­ment des poli­ciers muni­ci­paux. « C’est pure­ment déma­go­gique et ça n’au­rait pas d’ef­fet sur la délin­quance », juge ain­si Fabien Giver­naud.

Ce der­nier n’é­lude pas non plus indis­pen­sables poli­tiques envi­ron­ne­men­tales, citant plus par­ti­cu­liè­re­ment la conven­tion citoyenne pour le cli­mat. Avec un constat empi­rique : « Quand les gens sortent de ce qu’on leur matraque à la télé­vi­sion, on réa­lise qu’ils sont capables de réflé­chir par eux-mêmes. » D’où sa convic­tion quant à l’im­por­tance de la démo­cra­tie directe, qui ne se résume pas aux réfé­ren­dums, pro­ces­sus lar­ge­ment faus­sé par « tous les biais média­tiques ».

« Faire un gros score au premier tour et gagner la prochaine fois »

Dans ce contexte, qu’es­père le Gre­noble Alpes col­lec­tif en mars pro­chain ? Pre­mier point, ses membres tiennent à ras­su­rer sur leur sens des res­pon­sa­bi­li­tés. « On garde quand même l’ob­jec­tif de ne pas faire pas­ser la droite. S’il y a un vrai risque d’une arri­vée de Cari­gnon à la mai­rie, on fera bien sûr ce qu’il faut », se pro­jette Fabien Giver­naud. Pour le reste, assène Léo­nie Cha­mus­sy, « on n’est pas là pour faire de la figu­ra­tion mais pour avoir des élus et mettre en place l’ex­pé­ri­men­ta­tion de la démo­cra­tie directe ».

Sur le long terme, le GAC espère « faire vivre ses valeurs hors des élec­tions », indique-t-elle. Entrer dans les ins­tances de déci­sion pour « chan­ger les choses de l’in­té­rieur ». « Lucides », comme ils l’a­vouent eux-mêmes, ses mili­tants entendent bien faire du scru­tin une tri­bune et un trem­plin pour popu­la­ri­ser leurs idées. Fabien Giver­naud dévoile ain­si ce qui serait le véri­table objec­tif du col­lec­tif : « faire un gros score au pre­mier tour, en 2026, et gagner la pro­chaine fois »

Meeting festif du GAC samedi 15 novembre

Le Gre­noble Alpes col­lec­tif orga­nise son pre­mier mee­ting pour la cam­pagne des muni­ci­pales 2026, ce same­di 15 novembre au soir. Au menu : détails des pre­mières grandes mesures du pro­gramme (sécu­ri­té, culture, loge­ment, démo­cra­tie, etc) ; pré­sen­ta­tion du jour­nal du GAC ; célé­bra­tion du plé­bis­cite ; concerts d’A­rash Sar­ke­chik (avec son pro­jet Bla­di Sound Sys­tem) et de Non-Bina­ry Beats.

Ouver­ture du mee­ting à 19h, concerts à par­tir de 20h30, au local du GAC, 20 ave­nue Félix-Vial­let, à Gre­noble. Plus d’in­for­ma­tions sur l’é­vè­ne­ment Face­book du mee­ting.

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