Soitec. Fronde syndicale unanime à Bernin contre l’augmentation du directeur général

Par Manuel Pavard

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Les représentants des quatre syndicats parlant d'une seule voix lors du rassemblement devant le siège de Soitec, à Bernin, mercredi 18 juin.
L'intersyndicale de Soitec (CGT, CFE-CGC, FO, CFDT) appelait à un rassemblement unitaire ce mercredi 18 juin, devant le site de Bernin, pour dénoncer la forte augmentation proposée au directeur général (hausse de 10 % de la rémunération fixe plus divers bonus et primes). Une décision d'autant plus "scandaleuse", selon les syndicats, que les salariés doivent composer actuellement, lors des NAO, avec une politique salariale en berne.

« Les quatre syn­di­cats qui se mettent d’ac­cord, c’est qua­si­ment his­to­rique. Ce n’est arri­vé qu’une fois et ça date, c’é­tait pour les actions gra­tuites de nos diri­geants » (NDLR : en 2019). Fabrice Lal­le­ment, délé­gué syn­di­cal CGT chez Soi­tec, insiste sur l’im­por­tance du moment. Un front com­mun syn­di­cal qui s’est consti­tué spon­ta­né­ment face à la déci­sion prise du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion. Et qui a conduit une cen­taine de sala­riés à se ras­sem­bler durant la pause méri­dienne, ce mer­cre­di 18 juin, à l’en­trée du site de Ber­nin.

En cause, « l’aug­men­ta­tion scan­da­leuse », selon l’in­ter­syn­di­cale, de la rému­né­ra­tion du direc­teur géné­ral Pierre Bar­na­bé. Un point figu­rant dans le rap­port annuel de Soi­tec, publié le 11 juin en vue de l’as­sem­blée géné­rale des action­naires, qui devra vali­der, le 22 juillet pro­chain, l’en­semble des réso­lu­tions.

L’in­ter­syn­di­cale entend bien mettre la pres­sion aux action­naires de Soi­tec, qui se réunissent en assem­blée géné­rale le 22 juillet.

Dans le détail, ces mesures com­prennent pre­miè­re­ment une aug­men­ta­tion de 10 % de la rému­né­ra­tion fixe, la por­tant à 583 000 euros annuels. Et ce, après une pré­cé­dente hausse de 10 % déjà accor­dée l’an­née pas­sée. S’y ajoutent « 150 % d’ac­tions gra­tuites sur cri­tères de per­for­mances (soit un total éva­lué à 2,3 mil­lions d’eu­ros) et une prime excep­tion­nelle cor­res­pon­dant à 100 % de son salaire de base », pré­cise Vivien Renauld, délé­gué syn­di­cal CFE-CGC. Sans oublier un bonus de 318 000 euros ver­sé pour l’exer­cice 2024–2025.

« Deux mondes » et un « décalage énorme »

Pour Fabrice Lal­le­ment, le pac­tole offert au direc­teur géné­ral « pose pro­blème sur le fond et sur la forme ». Repré­sen­tant du CSE au conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, il raconte ain­si avoir eu « des docu­ments avant le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, qui n’in­cluaient pas cette réso­lu­tion et ces évo­lu­tions des élé­ments de rému­né­ra­tion. On reproche à nos diri­geants d’a­voir eu connais­sance de cette info et de ne pas avoir créé les condi­tions pour qu’on puisse échan­ger et leur expli­quer ce déca­lage énorme avec les NAO », ajoute-t-il.

Le hasard fai­sant par­fois mal les choses, l’an­nonce de cette aug­men­ta­tion inter­vient en effet au moment où se tiennent les négo­cia­tions annuelles obli­ga­toires (NAO). « On ne peut pas décor­ré­ler les deux. La tem­po­ra­li­té n’est vrai­ment pas bonne », sou­ligne Vivien Renauld. « Entre nos NAO à 2,2 %, et même désor­mais à 2,5 % d’aug­men­ta­tion indi­vi­duelle, et notre direc­teur géné­ral pour qui ça se compte en mil­lions d’eu­ros, il y a deux mondes », abonde son col­lègue de la CGT.

Des résultats en baisse pour Soitec

Nom­mé en 2022, Pierre Bar­na­bé arri­ve­ra à la fin de son man­dat en 2026. « Son ‘équipe rap­pro­chée’ jus­ti­fie ces aug­men­ta­tions comme autant de gestes de nature à le convaincre de conti­nuer pour un nou­veau man­dat », indique l’in­ter­syn­di­cale. Pour­tant, « si on fait le bilan des résul­tats de Soi­tec depuis qu’il est là, ce n’est pas miro­bo­lant », confie Fabrice Lal­le­ment. Le tout dans un contexte glo­bal déli­cat pour la filière micro­élec­tro­nique, comme l’illus­trent les dif­fi­cul­tés de STMi­croe­lec­tro­nics. Des tur­bu­lences n’ayant pas épar­gné Soi­tec, qui vient de publier des résul­tats en baisse (un chiffre d’af­faires annuel en recul de 9 %) et en-deçà des pré­vi­sions.

Les sala­riés sont cho­qués d’une telle aug­men­ta­tion du DG alors que les pro­po­si­tions sala­riales lors des NAO sont très modestes.

Déci­dée à jouer toutes ses cartes, l’in­ter­syn­di­cale a en outre déci­dé « d’in­ter­pel­ler les deux action­naires de réfé­rence repré­sen­tant l’État fran­çais au capi­tal de Soi­tec, Bpi­france et le CEA, pour les exhor­ter à voter contre ces réso­lu­tions à l’assemblée géné­rale des action­naires, ultime étape pour blo­quer ce pro­jet », explique-t-elle.

Les sala­riés ras­sem­blés ce mer­cre­di 18 juin, devant l’u­sine de Ber­nin, s’in­sur­geaient d’ailleurs una­ni­me­ment contre ces mesures « tota­le­ment injus­ti­fiées », accep­tant mal de se ser­rer la cein­ture au regard des mon­tants accor­dés à leur direc­teur géné­ral. Et pour entrer en résis­tance, rien de tel qu’un appel du 18 juin…

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