Soitec. Fronde syndicale unanime à Bernin contre l’augmentation du directeur général

Par Manuel Pavard

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Les représentants des quatre syndicats parlant d'une seule voix lors du rassemblement devant le siège de Soitec, à Bernin, mercredi 18 juin.
L'intersyndicale de Soitec (CGT, CFE-CGC, FO, CFDT) appelait à un rassemblement unitaire, mercredi 18 juin, devant le site de Bernin, pour dénoncer la forte augmentation proposée au directeur général (hausse de 10 % de la rémunération fixe plus divers bonus et primes). Une décision d'autant plus "scandaleuse", selon les syndicats, que les salariés doivent composer actuellement, lors des NAO, avec une politique salariale en berne.

L’intersyndicale interpelle le CEA et Bpifrance (MAJ 24/06/2025)

Après le ras­sem­ble­ment ayant réuni, mer­cre­di 18 juin, à Ber­nin, « plus de 40 % de l’ef­fec­tif pré­sent sur site ce jour-là (soit envi­ron 350 sala­riés) », l’in­ter­syn­di­cale de Soi­tec a échan­gé à trois reprises avec les diri­geants afin d’ob­te­nir le retrait de la réso­lu­tion concer­nant la hausse de rému­né­ra­tion du direc­teur géné­ral Pierre Bar­na­bé — demande votée à l’u­na­ni­mi­té par le CSE, le 17 juin. Pour­tant, « la situa­tion demeure au sta­tu quo », déplorent les syn­di­cats (CGT, CFE-CGC, FO, CFDT) dans un com­mu­ni­qué com­mun daté du lun­di 23 juin.

Dans ces condi­tions, l’in­ter­syn­di­cale a choi­si d’in­ter­pel­ler le CEA Inves­tis­se­ment et Bpi­france, tous deux action­naires de réfé­rence de Soi­tec, leur adres­sant à cha­cun un cour­rier le 23 juin. Les repré­sen­tants syn­di­caux exposent leurs argu­ments contre « l’in­com­pré­hen­sible déci­sion du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion » et pro­posent une ren­contre aux diri­geants du CEA et de la BPI, espé­rant les convaincre de voter contre cette réso­lu­tion « indé­cente » lors de l’as­sem­blée géné­rale des action­naires, pré­vue le 22 juillet pro­chain.

[Enca­dré ajou­té mar­di 24 juin 2025 à 17h40]

« Les quatre syn­di­cats qui se mettent d’ac­cord, c’est qua­si­ment his­to­rique. Ce n’est arri­vé qu’une fois et ça date, c’é­tait pour les actions gra­tuites de nos diri­geants » (NDLR : en 2019). Fabrice Lal­le­ment, délé­gué syn­di­cal CGT chez Soi­tec, insiste sur l’im­por­tance du moment. Un front com­mun syn­di­cal qui s’est consti­tué spon­ta­né­ment face à la déci­sion prise du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion. Et qui a conduit de nom­breux sala­riés à se ras­sem­bler durant la pause méri­dienne, ce mer­cre­di 18 juin, à l’en­trée du site de Ber­nin.

En cause, « l’aug­men­ta­tion scan­da­leuse », selon l’in­ter­syn­di­cale, de la rému­né­ra­tion du direc­teur géné­ral Pierre Bar­na­bé. Un point figu­rant dans le rap­port annuel de Soi­tec, publié le 11 juin en vue de l’as­sem­blée géné­rale des action­naires, qui devra vali­der, le 22 juillet pro­chain, l’en­semble des réso­lu­tions.

L’in­ter­syn­di­cale entend bien mettre la pres­sion aux action­naires de Soi­tec, qui se réunissent en assem­blée géné­rale le 22 juillet.

Dans le détail, ces mesures com­prennent pre­miè­re­ment une aug­men­ta­tion de 10 % de la rému­né­ra­tion fixe, la por­tant à 583 000 euros annuels. Et ce, après une pré­cé­dente hausse de 10 % déjà accor­dée l’an­née pas­sée. S’y ajoutent « 150 % d’ac­tions gra­tuites sur cri­tères de per­for­mances (soit un total éva­lué à 2,3 mil­lions d’eu­ros) et une prime excep­tion­nelle cor­res­pon­dant à 100 % de son salaire de base », pré­cise Vivien Renauld, délé­gué syn­di­cal CFE-CGC. Sans oublier un bonus de 318 000 euros ver­sé pour l’exer­cice 2024–2025.

« Deux mondes » et un « décalage énorme »

Pour Fabrice Lal­le­ment, le pac­tole offert au direc­teur géné­ral « pose pro­blème sur le fond et sur la forme ». Repré­sen­tant du CSE au conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, il raconte ain­si avoir eu « des docu­ments avant le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, qui n’in­cluaient pas cette réso­lu­tion et ces évo­lu­tions des élé­ments de rému­né­ra­tion. On reproche à nos diri­geants d’a­voir eu connais­sance de cette info et de ne pas avoir créé les condi­tions pour qu’on puisse échan­ger et leur expli­quer ce déca­lage énorme avec les NAO », ajoute-t-il.

Le hasard fai­sant par­fois mal les choses, l’an­nonce de cette aug­men­ta­tion inter­vient en effet au moment où se tiennent les négo­cia­tions annuelles obli­ga­toires (NAO). « On ne peut pas décor­ré­ler les deux. La tem­po­ra­li­té n’est vrai­ment pas bonne », sou­ligne Vivien Renauld. « Entre nos NAO à 2,2 %, et même désor­mais à 2,5 % d’aug­men­ta­tion indi­vi­duelle, et notre direc­teur géné­ral pour qui ça se compte en mil­lions d’eu­ros, il y a deux mondes », abonde son col­lègue de la CGT.

Des résultats en baisse pour Soitec

Nom­mé en 2022, Pierre Bar­na­bé arri­ve­ra à la fin de son man­dat en 2026. « Son ‘équipe rap­pro­chée’ jus­ti­fie ces aug­men­ta­tions comme autant de gestes de nature à le convaincre de conti­nuer pour un nou­veau man­dat », indique l’in­ter­syn­di­cale. Pour­tant, « si on fait le bilan des résul­tats de Soi­tec depuis qu’il est là, ce n’est pas miro­bo­lant », confie Fabrice Lal­le­ment. Le tout dans un contexte glo­bal déli­cat pour la filière micro­élec­tro­nique, comme l’illus­trent les dif­fi­cul­tés de STMi­croe­lec­tro­nics. Des tur­bu­lences n’ayant pas épar­gné Soi­tec, qui vient de publier des résul­tats en baisse (un chiffre d’af­faires annuel en recul de 9 %) et en-deçà des pré­vi­sions.

Les sala­riés sont cho­qués d’une telle aug­men­ta­tion du DG alors que les pro­po­si­tions sala­riales lors des NAO sont très modestes.

Déci­dée à jouer toutes ses cartes, l’in­ter­syn­di­cale a en outre déci­dé « d’in­ter­pel­ler les deux action­naires de réfé­rence repré­sen­tant l’État fran­çais au capi­tal de Soi­tec, Bpi­france et le CEA, pour les exhor­ter à voter contre ces réso­lu­tions à l’assemblée géné­rale des action­naires, ultime étape pour blo­quer ce pro­jet », explique-t-elle.

Les sala­riés ras­sem­blés ce mer­cre­di 18 juin, devant l’u­sine de Ber­nin, s’in­sur­geaient d’ailleurs una­ni­me­ment contre ces mesures « tota­le­ment injus­ti­fiées », accep­tant mal de se ser­rer la cein­ture au regard des mon­tants accor­dés à leur direc­teur géné­ral. Et pour entrer en résis­tance, rien de tel qu’un appel du 18 juin…

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