Grenoble. Le gymnase du collège Vercors occupé pour abriter une famille à la rue

Par Manuel Pavard

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Trois enseignants du collectif présents vendredi 18 avril au soir, aux côtés de la famille albanaise, après la fermeture du collège Vercors pour les vacances scolaires.
Des enseignants et parents d'élèves, réunis au sein du collectif RESF du collège Vercors, occupent le gymnase depuis jeudi 17 avril, pour mettre à l'abri une famille albanaise à la rue. Cette dernière, dont deux enfants sont scolarisés dans l'établissement et le troisième à l'école maternelle de la Rampe, a pourtant déposé une demande d'asile un mois auparavant. Le collectif réclame donc une solution d'hébergement dans les plus brefs délais.

Ven­dre­di 18 avril 2025, 18 heures. Alors que les der­niers élèves ont quit­té le col­lège Ver­cors pour deux semaines de vacances, deux col­lé­giens, accom­pa­gnés de leurs parents et de leur petit frère, font le tra­jet inverse. Tous les cinq pénètrent dans l’é­ta­blis­se­ment où ils s’ap­prêtent à pas­ser les pro­chaines nuits, ins­tal­lés dans le gym­nase. Depuis la veille au soir, des ensei­gnants et parents d’é­lèves réunis au sein des col­lec­tifs RESF (Réseau édu­ca­tion sans fron­tières) du col­lège Ver­cors et de l’é­cole mater­nelle de la Rampe — où est sco­la­ri­sé le petit der­nier — occupent en effet le bâti­ment pour y mettre à l’a­bri cette famille alba­naise, jusque-là à la rue.

La famille peut dor­mir toutes les nuits dans le gym­nase situé dans l’en­ceinte du col­lège Ver­cors (le bâti­ment à droite).

À la fin de l’hi­ver, quinze écoles gre­no­bloises étaient encore inves­ties par une ving­taine de familles (pour un total de 80 enfants), selon les chiffres de l’in­ter­col­lec­tif des écoles occu­pées. Mais c’est la pre­mière fois qu’un col­lège rejoint le mou­ve­ment d’oc­cu­pa­tion lan­cé à l’au­tomne 2022 à Gre­noble. Une déci­sion que les ensei­gnants et parents ont prise en décou­vrant, lun­di 14 avril, la situa­tion de la sœur et du frère aînés, élèves en qua­trième et troi­sième.

Trois semaines à dormir dehors, malgré le dépôt d’une demande d’asile

Les deux ado­les­cents sont sco­la­ri­sés au col­lège Ver­cors, dans le quar­tier Abbaye-Jou­haux, depuis le 27 mars, peu après l’ar­ri­vée en Isère de la famille, en pro­ve­nance d’Al­ba­nie. Soit trois semaines à dor­mir dehors qua­si­ment tous les soirs. Pour­tant, « la famille a dépo­sé une demande d’a­sile le 19 mars », explique Chris­telle Blanc-Lanaute, pro­fes­seure de fran­çais et repré­sen­tante du col­lec­tif RESF. « Ils ont un récé­pis­sé de dépôt de demande mais tout ce qui devrait décou­ler de ça n’a pas du tout sui­vi, que ce soit le droit à l’al­lo­ca­tion men­suelle ou à un héber­ge­ment en Cada… Donc ils sont à la rue », s’in­surge-t-elle.

Pour cou­ron­ner le tout, « le 115 est tota­le­ment satu­ré », déplore l’en­sei­gnante. Et ce, mal­gré « de nom­breuses alertes, notam­ment de la part du prin­ci­pal du col­lège ou de l’as­sis­tante sociale » qui ont tous cher­ché à joindre le numé­ro d’ur­gence sociale. En vain. La famille était ain­si com­plè­te­ment « livrée à elle-même », sans aucune solu­tion d’hé­ber­ge­ment. « Quand on l’a appris, on a déci­dé de les mettre à l’a­bri deux nuits à l’hô­tel et ensuite d’ou­vrir un lieu », raconte Chris­telle Blanc-Lanaute.

« Une grosse solidarité concrète des parents d’élèves »

Chaque soir, y com­pris en cette période de vacances, des membres du col­lec­tif viennent donc ouvrir le gym­nase à la famille, qui peut pas­ser la nuit sur place, avant de vaquer à ses occu­pa­tions la jour­née. Et le len­de­main soir, rebe­lote. Concer­nant les mate­las, la nour­ri­ture ou les divers objets utiles, les deman­deurs d’a­sile peuvent comp­ter sur « une grosse soli­da­ri­té concrète des parents d’é­lèves du col­lège, qui se sont orga­ni­sés en réseau pour ame­ner plein de trucs », sou­ligne l’en­sei­gnante.

Chris­telle Blanc-Lanaute (à droite), prof de fran­çais, et ses col­lègues se relaient auprès de la famille.

Le col­lec­tif du col­lège Ver­cors a éga­le­ment pris contact avec l’in­ter­col­lec­tif des écoles occu­pées et avec le DAL 38, afin d’ob­te­nir des conseils sur la manière de mener une occu­pa­tion d’é­ta­blis­se­ment sco­laire et sur les démarches à suivre avec les ins­ti­tu­tions. Car tous le rap­pellent, la mise à l’a­bri dans le gym­nase reste une solu­tion pro­vi­soire n’ayant, en théo­rie, pas voca­tion à durer.

« Continuer à solliciter » les autorités en attendant une solution d’hébergement

Des contacts, directs ou indi­rects, ont été noués à cet effet avec la ville de Gre­noble, le dépar­te­ment de l’I­sère, la pré­fec­ture… Pour l’ins­tant sans suc­cès. « Il y a une tolé­rance de la mai­rie et même une cer­taine forme d’en­ga­ge­ment », recon­naît Chris­telle Blanc-Lanaute. Mais contrai­re­ment aux écoles occu­pées, « le col­lège relève des com­pé­tences du dépar­te­ment », pas de la ville. Et « le dépar­te­ment, c’est autre chose », euphé­mise l’en­sei­gnante à pro­pos de la majo­ri­té dépar­te­men­tale de droite.

Le col­lec­tif RESF, qui exi­geait « qu’une solu­tion d’hé­ber­ge­ment soit pro­po­sée immé­dia­te­ment » à la famille, a vu ses espoirs ini­tiaux légè­re­ment dou­chés. Il va main­te­nant « conti­nuer à sol­li­ci­ter » les pou­voirs publics et « espère que ça se déblo­que­ra avant la ren­trée ». L’oc­cu­pa­tion aura eu en outre un mérite, celui de par­ti­ci­per à une cer­taine « prise de conscience » des col­lé­giens, constate Chris­telle Blanc-Lanaute. « Ils ont des cama­rades à la rue : ça les sur­prend, ça les touche, ils ont des réac­tions de soli­da­ri­té », se féli­cite la prof de fran­çais, convain­cue que de telles situa­tions seront « ame­nées à se repro­duire » à l’a­ve­nir.

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