Grenoble. Le gymnase du collège Vercors occupé pour abriter une famille à la rue
Par Manuel Pavard
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Vendredi 18 avril 2025, 18 heures. Alors que les derniers élèves ont quitté le collège Vercors pour deux semaines de vacances, deux collégiens, accompagnés de leurs parents et de leur petit frère, font le trajet inverse. Tous les cinq pénètrent dans l’établissement où ils s’apprêtent à passer les prochaines nuits, installés dans le gymnase. Depuis la veille au soir, des enseignants et parents d’élèves réunis au sein des collectifs RESF (Réseau éducation sans frontières) du collège Vercors et de l’école maternelle de la Rampe — où est scolarisé le petit dernier — occupent en effet le bâtiment pour y mettre à l’abri cette famille albanaise, jusque-là à la rue.

À la fin de l’hiver, quinze écoles grenobloises étaient encore investies par une vingtaine de familles (pour un total de 80 enfants), selon les chiffres de l’intercollectif des écoles occupées. Mais c’est la première fois qu’un collège rejoint le mouvement d’occupation lancé à l’automne 2022 à Grenoble. Une décision que les enseignants et parents ont prise en découvrant, lundi 14 avril, la situation de la sœur et du frère aînés, élèves en quatrième et troisième.
Trois semaines à dormir dehors, malgré le dépôt d’une demande d’asile
Les deux adolescents sont scolarisés au collège Vercors, dans le quartier Abbaye-Jouhaux, depuis le 27 mars, peu après l’arrivée en Isère de la famille, en provenance d’Albanie. Soit trois semaines à dormir dehors quasiment tous les soirs. Pourtant, « la famille a déposé une demande d’asile le 19 mars », explique Christelle Blanc-Lanaute, professeure de français et représentante du collectif RESF. « Ils ont un récépissé de dépôt de demande mais tout ce qui devrait découler de ça n’a pas du tout suivi, que ce soit le droit à l’allocation mensuelle ou à un hébergement en Cada… Donc ils sont à la rue », s’insurge-t-elle.
Pour couronner le tout, « le 115 est totalement saturé », déplore l’enseignante. Et ce, malgré « de nombreuses alertes, notamment de la part du principal du collège ou de l’assistante sociale » qui ont tous cherché à joindre le numéro d’urgence sociale. En vain. La famille était ainsi complètement « livrée à elle-même », sans aucune solution d’hébergement. « Quand on l’a appris, on a décidé de les mettre à l’abri deux nuits à l’hôtel et ensuite d’ouvrir un lieu », raconte Christelle Blanc-Lanaute.
« Une grosse solidarité concrète des parents d’élèves »
Chaque soir, y compris en cette période de vacances, des membres du collectif viennent donc ouvrir le gymnase à la famille, qui peut passer la nuit sur place, avant de vaquer à ses occupations la journée. Et le lendemain soir, rebelote. Concernant les matelas, la nourriture ou les divers objets utiles, les demandeurs d’asile peuvent compter sur « une grosse solidarité concrète des parents d’élèves du collège, qui se sont organisés en réseau pour amener plein de trucs », souligne l’enseignante.

Le collectif du collège Vercors a également pris contact avec l’intercollectif des écoles occupées et avec le DAL 38, afin d’obtenir des conseils sur la manière de mener une occupation d’établissement scolaire et sur les démarches à suivre avec les institutions. Car tous le rappellent, la mise à l’abri dans le gymnase reste une solution provisoire n’ayant, en théorie, pas vocation à durer.
« Continuer à solliciter » les autorités en attendant une solution d’hébergement
Des contacts, directs ou indirects, ont été noués à cet effet avec la ville de Grenoble, le département de l’Isère, la préfecture… Pour l’instant sans succès. « Il y a une tolérance de la mairie et même une certaine forme d’engagement », reconnaît Christelle Blanc-Lanaute. Mais contrairement aux écoles occupées, « le collège relève des compétences du département », pas de la ville. Et « le département, c’est autre chose », euphémise l’enseignante à propos de la majorité départementale de droite.
Le collectif RESF, qui exigeait « qu’une solution d’hébergement soit proposée immédiatement » à la famille, a vu ses espoirs initiaux légèrement douchés. Il va maintenant « continuer à solliciter » les pouvoirs publics et « espère que ça se débloquera avant la rentrée ». L’occupation aura eu en outre un mérite, celui de participer à une certaine « prise de conscience » des collégiens, constate Christelle Blanc-Lanaute. « Ils ont des camarades à la rue : ça les surprend, ça les touche, ils ont des réactions de solidarité », se félicite la prof de français, convaincue que de telles situations seront « amenées à se reproduire » à l’avenir.