Grenoble. Cinq mille personnes dans les rues pour la grève féministe

Par Manuel Pavard

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La banderole de tête faisait référence à la grève féministe, mot d'ordre national de cette journée du 8 mars. © Manuel Pavard
Plus de 5 000 personnes ont défilé à Grenoble pour la Journée internationale des droits des femmes et des minorités de genre, ce samedi 8 mars. Une "grève féministe" organisée à l'appel de l'Assemblée générale féministe de Grenoble et de nombreux syndicats, partis et associations. Avec un parcours et des interventions placés sous le signe de la convergence des luttes.

Lutte pour l’é­ga­li­té réelle et contre le patriar­cat, dénon­cia­tion des vio­lences sexistes et sexuelles (VSS) et des poli­tiques homo­phobes et trans­phobes, sou­tien aux centres IVG et aux femmes oppri­mées du monde entier… Pour cette nou­velle Jour­née inter­na­tio­nale des droits des femmes et des mino­ri­tés de genre, ce same­di 8 mars, les habi­tuels slo­gans fémi­nistes ont réson­né dans les rues de Gre­noble, s’af­fi­chant éga­le­ment sur les nom­breuses ban­de­roles et pan­cartes bran­dies dans le cor­tège. Néan­moins, dif­fi­cile d’é­lu­der l’at­mo­sphère par­ti­cu­lière entou­rant la grève fémi­niste, cette année, à Gre­noble comme par­tout ailleurs.

Le cor­tège, four­ni et dyna­mique, a relié la Cité inter­na­tio­nale à la place de Ver­dun. © Manuel Pavard

Celle-ci était pal­pable, que ce soit dans la déter­mi­na­tion des mani­fes­tants et (sur­tout) mani­fes­tantes ou dans la forte mobi­li­sa­tion, avec plus de 5 000 per­sonnes ayant répon­du à l’ap­pel de l’As­sem­blée géné­rale fémi­niste de Gre­noble et des syn­di­cats (CGT, Soli­daires, FSU, CNT, Unsa…), par­tis (PCF, LFI, EELV, NPA‑A, NPA‑R, UCL, LO…) et asso­cia­tions sou­te­nant l’é­vè­ne­ment. « On sent une éner­gie assez spé­ciale, même si je n’aime pas trop le mot », a ain­si consta­té Ilia­na, mani­fes­tante.

Le patriar­cat, cible de nom­breux mes­sages sur les pan­cartes. © Manuel Pavard

Pour cette Gre­no­bloise, la « situa­tion inter­na­tio­nale très flip­pante » y est pour beau­coup : « Avec la poli­tique réac­tion­naire de Trump et Musk, leurs délires anti woke et mas­cu­li­nistes, leur rap­pro­che­ment avec Pou­tine, les dis­cours sur les dan­gers d’une guerre mon­diale, etc, beau­coup de gens ont peur, il ne faut pas avoir honte de l’a­vouer. » Face à cela, « c’est comme si on avait besoin de se ras­sem­bler, nous les fémi­nistes, les anti­fas­cistes, la gauche », a pour­sui­vi Ilia­na. Cette mani­fes­ta­tion, « c’est une manière de mon­trer qu’on est là et qu’on résiste ensemble. Ça ras­sure car on se dit qu’on n’est pas toutes seules dans notre com­bat ! »

Un parcours faisant la part belle à la convergence des luttes

Le lien avec le contexte inter­na­tio­nal, mais aus­si natio­nal et local, se retrou­vait d’ailleurs dans le choix du par­cours de cette édi­tion 2025. Un tra­cé fai­sant la part belle à la conver­gence des luttes, à l’i­mage du point de ren­dez-vous qua­si inédit don­né pour le départ du cor­tège, à l’ar­rêt de tram Cité inter­na­tio­nale… Donc en face de Mina­tec et du CEA, à l’en­trée de la Pres­qu’île scien­ti­fique. La cible ? Le CEA jus­te­ment, et son « sou­tien à tout un tas de start-up de l’ar­me­ment » ain­si qu’aux entre­prises accu­sées de « par­ti­ci­per à la fabri­ca­tion de tech­no­lo­gies mili­taires uti­li­sées dans les armes ven­dues notam­ment à Israël », ont expli­qué les orga­ni­sa­trices au micro, citant les noms de STMi­cro, Soi­tec ou Lyn­red.

Des membres de l’AG fémi­niste de Gre­noble ont pris la parole avant le départ de la mani­fes­ta­tion. © Manuel Pavard

« Ce chan­ge­ment de par­cours met en lumière la lutte réso­lu­ment fémi­niste sur cette ques­tion », a ajou­té l’AG fémi­niste, affi­chant éga­le­ment son oppo­si­tion « au fémo­na­tio­na­lisme et au pink­wa­shing ». Une réfé­rence, entre autres, aux débats ayant agi­té les sphères fémi­nistes pari­siennes, face à la venue très contro­ver­sée des mili­tantes sio­nistes de Nous vivrons — qui dénoncent les viols et meurtres d’Is­raé­liennes le 7 octobre — et sur­tout des iden­ti­taires de Neme­sis. Pré­sent à Gre­noble, le col­lec­tif Urgence Pales­tine a rap­pe­lé quant à lui le sort des femmes pales­ti­niennes incar­cé­rées en Israël pour leur oppo­si­tion à l’oc­cu­pa­tion.

La tête du cor­tège à l’ar­ri­vée place de Ver­dun. © Manuel Pavard

Le par­cours dans son ensemble per­met­tait en outre de « visi­bi­li­ser les autres luttes » sur les­quelles sont enga­gées les mili­tantes tout au long de l’an­née, a indi­qué l’AG fémi­niste 38 dans son dis­cours. Et l’o­ra­trice d’é­vo­quer ain­si les « luttes contre les inéga­li­tés sala­riales, la trans­pho­bie, les vio­lences sexistes et sexuelles, l’ex­trême droite, l’is­la­mo­pho­bie, le racisme, et pour le droit au loge­ment ».

Beau­coup de slo­gans évo­quaient les vio­lences sexuelles et sexistes envers les femmes. © Manuel Pavard

Illus­tra­tion avec les dif­fé­rentes étapes fixées pour le défi­lé, cor­res­pon­dant cha­cune aux thé­ma­tiques pré­ci­tées : la Mai­son de l’au­to­no­mie et France tra­vail (reven­di­ca­tions sala­riales), le tri­bu­nal judi­ciaire (inceste, agres­sions sexuelles, har­cè­le­ment), le groupe sco­laire Anthoard Ber­riat, occu­pé par des parents d’é­lèves pour mettre à l’a­bri des familles à la rue… L’as­so­cia­tion Droit au loge­ment (DAL) a d’ailleurs sou­li­gné la vul­né­ra­bi­li­té des femmes seules avec enfants — cas fré­quent dans les occu­pa­tions d’é­cole — et les menaces d’ex­pul­sion pesant sur elle, véri­table épée de Damo­clès à l’ap­proche de la fin de la trêve hiver­nale.

Le départ avait lieu près de la Cité inter­na­tio­nale, à deux pas du CEA et Mina­tec. © Manuel Pavard

Le cor­tège est aus­si pas­sé devant le Plan­ning fami­lial. L’oc­ca­sion de poin­ter l’a­ve­nir incer­tain des centres de san­té sexuelle (CSS) de l’as­so­cia­tion, vic­time d’une baisse des finan­ce­ments et dans le viseur de la droite et l’ex­trême droite. Autre choix sym­bo­lique, celui du lieu d’ar­ri­vée de la mani­fes­ta­tion, place de Ver­dun, devant la pré­fec­ture de l’I­sère. La CGT Isère avait en effet déci­dé de pro­mou­voir son com­bat syn­di­cal pour le main­tien des congés mens­truels, IVG et deuxième parent, mis en place par plu­sieurs com­munes (dont Gre­noble, Échi­rolles et Seys­si­net-Pari­set) et par la Métro­pole de Gre­noble. Des auto­ri­sa­tions spé­ciales d’ab­sence (ASA) atta­quées par la pré­fète Cathe­rine Séguin, qui a sai­si le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif pour faire annu­ler cer­taines d’entre elles.

Les mili­tantes de la CGT ont accro­ché des ser­viettes et tam­pons « ensan­glan­tés » devant la pré­fec­ture, pour dénon­cer l’at­taque visant les congés mens­truels. © CGT Isère

Un vrai scan­dale pour le syn­di­cat, dont les mili­tantes ont mani­fes­té leur colère en accro­chant, en face de la pré­fec­ture, une guir­lande de tam­pons et ser­viettes hygié­niques macu­lés de rouge. Si la pré­fec­ture juge ces dis­po­si­tifs « irré­gu­liers », ceux-ci sont pour­tant « essen­tiels pour amé­lio­rer les condi­tions de tra­vail des femmes et lut­ter contre les inéga­li­tés de genre », affirme la CGT Isère, qui « sou­tient les col­lec­ti­vi­tés locales dans leur com­bat ». L’u­nion dépar­te­men­tale a par ailleurs appe­lé à une « mobi­li­sa­tion mas­sive » pour défendre ces congés et inter­pel­ler le gou­ver­ne­ment.

Les étu­diantes étaient pré­sentes en nombre. © Manuel Pavard

Revi­go­rées par cette grève fémi­niste réus­sie, les mani­fes­tantes se sont pro­mis de « ne rien céder face aux offen­sives des mas­cu­li­nistes, trum­pistes et autres fas­cistes », a lan­cé Julia, étu­diante. « Ils veulent nous rame­ner un siècle en arrière mais ils n’y arri­ve­ront pas. On sera tou­jours là pour les contrer ! »

Le col­lec­tif NFP Gré­si­vau­dan, récem­ment for­mé, avec sa ban­de­role. © Manuel Pavard

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