Grenoble. Bruno Retailleau annonce une « nouvelle doctrine », Amandine Demore déçue

Par Manuel Pavard

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Bruno Retailleau aux côtés d'Éric Piolle et de la préfète Catherine Séguin, devant le bar touché par l'explosion, rue Claude-Kogan.
En visite à Grenoble ce vendredi 14 février, Bruno Retailleau s'est rendu notamment au Village olympique, deux jours après l'attaque à la grenade ayant fait une quinzaine de blessés, dans un bar associatif du quartier. Le ministre de l'Intérieur a promis l'arrivée de seize policiers en renfort localement, évoquant également sa "nouvelle doctrine" de lutte contre le trafic de stupéfiants. Des annonces que la maire PCF d'Échirolles Amandine Demore ne juge "pas à la hauteur" de la situation.

Le dépla­ce­ment de Bru­no Retailleau, ce ven­dre­di 14 février, à Gre­noble, était déjà pré­vu bien avant les faits. Mais la ter­rible attaque sur­ve­nue moins de 48 heures aupa­ra­vant, au Vil­lage olym­pique, a inévi­ta­ble­ment entou­ré d’un contexte très par­ti­cu­lier la visite du très droi­tier ministre de l’In­té­rieur. Mer­cre­di 12 février, en début de soi­rée, un indi­vi­du cagou­lé, armé d’un fusil d’as­saut de type kalach­ni­kov, est entré dans un bar asso­cia­tif, rue Claude-Kogan, avant de lan­cer une gre­nade à l’in­té­rieur, puis de s’en­fuir en cou­rant.

Le bilan est lourd : au moins quinze bles­sés, dont six graves. Le pro­nos­tic vital a même été un temps enga­gé pour deux ou trois d’entre eux mais ce ne serait plus le cas, selon les der­nières infor­ma­tions déli­vrées ce ven­dre­di. L’en­quête, menée désor­mais sous la direc­tion du par­quet de la Juri­dic­tion inter­ré­gio­nale spé­cia­li­sée (Jirs) de Lyon, pour « ten­ta­tive de meurtre en bande orga­ni­sée » (entre autres chefs), s’o­rien­te­rait vers la piste d’un lien avec le tra­fic de ciga­rettes. Dif­fi­cile tou­te­fois de ne pas son­ger à la série de fusillades et règle­ments de comptes ayant émaillé l’ag­glo­mé­ra­tion au cours des der­niers mois, sur fond de riva­li­té entre tra­fi­quants de stu­pé­fiants.

« Techniques de guerre »

Bru­no Retailleau a donc modi­fié son pro­gramme ini­tial pour se rendre au Vil­lage olym­pique, devant le bar asso­cia­tif l’Ak­se­hir, où les stig­mates de l’ex­plo­sion étaient encore bien visibles. Accom­pa­gné notam­ment de la pré­fète Cathe­rine Séguin, de l’ex-pré­fet Louis Lau­gier, aujourd’­hui direc­teur géné­ral de la police natio­nale, et d’É­ric Piolle — avec lequel il s’est entre­te­nu à son arri­vée à Gre­noble — le ministre de l’In­té­rieur a évo­qué une « opé­ra­tion cri­mi­nelle à la gre­nade inédite », avec l’emploi de « tech­niques de guerre ».

Le ministre de l’In­té­rieur a tenu une confé­rence de presse à la pré­fec­ture de l’I­sère.

Il a pro­mis de retrou­ver « celui ou ceux qui ont fait ça », les­quels seront « châ­tiés », a‑t-il lan­cé, sur son ton mar­tial habi­tuel. Vingt enquê­teurs sont ain­si « dédiés à cette opé­ra­tion », a pré­ci­sé Bru­no Retailleau, qui a éga­le­ment répé­té l’en­ga­ge­ment pris auprès du maire de Gre­noble. À savoir l’ar­ri­vée en ren­fort, dans les mois pro­chains, de seize poli­ciers sup­plé­men­taires, « spé­ci­fi­que­ment à Gre­noble ». La capi­tale des Alpes qui fait d’ailleurs « par­tie de la ving­taine de villes qui nous pré­oc­cupent par­ti­cu­liè­re­ment », d’a­près lui.

Pour le reste, le loca­taire de la place Beau­vau a pré­sen­té, lors d’un nou­veau point presse, ce ven­dre­di après-midi, en pré­fec­ture, sa « nou­velle doc­trine » de lutte contre le tra­fic de stu­pé­fiants. Avec « une nou­velle orga­ni­sa­tion de l’É­tat, une spé­cia­li­sa­tion de toute la chaîne judi­ciaire ». Et par­mi les outils, la créa­tion d’un « par­quet natio­nal anti­cri­mi­na­li­té orga­ni­sée ». Le ministre entend aus­si uti­li­ser tout l’é­ven­tail des tech­niques exis­tantes, « y com­pris les drones pour lut­ter à armes égales contre les tra­fi­quants », ain­si qu’à com­battre le blan­chi­ment, par exemple via les fer­me­tures admi­nis­tra­tives de lieux.

Les « désaccords » d’Éric Piolle, la « déception » d’Amandine Demore

Sans sur­prise, son dis­cours n’a pas convain­cu à gauche. Que ce soit Éric Piolle, qui a de nou­veau plai­dé pour « la léga­li­sa­tion du can­na­bis, un bon moyen pour désta­bi­li­ser les nar­co­tra­fi­quants », tout en poin­tant de nom­breux « désac­cords »… Ou encore Aman­dine Demore, qui a fait part de sa « décep­tion » face aux annonces de Bru­no Retailleau, avec lequel elle a éga­le­ment échan­gé lors du déjeu­ner. « Seize effec­tifs, c’est loin d’être suf­fi­sant pour la zone police de l’ag­glo­mé­ra­tion gre­no­bloise, d’au­tant plus vu le niveau de vio­lence. Ce n’est pas du tout à la hau­teur », a regret­té la maire d’É­chi­rolles.

Aman­dine Demore a réagi dans la fou­lée aux annonces de Bru­no Retailleau, devant la pré­fec­ture.

« Quand on parle de jouer à armes égales avec le nar­co­tra­fic, on n’y est pas », a ajou­té l’é­dile com­mu­niste, qui a néan­moins noté « quelques points posi­tifs sur la coor­di­na­tion ren­for­cée des dif­fé­rentes par­ties pre­nantes lut­tant contre le nar­co­tra­fic ». Mais Aman­dine Demore « s’in­ter­roge beau­coup sur la mise en oeuvre ». Et de pré­ci­ser sa pen­sée : « Récu­pé­rer l’es­pace public ou gérer la ques­tions des halls d’im­meuble, je ne vois pas com­ment ce sera pos­sible sans effec­tifs sup­plé­men­taires. »

« Peu d’illusions » sur le commissariat à Échirolles

La maire PCF l’a de nou­veau mar­te­lé, elle « ne lâche­ra pas le com­bat du retour de la police de proxi­mi­té ». Et ce « manque de moyens » concerne autant la police que « la pré­ven­tion ou la jus­tice », a‑t-elle rap­pe­lé. Mais la décep­tion d’A­man­dine Demore vient aus­si et sur­tout de l’ab­sence d’a­van­cées liée à sa demande d’un com­mis­sa­riat de plein exer­cice à Échi­rolles. « Avec seize effec­tifs sup­plé­men­taires, je me fais peu d’illu­sions sur sa créa­tion », a‑t-elle recon­nu. Avant de pro­mettre d’ho­no­rer le man­dat que lui ont confié à ce sujet les plus de 5 000 per­sonnes ayant signé la péti­tion pour le com­mis­sa­riat.

Tou­jours à gauche, dif­fé­rentes voix se sont éle­vées pour tirer à bou­lets rouges sur les posi­tions sécu­ri­taires et décla­ra­tions déma­go­giques du ministre de l’In­té­rieur. « Bru­no Retailleau n’est pas le bien­ve­nu à Gre­noble », a ain­si réagi La France insou­mise Isère, qui refuse que « ce drame soit ins­tru­men­ta­li­sé à des fins poli­ti­ciennes ». Et le mou­ve­ment de sou­li­gner : « Nous connais­sons ses méthodes et son agen­da : divi­ser, stig­ma­ti­ser, répri­mer. »

« Un xénophobe attisant les haines »

Un col­lec­tif anti­fas­ciste regrou­pant le Réseau insou­mis anti­fas­ciste, l’A­FA, l’U­CL, le NPA révo­lu­tion­naire et la Cisem a d’ailleurs mani­fes­té à Sas­se­nage contre la venue de Bru­no Retailleau, atten­du ensuite dans la com­mune pour une réunion publique. Les mani­fes­tants ont vive­ment fus­ti­gé un « xéno­phobe atti­sant les haines », insis­tant sur l’i­gno­mi­nie de sa « cir­cu­laire de fer­me­té à 360 degrés contre l’immigration illé­gale ».

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