La Rampe-Echirolles – Spirito. D’Est en Ouest, le souffle puissant de l’âme populaire

Par Régine Hausermann

/

Image principale
© DR
Mardi 3 décembre 2024 – La salle est un peu moins remplie qu’à l’accoutumée. Manque la jeunesse à qui les professeur·es ont sans doute hésité à proposer ce concert de Noël pour chœur et harpe. Souffle de l’âme populaire certes mais dans des compositions de musique savante chantées par 31 interprètes a cappella. Bartok, Rachmaninov, Poulenc, Britten … et les Beatles pour conclure. Un moment de douceur, de beauté et de générosité.

Trente-et-un choristes, un harpiste et une cheffe

Tout de noir vêtues ils et elles entrent en silence des deux côtés de la scène où Fran­çois Per­nel le har­piste est déjà ins­tal­lé entre ses deux harpes de petite dimen­sion. Puis Nicole Cor­ti se dirige vers le pupitre. Le concert com­mence, sans applau­dis­se­ments, dans l’attente et l’écoute.

Les voix des sopra­nos s’élèvent d’abord, évo­quant la fatigue de l’exilé « las d’errer et de se cacher », cher­chant un lit pour la nuit, dans Esti DalChant du soir – du com­po­si­teur hon­grois Zol­tan Koda­ly (1882–1967). Le chœur enchaîne avec les Chants popu­laires slo­vaques de Bela Bar­tok, hon­grois comme Koda­ly et son exact contem­po­rain. Vers l’âge de vingt ans, tous deux ont sillon­né les vil­lages de Hon­grie et de Rou­ma­nie, recueillant des cen­taines de mélo­dies et de chants popu­laires, les trans­cri­vant et les enre­gis­trant. Ce qui en fait des pion­niers de l’ethnomusicologie.

Les dix-sept femmes cho­ristes quittent leur estrade et s’avancent en arc de cercle, plus près de la cheffe, pour un réper­toire plus enle­vé. Der­rière elles, les qua­torze hommes cho­ristes res­te­ront à l’arrière plan – phy­si­que­ment et musi­ca­le­ment – qua­si­ment jusqu’à la fin, don­nant l’impression d’une volon­té de pri­vi­lé­gier les voix fémi­nines.

Saut vers l’Ouest et le Moyen Age avec Mariam matrem vir­gi­nem, extrait du Livre Ver­meil de Mont­ser­rat, manus­crits de la fin du XIVe siècle, conser­vés au monas­tère de Mont­ser­rat1 en Cata­logne. Voix aériennes pour une danse lente célé­brant Marie, la vierge mère. Retour à l’Est au XXe siècle sur le même registre avec Bogo­ro­ditse Devo de Ser­gueï Rach­ma­ni­nov, l’Ave Maria en russe.

Le har­piste Fran­çois Per­nel inter­vient en solo ou en accom­pa­gne­ment des chants. Loin des sono­ri­tés éthé­rées atta­chées à l’instrument, le musi­cien semble le trans­for­mer, le rap­pro­chant d’autres ins­tru­ments à cordes, plus popu­laires. Jamais nous n’avions enten­du la harpe son­ner ain­si. Une belle sur­prise !

Le concert se pour­suit avec des airs des Fran­çais Mau­rice Oha­na et Fran­cis Pou­lenc, du Bri­tan­nique Ben­ja­min Brit­ten, avant de se ter­mi­ner avec deux mélo­dies des Beatles, Yes­ter­day and All you need is love. Cor­diale et géné­reuse, Nicole Cor­ti s’est tour­née vers le public pour l’inviter à reprendre en chœur All you need is love !


© J.-L. For­tin

Un concert original et enveloppant

A un moment où les contin­gences éco­no­miques pri­vi­lé­gient les petits ensembles vocaux, Nicole Cor­ti sou­haite main­te­nir le grand chœur de trente-deux cho­ristes et plus pour abor­der le grand réper­toire a cap­pel­la. C’est pour­quoi elle réunit le Chœur de chambre Spi­ri­to et le Jeune chœur sym­pho­nique en une for­ma­tion qui donne toute son ampli­tude sonore au réper­toire choi­si. Ce qui n’empêche pas des moments plus inti­mistes de duo ou de qua­tuor inter­pré­tés par des cho­ristes femmes à la voix et à l’énergie pre­nantes. Sou­vent les cho­ristes changent de posi­tion sur scène. Ils en sortent même, comme on le voit assez sou­vent au théâtre, rare­ment en concert, mon­tant dans les esca­liers des gra­dins, chan­tant en enve­lop­pant le public. « Notre objec­tif consiste à faire conver­ger un chœur qui est riche en har­mo­niques sonores avec un public pla­cé dans une situa­tion où il rece­vra le résul­tat de la vibra­tion, explique Nicole Cor­ti dans un entre­tien. »

Une belle soi­rée, har­mo­nieuse, vir­tuose, réser­vant de belles sur­prises au public.

1 Si vous n’avez pas regar­dé la série La Mesias sur Arte, un conseil, ne la ratez pas. L’action se passe près de Mont­ser­rat. Un frère et une sœur se confrontent à leur enfance trau­ma­tique sous l’emprise d’une mère abu­sive deve­nue catho­lique fana­tique. Dis­po­nible jus­qu ‘en novembre 2025.

Partager cet article

Avant de partir

Votre soutien compte pour nous

Le Travailleur alpin vit depuis 1928 grâce à l’engagement de ses lecteurs. Aujourd’hui encore, ce média propose un autre regard sur vos espoirs, vos luttes, vos aspirations. Une voix unique dans la presse d’information départementale.

Pour protéger l’indépendance du Travailleur alpin, assurer son développement, vos dons nous sont précieux – nous assurons leur traitement en partenariat avec la fondation l’Humanité en partage.

Merci d’avance.

Faire un don défiscalisé maintenant

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *