Grenoble. Malgré le chaos politique, les fonctionnaires dans la rue

Par Laurent Jadeau

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À l'appel de toutes les organisations syndicales, 5 000 fonctionnaires ont défilé dans les rues de Grenoble contre les projets du gouvernement tout juste démissionnaire.
Ce jeudi 5 décembre, à l’appel de l’ensemble des syndicats, les fonctionnaires et agents publics étaient appelés à cesser le travail et manifester contre les attaques dont ils sont victimes dans le projet de budget préparé par le gouvernement de Michel Barnier. Malgré la chute de celui-ci la veille, la mobilisation a été importante à Grenoble, comme dans tout le pays.

C’est peu dire que les agents de la fonc­tion publique n’ont que très modé­ré­ment goû­té l’état d’esprit la pré­pa­ra­tion du bud­get 2025 par le désor­mais ex-gou­ver­ne­ment. Gel des salaires, sup­pres­sion de mil­liers de postes, non-ver­se­ment de la GIPA (Garan­tie indi­vi­duelle du pou­voir d’achat, dis­po­si­tif qui garan­tit à chaque agent dont le salaire a stag­né de ne pas perdre de pou­voir d’achat à cause de l’inflation), mais sur­tout, l’instauration de trois jours de carence, sui­vis d’une ampu­ta­tion de 10 % du salaire en cas d’arrêt mala­die… Autant de mesures qui ne passent pas.

Une fois de plus, les agents publics se sont sen­tis être les boucs émis­saires du défi­cit, alors même qu’une poli­tique de cadeaux fis­caux au ser­vice des plus riches et des grandes entre­prises a, depuis dix ans, lar­ge­ment contri­bué à ali­men­ter la dette du pays. À cela s’est ajou­té un dis­cours outran­cier et sou­vent men­son­ger de res­pon­sables poli­tiques jouant clai­re­ment le déni­gre­ment popu­liste des fonc­tion­naires pour flat­ter la frange la plus à droite de l’électorat.

À ce jeu, une prime spé­ciale était attri­buée par les mani­fes­tants à Guillaume Kas­ba­rian, le ministre main­te­nant démis­sion­naire de la Fonc­tion publique, qui a pas­sé les trois petits mois de son man­dat à accu­ser « ses » agents d’abuser à qui mieux mieux des arrêts mala­die. Pour étayer son pro­pos, il n’a pas hési­té, selon les orga­ni­sa­tions syn­di­cales, à mani­pu­ler les chiffres pour inclure la période de la pan­dé­mie du Covid19 et ten­ter de mon­trer une explo­sion des arrêts mala­die chez les fonc­tion­naires !

Forte mobilisation des enseignants

Répon­dant à la demande de l’ensemble des orga­ni­sa­tions syn­di­cales repré­sen­ta­tives de la fonc­tion publique, Guillaume Kas­ba­rian avait été contraint d’accorder une audience le 7 novembre der­nier. L’a­ban­don de la sup­pres­sion des caté­go­ries C, B et A de la fonc­tion publique, envi­sa­gée au titre du pro­jet de loi dit « Gue­ri­ni », avait été obte­nu. Mais le compte n’y était pas, le ministre res­tant sur ses posi­tions pour l’ensemble des autres mesures de recul social.

Dans le concert des pro­vo­ca­tions en tous genre, Nico­las Sar­ko­zy s’est quant à lui auto­ri­sé à fus­ti­ger les pro­fes­seurs des écoles. Les­quels ne tra­vaille­raient, selon l’ancien pré­sident de la Répu­blique — par ailleurs condam­né à plu­sieurs reprises — « que six mois par an et vingt-quatre heures par semaine ». Et ce der­nier d’ajouter que la France « ne pou­vait plus se per­mettre de payer un mil­lion de profs ». Cette nou­velle attaque tout en finesse a repré­sen­té la goutte d’eau fai­sant débor­der le vase. Le pro­jet de sup­pres­sion de 4 000 postes ne passe non plus quand les classes sur­char­gées sont légion.

Les ensei­gnants, par­ti­cu­liè­re­ment remon­tés contre l’ins­tau­ra­tion des trois jours de carence, consti­tuaient une grosse par­tie du cor­tège.

Par consé­quent, le cor­tège ensei­gnant a été le plus four­ni dans le défi­lé des quelque 5 000 mani­fes­tants gre­no­blois. Un res­pon­sable du syn­di­cat FSU a ain­si livré les chiffres de la mobi­li­sa­tion dans le dépar­te­ment. Dans le pre­mier degré, ce sont 65 % des pro­fes­seurs des écoles qui étaient en grève, avec 120 éta­blis­se­ments entiè­re­ment fer­més. Pour le second degré, il se réfé­rait aux chiffres natio­naux qui don­naient envi­ron 50 % de gré­vistes.

Dans cette pro­fes­sion, les trois jours de carence passent par­ti­cu­liè­re­ment mal. Les ensei­gnants tra­vaillent au quo­ti­dien au contact des enfants. Les risques d’infection, pen­dant les périodes d’épidémies hiver­nales, sont constants. Les pro­fes­seurs ame­nés à renon­cer aux arrêts de tra­vail en cas de mala­die légère seront à leur tour vec­teurs de pro­pa­ga­tion. Sans comp­ter les effets des reculs de l’âge de la retraite, qui fra­gi­lisent encore la san­té des per­son­nels.

Des revendications toujours sur la table

Dans le cor­tège, on pou­vait aus­si voir en nombre des agents des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, mena­cés éga­le­ment par les res­tric­tions annon­cées sur les finances des com­munes et des dépar­te­ments. Des orga­ni­sa­tions étu­diantes et de jeu­nesse étaient éga­le­ment pré­sentes, tan­dis que des mes­sages de soli­da­ri­té avec les sala­riés de la chi­mie en lutte chez Ven­co­rex et Arke­ma fleu­ris­saient sur les ban­de­roles.

À l’arrivée du cor­tège place de Ver­dun, les res­pon­sables des dif­fé­rentes orga­ni­sa­tions syn­di­cales ont pris la parole, d’a­bord pour réaf­fir­mer leur refus des mesures envi­sa­gées, et ce, quel que soit le futur gou­ver­ne­ment. Mais éga­le­ment pour égre­ner leurs reven­di­ca­tions, tou­jours sur la table bien qu’i­gno­rées jusque-là par le gou­ver­ne­ment : une reva­lo­ri­sa­tion du salaire par le point d’indice, l’égalité sala­riale femmes-hommes, des créa­tions d’emplois qui répondent aux besoins, dans l’école, la san­té… et bien sûr, l’abrogation de la réforme des retraites.

Tous les inter­ve­nants ont éga­le­ment insis­té sur ce qu’était la rai­son d’être du ser­vice public. Soit la garan­tie pour tous les citoyens d’avoir une réponse éga­li­taire aux besoins essen­tiels dans tous les domaines. « La fonc­tion publique est un outil de bien com­mun for­mi­dable, elle tra­vaille pour l’intérêt géné­ral », scan­da au micro une res­pon­sable du syn­di­cat Soli­daires.

La mobi­li­sa­tion d’aujourd’hui, avant celle pré­vue des che­mi­nots, à défaut d’agir sur un gou­ver­ne­ment qui n’existe plus, met la pres­sion sur son suc­ces­seur. Celui-ci devra en effet tenir compte d’une fonc­tion publique qui ne sup­porte plus de ser­vir de pun­ching-ball aux tenants du libé­ra­lisme et de l’austérité.

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