Fête du TA. « Nous espérons bien nous poser là pour un nouveau cycle »

Par Luc Renaud

/

Une nouvelle équipe et des ambitions intactes. La fête du Travailleur alpin prend ses quartiers à Saint-Egrève, parc Marius Camet, devant l’hôtel de ville. Une édition 2024 qui retrouve l’herbe verte et les grands arbres avec une perspective, le centième anniversaire de sa création, en 1929. Entretien avec Adrien Guerre, son nouveau directeur.

Image principale
Lors d'une visite du site par l'équipe d'organisation, en février dernier.

« Ce que je veux chan­ger ? J’ai trop de res­pect pour la fête, son his­toire et ceux qui l’ont fait vivre pour abor­der les choses comme ça. » Adrien Guerre est le nou­veau direc­teur de la fête du Tra­vailleur alpin. Sans le savoir, il était tom­bé dedans tout petit déjà. Né à Vichy – « l’antifascisme, pour moi, ça veut dire quelque chose » –, des parents ins­ti­tu­teurs et pro­fes­seurs de musique – « ça fait long­temps que j’ai com­men­cé à jouer dans des groupes » –, mili­tant cultu­rel et poli­tique – « ça fait un moment que je suis com­mu­niste à l’intérieur de moi, même si je n’ai pas des années de carte ». On l’aura com­pris, Adrien et la fête du TA étaient faits pour se ren­con­trer. Ce qui fut fait lorsque Ber­nard Fer­ra­ri, qui laisse – un peu, parce qu’il n’est pas du genre « après moi le déluge » – l’affaire à d’autres, lui a pro­po­sé le défi.

Adrien Guerre ne manque pas d’expérience en la matière. Ces der­nières années, il était par­tie pre­nante – au cœur même – de l’aventure de l’Engrenage. Un bar asso­cia­tif, quar­tier Saint-Bru­no, qui pro­po­sait des concerts autour de la jeune scène musi­cale gre­no­bloise. Une aven­ture stop­pée « par la gen­tri­fi­ca­tion du quar­tier » qui lui laisse une par­faite connais­sance de la vita­li­té des groupes musi­caux du dépar­te­ment.

« La fête du TA, c’est loin de n’être qu’un fes­ti­val, il y a tout le reste ; je m’appuie sur une équipe. » Adrien Guerre y tient beau­coup, à ce tra­vail d’équipe. Est-ce parce qu’il est pom­pier dans le civil ? Tou­jours est-il qu’une ving­taine de pôles ont été consti­tués pour gérer les dif­fé­rents aspects de l’événement : ani­ma­tions, com­mu­ni­ca­tion, déve­lop­pe­ment durable, accueil des béné­voles, admi­nis­tra­tion, bud­get, ges­tion du site, des scènes… Une orga­ni­sa­tion presque hori­zon­tale et… une pres­sion accrue pour la tren­taine de res­pon­sables mobi­li­sés : « je ne vais pas m’occuper de tout », pré­vient gen­ti­ment Adrien.

Une orga­ni­sa­tion qui tra­vaille sans perdre de vue l’essentiel. « Cette fête a été créée il y a quatre-vingt-quinze ans par les com­mu­nistes, si elle existe aujourd’hui – aucun évé­ne­ment n’a cette ancien­ne­té en Isère –, c’est parce qu’elle a tou­jours été por­tée par des mili­tants, avec leur idéal ; c’est ce qui fait sa force et c’est au ser­vice de cet idéal que nous tra­vaillons. »

Et du tra­vail, il y en a. D’abord parce que la fête va décou­vrir un nou­veau lieu. Elle a beau­coup voya­gé au cours de son his­toire presque cen­te­naire. Et elle se cher­chait un nou­veau nid depuis que la muni­ci­pa­li­té de droite de Fon­taine l’a déga­gée. Après deux édi­tions à l’Esplanade de Gre­noble, elle va retrou­ver ce qui lui sied : du vert, des arbres et de la prai­rie. Ce sera les 28 et 29 juin, parc Marius Camet à Saint-Egrève, devant l’hôtel de ville. Le tram E s’arrête devant, ce qui ne gâche rien. « Nous espé­rons bien nous poser là pour un nou­veau cycle, pré­cise Adrien Guerre, il nous fau­dra res­pec­ter ce lieu et son envi­ron­ne­ment. » Dans toutes les têtes, le cen­tième anni­ver­saire de sa créa­tion, en 2029 ; il fau­dra être à la hau­teur. Reste que dans un nou­vel espace, beau­coup de choses sont à réin­ven­ter.

La sérénité passe par la vignette

Et puis la dif­fi­cul­té inhé­rente à l’organisation de tous les évé­ne­ments fes­tifs et musi­caux de nos jours. A ceci près que « nous, à la fête du TA, nous tra­vaillons sans sub­ven­tions, sans les­quelles aucun des fes­ti­vals du dépar­te­ment n’aurait lieu aujourd’hui ». L’exception TA, l’exception mili­tante… Dans un contexte de sur­in­fla­tion : « la tech­nique sur la grande scène, par exemple, c’est 34 % de plus que l’an der­nier ».

Alors, com­ment faire ? « Vendre des vignettes », répond Adrien du tac-au-tac. Les vignettes dif­fu­sées par les com­mu­nistes et les orga­ni­sa­tions qui par­ti­cipent à la fête, c’est ce qui assure la pré­sence du public, c’est ce qui per­met de la faire connaître, c’est ce qui construit son équi­libre finan­cier. Vendre des vignettes, mais pas seule­ment. « Bien sûr, nous pour­sui­vons nos efforts pour que chaque dépense soit réduite au strict néces­saire, avec des pré­vi­sions sur devis pour maî­tri­ser les déra­pages en amont, et nous nous appuyons sur une tra­di­tion de la fête : les talents musi­caux que le grand public décou­vri­ra demain ; vous pour­rez dire : « je les ai vus à la fête du TA ». » À l’exemple cette année de Kali­ka, chan­teuse de 25 ans, en pleine émer­gence.

Autre direc­tion de tra­vail cette année, le ren­for­ce­ment des ani­ma­tions. « Nous vou­lons une fête vivante du début à la fin, une fête qui tourne à plein régime dès son ouver­ture ven­dre­di soir et same­di matin », indique Adrien. D’où un soin par­ti­cu­lier accor­dé aux ani­ma­tions, à leur diver­si­té, à l’attention des tous les publics à com­men­cer par les enfants…

Une construc­tion en cours que l’on peut suivre sur le site inter­net de la fête, fete.travailleur-alpin.fr

Plus que deux mois !

Les ren­contres de la fête du TA

Les débats et rendez-vous politiques de la fête

Ven­dre­di 28 juin, à 17 h 15, à l’ouverture de la fête
« L’Amérique latine aujourd’hui, entre luttes pro­gres­sistes et néo­li­bé­ra­lisme pré­da­teur ». Avec Mau­rice Lemoine, jour­na­liste, ancien rédac­teur en chef du Monde diplo­ma­tique.
Same­di 29 juin, à 10 h 30 à l’ouverture de la fête
Confé­rence ges­ti­cu­lée, Une danse macabre, sui­vi d’une table ronde sur le thème « L’économie de la mort, quelles alter­na­tives au pro­fit sur le dos des familles ? ». Avec Jean-Loup et Alban, auteurs de la confé­rence ges­ti­cu­lée, et Jean-Marc Gau­thier, maire de Vaul­na­veys-le-Bas et pré­sident des Pompes funèbres inter­com­mu­nales (PFI).
Same­di, en début d’après-midi
Table ronde sur le thème « Culture popu­laire et busi­ness, com­ment œuvrer à l’émancipation col­lec­tive ? ». Avec Bol­che­geek, you­tu­beur aux 300 000 vues sur sa chaîne, et Clau­dine Kahane, adjointe au maire de Saint-Martin‑d’Hères.
Same­di après-midi
Mee­ting des luttes, « Luttes de femmes, luttes de classes ». Avec des syn­di­ca­listes enga­gées dans les luttes des métiers « fémi­ni­sés et déva­lo­ri­sés ».
Le same­di, un temps fort de soli­da­ri­té avec Mar­wan Bar­ghou­ti, diri­geant pales­ti­nien empri­son­né, est en cours d’organisation.

Le 14 mai, les Jours heureux de Gilles Perret

Comme les trois coups, en lever de rideau de la fête. Ce sera à l’Espace vie étu­diante, au cœur du cam­pus, avec la pro­jec­tion du film docu­men­taire de Gilles Per­ret, les Jours heu­reux, sui­vi d’un échange avec le public. De 18h à 23h, pré­sen­ta­tion de la fête et pro­jec­tion à 20 heures. L’occasion de faire connaître la fête aux étu­diants.

342-David
David Cazé, DK dans le civil, pas­sion ani­ma­teur.

David, le faiseur de bananes

Nouvelle équipe, nouveau projets… la fête du TA version animation, dans tous les compartiments du jeu.

David Cazé, DK pour les intimes, il a fait un peu tous les métiers. Un bonne rai­son pour se retrou­ver à la fête du TA. Aujourd’hui ani­ma­teur – façon éclec­tique –, son cre­do, c’est l’éducation popu­laire.

C’est « çui qui dit qui y est », comme on dit. Il va donc payer de sa per­sonne. Dans la pré­pa­ra­tion de la fête, pour com­men­cer. Avec une res­pon­sa­bi­li­té, celle du « bien-être des béné­voles ». « Le but, comme depuis tou­jours, c’est qu’on ait envie de reve­nir », dit-il. Que tout se passe bien. Dans notre beau monde d’aujourd’hui, « cha­cun a sa vision de l’engagement », ana­lyse-t-il. Que ces pra­tiques se ren­contrent, s’échangent… c’est ce à quoi il faut contri­buer. D’où une série de pro­po­si­tions à la carte pour que tous ceux qui s’investissent dans la fête, de quelque manière que ce soit, « en sortent avec la banane ».

À la demande du public, des stands… et des enfants !

Comme c’est le TA, et que le sou­rire, c’est la pente natu­relle de la fête, il y aura juste un coup de pouce à don­ner, une veille pré­ven­tive. Aus­si n’aura-t-il pas que ça à faire.

David, c’est lui qui se char­ge­ra de la soi­rée ciné­ma, une inno­va­tion en pré­lude à la fête, qui aura lieu à l’Espace vie étu­diante, EVE de son petit nom, le 14 mai.

C’est lui aus­si qui va tra­vailler aux rela­tions avec les asso­cia­tions locales, la popu­la­tion de la com­mune, de sorte que la fête soit bien accueillie.

De quoi arri­ver en pleine forme le jour J : les 28 et 29 juin, il sera dis­po pour faire rire les enfants et pas que, un peu à la demande du public et des stands, pour faire l’ambiance.

Et ça pro­met.

Kalika1
Kali­ka. Elle chan­te­ra le same­di 29 juin parc Marius-Camet à Saint-Egrève.

Une scène 100 % féminine

Une nouvelle édition et déjà un aboutissement : la grande scène du samedi soir sera entièrement consacrée à des voix féminines.

Trois groupes, sur la grande scène du TA, le same­di 29 juin. Et trois groupes emme­nés par des femmes. « C’est quelque chose qui a du sens et qui me tenait par­ti­cu­liè­re­ment à cœur », com­mente Adrien Guerre, direc­teur de la fête.

Une soi­rée qui sera clô­tu­rée par Kali­ka. Kali­ka, son deuxième pré­nom, qui fait écho à la com­mu­nau­té des gens du voyage dans laquelle elle a gran­di ; Kali­ka, déesse indienne de la des­truc­tion et de la recons­truc­tion. Faire de la « chan­son fran­çaise contem­po­raine trash aux mots tran­chants, rugueux et pas tout le temps lisse et mignon », c’est comme ça que Kali­ka défi­nit son style. Ses paroles crues racontent les his­toires d’amour et de sexe tumul­tueuses d’une jeune fémi­niste de 25 ans. Par­mi les artistes qui l’inspirent, elle cite Yelle. On pense aus­si à Angèle. De l’énergie et des com­bats que l’on retrouve dans on der­nier album, Adieu les monstres.

Chanson française d’aujourd’hui

Sur la grande scène éga­le­ment ce same­di soir, Astro­fi­cus. Astro­fi­cus et la voix de Mahi­na Rako­to­ma­la­la, à la base de la fusion de styles afro­beat, funk et musiques du monde empor­tant les publics de tous hori­zons, novices ou ama­teurs dans des rythmes rava­geurs. Fusion dont le groupe gre­no­blois de neuf musi­ciens a fait sa signa­ture. Les enga­ge­ments d’Astroficus ? Shake and fall dénonce la construc­tion de murs dans le monde et la néces­si­té de s’unir pour faire tom­ber des diri­geants sourds à la soli­da­ri­té entre peuples ; tan­dis que Uncle Kapi­tal fait l’inventaire d’un sys­tème capi­ta­liste au bord de la rup­ture.

Le troi­sième ? A l’heure où ces lignes sont écrites, tout n’était pas encore signé. Les contacts étaient pro­met­teurs… on vous dit tout sur le site de la fête, fete.travailleur-alpin.fr

Les concerts de la fête du TA 2024

Les latinos du vendredi

Une soi­rée fémi­nine le same­di, après un mee­ting consa­cré aux « luttes de femmes, luttes de classe », et une soi­rée aux cou­leurs lati­no, le ven­dre­di 28 juin. Elle débu­te­ra avec un débat et sera sui­vie par Los tres pun­tos sur la grande scène. Sur­vi­vant du ska punk 90’s, mar­qué au fer rouge par le rock alter­na­tif 80’s, Los tres pun­tos, c’est l’entrain du ska et la rage du punk rock pour un cock­tail explo­sif. Ryth­mique effré­née, rele­vée d’une sec­tion cuivre vir­tuose, où les textes en fran­çais et espa­gnol croquent le quo­ti­dien de notre époque sombre et tor­tu­rée.
Et l’on n’oubliera pas, au titre de l’ambiance fes­tive, le concert d’ouverture de la soi­rée du same­di avec la Papa caliente, de la sal­sa à l’état brut. Soi­rées chaudes en pers­pec­tive.

Punk rock

La fête du TA, c’est tou­jours aus­si un moment de bon gros rock. Dans son jus et dans ses aven­tures contem­po­raines. Citons Opium du peuple, qu’on hésite à pré­sen­ter tant le groupe écume la scène gre­no­bloises depuis quelques temps. De joyeux drilles qui rha­billent la varié­té à la sauce punk métal. Du son… et de l’humour. Dans la même veine, les Cou­reurs de rem­part. Ils montent sur scène comme sur une bar­ri­cade et chantent la socié­té du côté des oppri­més et des mutines.
Et puis les locaux de l’étape, le groupe fon­tai­nois To/X et les Gre­no­blois de Pelle. To/X c’est trois potes qui ont déci­dé de se faire plai­sir avec un pro­jet psy­ché power rock… Avec Pelle, on goû­te­ra du punk façon bam­boche…

Ambiance TA

Et puis il y a tout ce qui fait la saveur d’une fête sans pareille : la diver­si­té des ani­ma­tions pour le enfants – cette année, beau­coup pour les enfants – et les plus grands. Jeux, arts de la rue, impros au détour d’un cha­pi­teau, cha­leur des stands… La fête de l’ouverture à la fer­me­ture, le ven­dre­di de 17h à 1h et le same­di de 10h30 à 1 heure.

Partager cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *