Fête du TA. « Nous espérons bien nous poser là pour un nouveau cycle »
Par Luc Renaud
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Une nouvelle équipe et des ambitions intactes. La fête du Travailleur alpin prend ses quartiers à Saint-Egrève, parc Marius Camet, devant l’hôtel de ville. Une édition 2024 qui retrouve l’herbe verte et les grands arbres avec une perspective, le centième anniversaire de sa création, en 1929. Entretien avec Adrien Guerre, son nouveau directeur.
« Ce que je veux changer ? J’ai trop de respect pour la fête, son histoire et ceux qui l’ont fait vivre pour aborder les choses comme ça. » Adrien Guerre est le nouveau directeur de la fête du Travailleur alpin. Sans le savoir, il était tombé dedans tout petit déjà. Né à Vichy – « l’antifascisme, pour moi, ça veut dire quelque chose » –, des parents instituteurs et professeurs de musique – « ça fait longtemps que j’ai commencé à jouer dans des groupes » –, militant culturel et politique – « ça fait un moment que je suis communiste à l’intérieur de moi, même si je n’ai pas des années de carte ». On l’aura compris, Adrien et la fête du TA étaient faits pour se rencontrer. Ce qui fut fait lorsque Bernard Ferrari, qui laisse – un peu, parce qu’il n’est pas du genre « après moi le déluge » – l’affaire à d’autres, lui a proposé le défi.
Adrien Guerre ne manque pas d’expérience en la matière. Ces dernières années, il était partie prenante – au cœur même – de l’aventure de l’Engrenage. Un bar associatif, quartier Saint-Bruno, qui proposait des concerts autour de la jeune scène musicale grenobloise. Une aventure stoppée « par la gentrification du quartier » qui lui laisse une parfaite connaissance de la vitalité des groupes musicaux du département.
« La fête du TA, c’est loin de n’être qu’un festival, il y a tout le reste ; je m’appuie sur une équipe. » Adrien Guerre y tient beaucoup, à ce travail d’équipe. Est-ce parce qu’il est pompier dans le civil ? Toujours est-il qu’une vingtaine de pôles ont été constitués pour gérer les différents aspects de l’événement : animations, communication, développement durable, accueil des bénévoles, administration, budget, gestion du site, des scènes… Une organisation presque horizontale et… une pression accrue pour la trentaine de responsables mobilisés : « je ne vais pas m’occuper de tout », prévient gentiment Adrien.
Une organisation qui travaille sans perdre de vue l’essentiel. « Cette fête a été créée il y a quatre-vingt-quinze ans par les communistes, si elle existe aujourd’hui – aucun événement n’a cette ancienneté en Isère –, c’est parce qu’elle a toujours été portée par des militants, avec leur idéal ; c’est ce qui fait sa force et c’est au service de cet idéal que nous travaillons. »
Et du travail, il y en a. D’abord parce que la fête va découvrir un nouveau lieu. Elle a beaucoup voyagé au cours de son histoire presque centenaire. Et elle se cherchait un nouveau nid depuis que la municipalité de droite de Fontaine l’a dégagée. Après deux éditions à l’Esplanade de Grenoble, elle va retrouver ce qui lui sied : du vert, des arbres et de la prairie. Ce sera les 28 et 29 juin, parc Marius Camet à Saint-Egrève, devant l’hôtel de ville. Le tram E s’arrête devant, ce qui ne gâche rien. « Nous espérons bien nous poser là pour un nouveau cycle, précise Adrien Guerre, il nous faudra respecter ce lieu et son environnement. » Dans toutes les têtes, le centième anniversaire de sa création, en 2029 ; il faudra être à la hauteur. Reste que dans un nouvel espace, beaucoup de choses sont à réinventer.
La sérénité passe par la vignette
Et puis la difficulté inhérente à l’organisation de tous les événements festifs et musicaux de nos jours. A ceci près que « nous, à la fête du TA, nous travaillons sans subventions, sans lesquelles aucun des festivals du département n’aurait lieu aujourd’hui ». L’exception TA, l’exception militante… Dans un contexte de surinflation : « la technique sur la grande scène, par exemple, c’est 34 % de plus que l’an dernier ».
Alors, comment faire ? « Vendre des vignettes », répond Adrien du tac-au-tac. Les vignettes diffusées par les communistes et les organisations qui participent à la fête, c’est ce qui assure la présence du public, c’est ce qui permet de la faire connaître, c’est ce qui construit son équilibre financier. Vendre des vignettes, mais pas seulement. « Bien sûr, nous poursuivons nos efforts pour que chaque dépense soit réduite au strict nécessaire, avec des prévisions sur devis pour maîtriser les dérapages en amont, et nous nous appuyons sur une tradition de la fête : les talents musicaux que le grand public découvrira demain ; vous pourrez dire : « je les ai vus à la fête du TA ». » À l’exemple cette année de Kalika, chanteuse de 25 ans, en pleine émergence.
Autre direction de travail cette année, le renforcement des animations. « Nous voulons une fête vivante du début à la fin, une fête qui tourne à plein régime dès son ouverture vendredi soir et samedi matin », indique Adrien. D’où un soin particulier accordé aux animations, à leur diversité, à l’attention des tous les publics à commencer par les enfants…
Une construction en cours que l’on peut suivre sur le site internet de la fête, fete.travailleur-alpin.fr
Plus que deux mois !
Les rencontres de la fête du TA
Les débats et rendez-vous politiques de la fête
Vendredi 28 juin, à 17 h 15, à l’ouverture de la fête
« L’Amérique latine aujourd’hui, entre luttes progressistes et néolibéralisme prédateur ». Avec Maurice Lemoine, journaliste, ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique.
Samedi 29 juin, à 10 h 30 à l’ouverture de la fête
Conférence gesticulée, Une danse macabre, suivi d’une table ronde sur le thème « L’économie de la mort, quelles alternatives au profit sur le dos des familles ? ». Avec Jean-Loup et Alban, auteurs de la conférence gesticulée, et Jean-Marc Gauthier, maire de Vaulnaveys-le-Bas et président des Pompes funèbres intercommunales (PFI).
Samedi, en début d’après-midi
Table ronde sur le thème « Culture populaire et business, comment œuvrer à l’émancipation collective ? ». Avec Bolchegeek, youtubeur aux 300 000 vues sur sa chaîne, et Claudine Kahane, adjointe au maire de Saint-Martin‑d’Hères.
Samedi après-midi
Meeting des luttes, « Luttes de femmes, luttes de classes ». Avec des syndicalistes engagées dans les luttes des métiers « féminisés et dévalorisés ».
Le samedi, un temps fort de solidarité avec Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné, est en cours d’organisation.
Le 14 mai, les Jours heureux de Gilles Perret
Comme les trois coups, en lever de rideau de la fête. Ce sera à l’Espace vie étudiante, au cœur du campus, avec la projection du film documentaire de Gilles Perret, les Jours heureux, suivi d’un échange avec le public. De 18h à 23h, présentation de la fête et projection à 20 heures. L’occasion de faire connaître la fête aux étudiants.
David, le faiseur de bananes
Nouvelle équipe, nouveau projets… la fête du TA version animation, dans tous les compartiments du jeu.
David Cazé, DK pour les intimes, il a fait un peu tous les métiers. Un bonne raison pour se retrouver à la fête du TA. Aujourd’hui animateur – façon éclectique –, son credo, c’est l’éducation populaire.
C’est « çui qui dit qui y est », comme on dit. Il va donc payer de sa personne. Dans la préparation de la fête, pour commencer. Avec une responsabilité, celle du « bien-être des bénévoles ». « Le but, comme depuis toujours, c’est qu’on ait envie de revenir », dit-il. Que tout se passe bien. Dans notre beau monde d’aujourd’hui, « chacun a sa vision de l’engagement », analyse-t-il. Que ces pratiques se rencontrent, s’échangent… c’est ce à quoi il faut contribuer. D’où une série de propositions à la carte pour que tous ceux qui s’investissent dans la fête, de quelque manière que ce soit, « en sortent avec la banane ».
À la demande du public, des stands… et des enfants !
Comme c’est le TA, et que le sourire, c’est la pente naturelle de la fête, il y aura juste un coup de pouce à donner, une veille préventive. Aussi n’aura-t-il pas que ça à faire.
David, c’est lui qui se chargera de la soirée cinéma, une innovation en prélude à la fête, qui aura lieu à l’Espace vie étudiante, EVE de son petit nom, le 14 mai.
C’est lui aussi qui va travailler aux relations avec les associations locales, la population de la commune, de sorte que la fête soit bien accueillie.
De quoi arriver en pleine forme le jour J : les 28 et 29 juin, il sera dispo pour faire rire les enfants et pas que, un peu à la demande du public et des stands, pour faire l’ambiance.
Et ça promet.
Une scène 100 % féminine
Une nouvelle édition et déjà un aboutissement : la grande scène du samedi soir sera entièrement consacrée à des voix féminines.
Trois groupes, sur la grande scène du TA, le samedi 29 juin. Et trois groupes emmenés par des femmes. « C’est quelque chose qui a du sens et qui me tenait particulièrement à cœur », commente Adrien Guerre, directeur de la fête.
Une soirée qui sera clôturée par Kalika. Kalika, son deuxième prénom, qui fait écho à la communauté des gens du voyage dans laquelle elle a grandi ; Kalika, déesse indienne de la destruction et de la reconstruction. Faire de la « chanson française contemporaine trash aux mots tranchants, rugueux et pas tout le temps lisse et mignon », c’est comme ça que Kalika définit son style. Ses paroles crues racontent les histoires d’amour et de sexe tumultueuses d’une jeune féministe de 25 ans. Parmi les artistes qui l’inspirent, elle cite Yelle. On pense aussi à Angèle. De l’énergie et des combats que l’on retrouve dans on dernier album, Adieu les monstres.
Chanson française d’aujourd’hui
Sur la grande scène également ce samedi soir, Astroficus. Astroficus et la voix de Mahina Rakotomalala, à la base de la fusion de styles afrobeat, funk et musiques du monde emportant les publics de tous horizons, novices ou amateurs dans des rythmes ravageurs. Fusion dont le groupe grenoblois de neuf musiciens a fait sa signature. Les engagements d’Astroficus ? Shake and fall dénonce la construction de murs dans le monde et la nécessité de s’unir pour faire tomber des dirigeants sourds à la solidarité entre peuples ; tandis que Uncle Kapital fait l’inventaire d’un système capitaliste au bord de la rupture.
Le troisième ? A l’heure où ces lignes sont écrites, tout n’était pas encore signé. Les contacts étaient prometteurs… on vous dit tout sur le site de la fête, fete.travailleur-alpin.fr
Les concerts de la fête du TA 2024
Les latinos du vendredi
Une soirée féminine le samedi, après un meeting consacré aux « luttes de femmes, luttes de classe », et une soirée aux couleurs latino, le vendredi 28 juin. Elle débutera avec un débat et sera suivie par Los tres puntos sur la grande scène. Survivant du ska punk 90’s, marqué au fer rouge par le rock alternatif 80’s, Los tres puntos, c’est l’entrain du ska et la rage du punk rock pour un cocktail explosif. Rythmique effrénée, relevée d’une section cuivre virtuose, où les textes en français et espagnol croquent le quotidien de notre époque sombre et torturée.
Et l’on n’oubliera pas, au titre de l’ambiance festive, le concert d’ouverture de la soirée du samedi avec la Papa caliente, de la salsa à l’état brut. Soirées chaudes en perspective.
Punk rock
La fête du TA, c’est toujours aussi un moment de bon gros rock. Dans son jus et dans ses aventures contemporaines. Citons Opium du peuple, qu’on hésite à présenter tant le groupe écume la scène grenobloises depuis quelques temps. De joyeux drilles qui rhabillent la variété à la sauce punk métal. Du son… et de l’humour. Dans la même veine, les Coureurs de rempart. Ils montent sur scène comme sur une barricade et chantent la société du côté des opprimés et des mutines.
Et puis les locaux de l’étape, le groupe fontainois To/X et les Grenoblois de Pelle. To/X c’est trois potes qui ont décidé de se faire plaisir avec un projet psyché power rock… Avec Pelle, on goûtera du punk façon bamboche…
Ambiance TA
Et puis il y a tout ce qui fait la saveur d’une fête sans pareille : la diversité des animations pour le enfants – cette année, beaucoup pour les enfants – et les plus grands. Jeux, arts de la rue, impros au détour d’un chapiteau, chaleur des stands… La fête de l’ouverture à la fermeture, le vendredi de 17h à 1h et le samedi de 10h30 à 1 heure.