Patrick Le Hyaric, lors de son intervention à l’institut de la communication des des médias, à Échirolles.

Patrick le Hyaric, directeur de l’Humanité de 2000 à 2020, était présent à Echirolles le 19 mars dernier, pour marquer le 120e anniversaire de l’Humanité. Nous l’avons rencontré à cette occasion.

Dans un premier temps il a prolongé la réflexion de Cyprien Caddéo qui, le 16 mars à Echirolles, traitait la question de l’ère numérique de la presse quotidienne.

« Un journal papier, c’est chaque jour une œuvre : c’est dessiné, il y a un menu, il y a un graphisme, une cohérence. Le lectorat du papier est familier de cette cohérence. Le numérique permet plus de choses (écrits, vidéos, liens…). Il permet à l’Humanité de proposer une offre complète avec un quotidien, un hebdomadaire, des hors série et des articles sur son site, ce denier mis à jour plusieurs fois dans la journée.
Le lecteur, sur le numérique, ne lit pas un déroulé cohérent. Il picore un ou des articles. S’il y a gratuité, il consulte les sites de l’Humanité, Libération sur certains thèmes. Le lecteur des journaux papier lit et reviend sur les quotidiens et magazines.
Avec les algorithmes, nous verrons l’actualité de Macron à Marseille et ne verrons pas le député Darhéville à l’Assemblée nationale dénonçant la fermeture de l’usine Ascométal à Fos. L’algorithme choisit pour nous le sujet. L’Humanité ne peut pas sortir de ce système des GAFAMs. L’avantage du numérique c’est de nous servir des informations dans l’instantané, mais le numérique pousse à la pensée unique. Les mots clés du numérique ne sont pas social, communiste, grève… sauf si c’est pour dire « la grève emmerde les gens ». Le Figaro et le Monde mettent des moyens considérables et ont un accord avec Google, qui coûte cher, pour être en haut des référencements. Ces mêmes journaux ont également un accord avec openAI, système d’intelligence artificielle qui fournit des photos et articles. Ceci augure d’une disparition de nombre de journaux, par exemple du fait des articles générés par l’intelligence artificielle, pour le sport. »

Patrick Le Hyaric répond ensuite à la question d’actualité « guerre et paix ». La seule issue en Ukraine serait la guerre ?

« Il n’y aura pas de victoire militaire. Ceux qui pensent cela oublient 1870, 14-18. Après ces deux défaites, l’Allemagne a mené la guerre 39-45. En Russie, Poutine est un nationaliste, veut reconstituer une empire eurasiatique. On peut infliger une défaite, mais il y aura demain plus nationaliste que Poutine. Il n’y a pas de solution sans que les peuples s’en mêlent contre la guerre. La guerre Russie Ukraine peut durer longtemps avec des risques immenses. Les armées se parlent, mais une mauvaise interprétation, une erreur, peuvent causer un déclenchement de la guerre au-delà de l’Ukraine. Si un missile tombe en Pologne, une guerre peut éclater par l’application de l’article 5 du traité de l‘Otan. Au Kremlin (Prigogine, Medvedev) comme au Pentagone, il y a des faucons.
Si on avait un président français fidèle à la tradition de la diplomatie Française, au lieu de faire son cacou avec ses gros bras, il irait voir le président chinois, indien, d’Afrique du Sud, voire Erdogan, pour leur dire, « amenons Poutine à une discussion ». A partir de Minsk, il y a de quoi négocier. Il faut trouver une solution, discuter le statut de l’Ukraine, dire que des pays tiers peuvent garantir un traité de sécurité.
Poursuivre la guerre, c’est très très dangereux, en particulier après le triomphe des élections russes truquées. Il faut un cessez-le-feu pour aller vers un traité de paix.
Les Etats Unis veulent élargir l’OTAN en Europe de l’Est pour s’occuper de leur ennemi, la Chine.

Concernant le Moyen Orient ceux qui ne disent pas qu’il faut un état palestinien avec les frontières de 1967 et Jérusalem est pour capitale, laissent faire une stratégie consistant à donner un petit canton, dirigé par Abbas. L’OTAN veut, avec Israël, une pointe avancée au Moyen Orient.
J’ai fait voter au Parlement européen une résolution de compromis (début années 2000), revendiquant un État palestinien (frontières 1967, Jérusalem est pour capitale). Ceci a pu se faire, notamment du fait que des députés européens, ayant visité la Palestine, ont changé leur point de vue sur la question. C’est ainsi que le général Morillon, député européen (groupe de Bayrou) ayant fait une visite, après avoir subi le mal traitement des check points , a pris conscience de ce qu’est la colonisation israélienne.»

Patrick Le Hyaric cite d’autres exemples d’élus de droite du Parlement européen transformés dans leur conviction par un séjour à Jérusalem, découvrant la réalité des exactions commises par les colons et l’armée israélienne.

Il poursuit :

« Le parlement européen s’est droitisé. Les gauches sont divisées. Aujourd’hui il y a une grave fracture sur la question de la paix en Ukraine : socialistes-EELV d’un côté et LFI-PCF de l’autre. Il faut que l’on prenne des initiatives pour montrer qu’il y a mouvements de gauche en Europe pour la paix. Les régimes se durcissent en Russie, Ukraine. La référence de Poutine c’est Staline et les tsars. Il faudrait arriver à solidariser les travailleurs d’Europe avec les syndicats en mettant en liaison la question de la paix et les questions sociales ; le concept de guerre sert à limiter les libertés. »

L’entretien se termine en évoquant Jaurès qui a buté, avant d’être assassiné, sur la question de solidariser les partis socialistes pour la paix.

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